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Migration : Et, si le sous développement imposé par le FCFA était en cause ?

lundi 18 février 2019, par Assane Koné

Le samedi 16 février 2019, le Mémorial Modibo Keita de Bamako a servi de cadre pour la tenue de l’édition spéciale de « Migrances », sur le thème : « la nécessité des Etats généraux du FCFA ».

Cette journée fait suite à l’édition de « Migrances », tenue le 20 janvier 2019 à la Bellevilloise à Paris. L’objectif est de dire, d’une voix ostensible et claire que la faiblesse des démocraties en Afrique est due au déficit de connaissances des enjeux économiques et géopolitiques.

Dans le cadre de cette manifestation, un panel de haut niveau a été animé par Aminata Dramane Traoré, écrivaine, ancienne ministre de la culture du Mali ; Taoufik Ben Abdallah de Enda Tiers Monde ; Kako Nubukpo, ancien ministre du Togo ; Martial Ze Belinga du Cameroun ; Mamadou Koulibaly, ancien Président de l’Assemblée nationale de Côte d’Ivoire ; Issa Ndiaye, ancien Ministre du Mali et Demba Moussa Dembélé du Sénégal.

Plus précisément, dans la première de la journée, Martial Ze Belinga est intervenu sur « Les migrations africaines : une vision globale décoloniale », lorsque « L’Europe des paradoxes et des impasses : UE/ACP, PAS, APE, FCFA », a été abordé par Taoufik Ben Abdallah et Kako Nubukpo. « Les déterminants politiques et géopolitiques des départs » ont été exposés par Mamadou Koulibaly et Issa N’diaye et les « Migrations et lignes de fractures (entre pays et entre les deux rives du Sahara : les défis de l’UA), ont été abordées par Demba Moussa Demblé.

Dans l’après midi, l’auditoire composé essentiellement d’universitaires, chercheurs, militants, acteurs de la société civile, responsables politiques, citoyens africains et du monde, a été entretenu sur le thème « Le Francs CFA : de la nécessité des Etats généraux du FCFA ». A cet effet, Kako Nubukpo a présenté la thématique en relation avec la « Mémoire des luttes pour la souveraineté monétaire : les cas de la Guinée, du Mali, du Togo ». Mamadou Koulibaly a abordé le thème sur « l’insoutenabilité du franc CFA ». Martial Ze Belinga est intervenu sur les « Principes et valeurs pour un changement de paradigme monétaire ». La journée a pris fin par le lancement officiel de l’initiative des « Etats généraux du Franc CFA et de la transition vers des alternatives africaines ».

A l’entame de ses propos, Aminata D Traoré a expliqué que le choix du Mali n’est pas fortuit. Selon elle, l’initiative vise à rendre hommage au Président Modibo Keita qui a fait de la question monétaire, l’une des exigences de l’indépendance de notre pays. Elle a aussi ajouté que le Mali est emblématique à propos de la migration.

« La question migratoire, c’est d’abord délit de la démocratie à tous les niveaux. La monnaie ce n’est pas notre affaire. C’est l’affaire des blancs. Mais nous n’avons pas la prétention de donner de leçons ni à la France ni à nos dirigeants. Ce qui a manqué à nos pères fondateurs et nos dirigeants c’est une base », a-t-elle déclaré.

L’écrivaine a rappelé qu’il y a de cela 13 ans, modestement dans ce pays chaque jour, on a posé la question de savoir mais pourquoi partent-ils ? Elle a estimé qu’ils ne tournaient pas le dos à l’Afrique parce qu’elle est pauvre. « Ils tournent le dos au continent parce qu’on a mis en œuvre des politiques dites de développement économique qui n’ont pas développé le pays et qui ne peuvent pas développer le pays », a-t-elle indiqué. Pour preuve, elle dira que si cette même politique était capable de satisfaire la demande sociale, la France n’aura pas eu le droit à la crise des gilets jaunes. « Cela prouve qu’ils ne peuvent pas créer d’emplois ici ni chez eux », a-t-elle déclaré. Avant d’ajouter qu’ils ne doivent plus prétendre nous donner des leçons de démocratie, puisqu’eux-mêmes n’écoutent pas leurs citoyens.

« Le problème n’est pas l’Afrique, le problème c’est le modèle économique injuste, prédateur incapable de répondre à la légitime demande des citoyens », a-t-elle martelé. Pour cela, d’après, elle le peuple Africain, plus particulière les femmes et les jeune doivent comprendre qu’il est nécessaire d’aller vers une nouvelle culture de la citoyenneté et une nouvelle culture politique qui permettront d’embrasser les grandes questions du monde.

« La crise migratoire c’est le premier baromètre qui montre que la mondialisation a échoué. L’Afrique n’est ni maudite ni dépassée. Par contre, compte tenu de ces défis, il est porteur de réponse. Mais parce que nos modèles dominant ont lamentablement échoué. Nous revendiquons aujourd’hui la légitimité au plan intellectuel, de dire haut et fort que nous n’avons pas baissé les bras. Et nous n’avons pas démissionné », a-t-elle conclu.

Martial Ze Belinga économiste, sociologue de formation, co-auteur de l’ouvrage « sortir l’Afrique de la servitude monétaire que profite le CFA », a souligné que la question migratoire est aujourd’hui une question installée dans le paysage et la gouvernance mondiale, mais c’est une question qui traverse la société africaine.

« Nous ne pouvons pas accepter qu’une partie de notre jeunesse perde totalement espoir au point de s’en remettre à la sentence du hasard, à la sentence du désert et des mers. Il est absolument urgent que les africains proposent une démarche qui est la leur », a-t-il lancé. Avant d’ajouter que l’immigration africaine est aussi un produit des politiques globales du monde, qui sont des politiques en grande partie raciste et de prédation (financement des terroristes en Libye, accaparement des terres et les guerres).

« Le problème monétaire posé par le CFA contribue à un grand blocage au développement des pays africains, et à rendre au quotidien l’Afrique invivable », a-t-il dénoncé. Pour cela, il a estimé important de ramener ces deux thématiques ensemble pour que les africains réfléchissent et proposent des solutions à cours, moyen et long terme, avec la société civile et les principaux concernés.

Pour Mamadou Koulibaly, économiste universitaire, homme politique de Côte d’Ivoire, « on peut réellement sortir du FCFA. Ce n’est pas la population, ni les économistes, mais ce sont les chefs d’Etats qui peuvent dénoncer les accords », a-t-il constaté. Explique-t-il, cela nous rendra plus responsables, plus capables de faire des erreurs et de savoir les corriger. « Si on sort du CFA on aura la possibilité d’organiser notre économie à notre gré », a-t-il dit.

Bintou COULIBALY


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