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EDUCATION AUX MEDIAS : Un rempart contre les fake-news et les discours de haine au Mali
mercredi 23 avril 2025, par
Ces dernières années, des fausses informations et des discours de haine ont envahi les réseaux sociaux. Face au fléau, des organisations comme Journalistes pour les Droits Humains (JDH), et d’autres s’emploient à organiser ou financer des programmes d’éducation aux médias. Avec quels impacts ?
Selon Moro Siaka Diallo, Coordinateur de JDH au Mali, « avec internet et le développement du numérique, l’information est partout : à la télé, radio, journaux, téléphones, sites web, réseaux sociaux, objets connectés. En réalité, nous vivons pleinement dans la société de l’information et de la communication ».
Depuis octobre 2022, l’organisation canadienne, Journalistes pour les Droits Humains (JDH), a intégré l’éducation aux médias et à l’information dans ses projets. « Nous avons formé et engagé 264 jeunes filles et 133 garçons scolaires dont les connaissances et compétences ont été améliorées sur la recherche de l’information, l’évaluation des sources humaines et documentaires et la compréhension des médias d’information », indique M. Moro.
Leurs activités d’éducation aux médias et à l’information ont aussi touché 136 femmes et 09 hommes engagés dans des associations locales de défense des droits des femmes et filles au Mali. Ces activités ont été réalisées dans le district de Bamako à travers des sessions éducatives et des fora d’échanges.
Savoir comprendre les médias et analyser leurs contenus
Assane Koné, journaliste, Secrétaire général d’Appel-Mali, précise que l’éducation aux médias permet aux individus, plus particulièrement aux jeunes de comprendre, d’analyser et de critiquer les contenus médiatiques, qu’ils soient issus de la presse écrite, de la télévision, d’Internet ou des réseaux sociaux.
« Il n’y a aucun doute, l’éducation aux médias est une stratégie sûre de lutte contre les fakes news et la propagation des discours de haine », a-t-il déclaré. A son avis, l’éducation aux médias développe la compréhension des messages médiatiques, la capacité de repérer les intentions, et les sources, de distinguer les faits des opinions, et de détecter les fausses informations.
L’Association des Professionnels de la Presse en Ligne au Mali (APPEL-Mali), de l’avis de son Secrétaire général a initié, dans le cadre de la lutte contre la désinformation, plusieurs activités à Bamako, Ségou et Koulikoro sur l’intelligence artificielle dans le contexte de la lutte contre la désinformation ; des campagnes de sensibilisation des populations, notamment femmes et jeunes sur la citoyenneté numérique, des ateliers de plaidoyers sur l’introduction de l’éducation au média dans le système éducatif malien.
Aminata Yattara, journaliste et Responsable programme et communication de Forum de la presse, une association de journalistes qui œuvre à l’éducation aux médias, affirme que cette activité permet aux novices de « comprendre les médias, analyser l’information, utiliser les médias de manière responsable. Il s’agit de former des citoyens éclairés, critiques et actifs face au monde de l’information et de la communication. Elle est devenue essentielle dans nos sociétés hyperconnectées où tout le monde est à la fois consommateur et producteur de contenu ». Elle est convaincue que, l’éducation aux médias est un rempart contre les fakes news et les discours de haine. Car, elle apprend aux jeunes à analyser une information, à vérifier ses sources, à reconnaître les manipulations (images truquées, titres trompeurs, vidéos sorties de leur contexte, etc.). « Cela permet de ne pas se laisser piéger », dit-elle.
Beaucoup de fake news exploitent les émotions, elle cite : peur, colère, indignation… L’éducation aux médias aide à prendre du recul, à identifier ces leviers émotionnels et à comprendre qui a intérêt à diffuser de fausses informations. Elle enseigne aussi les valeurs de respect, de tolérance et de responsabilité dans les échanges en ligne. Elle permet de déconstruire les stéréotypes, les propos discriminatoires, et de comprendre l’impact réel des mots et des images sur les autres. Elle donne des outils pour signaler des contenus haineux, pour ne pas partager de fake news, et même pour répondre de manière constructive ou argumentée à des contenus problématiques.
Aux dires de Aminata Yattara, c’est justement pour toutes ces raisons que Forum de la presse a mené une série de formations dans des établissements scolaires et universitaires, mais, également, au niveau d’organisations de la société civile. « Nous avons constaté que beaucoup étaient victimes par ignorance. Mais, les campagnes de formation et de sensibilisation de Forum de la presse ont vraiment impacté », a-t-elle témoigné. « Dans les écoles et les quartiers, nous avons permis à des jeunes et à des mamans d’avoir désormais un rapport plus critique aux nouvelles ».
De son coté, Aliou Diallo, Fact-checkeur et Chargé de programme Benbere Verif, une structure de vérification d’informations, pense que Benbere Vérif, permet une éducation de masse, de toucher les jeunes à travers les contenus d’éducation aux médias et à l’information.
Bien consommer l’information
« Je trouve qu’il faut vraiment valoriser l’éducation aux médias. Car bon nombre de personnes ne savent pas consommer une information. Ils prennent tout pour vrai alors qu’il y a beaucoup d’informations erronées », déclare Kodio Amadou, journaliste. Selon lui, il le faut pour une bonne gouvernance. Cela permet aux citoyens de mieux lire entre les lignes pour éviter toute manipulation mais surtout de détecter les fausses promesses des vraies afin de déjouer dans le temps les mensonges.
Pour Khadidiatou Sanogo, journaliste, l’éducation aux médias permet aux producteurs et aux consommateurs de l’information de pouvoir la cerner, afin de distinguer le bien et le mal. « L’éducation aux médias est essentielle pour l’équilibre et la stabilité de la société. C’est une bonne solution pour lutter contre les fakes news et les discours de haine. Quand on sait comment fonctionne la production de l’information, on ne prend pas toutes informations comme argent comptant. Si les gens sont outillés ainsi, donc ça fait un rempart contre les fakes news et les discours de haine ».
Facteurs de discriminations et de radicalismes
Ibrahim Bagayoko, Sociologue de formation, affirme que le discours de haine est cette attitude discriminatoire qu’une personne ou un groupe de personnes s’adonnent à l’égard d’un autre groupe ou une population dans le but de créer un mal-être social, un désordre socio-économique et politique pour leur seul intérêt. Aujourd’hui, c’est un phénomène qui s’étend partout notamment sur les réseaux sociaux (medias sociaux). Le sociologue rappelle que le Mali, à l’instar des autres pays connait une montée des discours de haine depuis une dizaine d’années.
Le sociologue pense que le discours de haine est le propre des haineux, des frustrés et des fanatiques qui pour leurs idées ou idéologies utilisent des images, des caricatures ou des mots pour choquer l’opinion publique. Ainsi, il engendre des soulèvements populaires, freine l’épanouissement des personnes et du pays. Il est aussi facteur de discrimination, de marginalisation et de révolte.
La désinformation est un acte diffamatoire qu’une personne ou des groupes de personnes fait dans l’espoir de semer la discorde dans un pays pour un quelconque intérêt personnel. Elle est un fléau qui ravage toutes les scènes (politiques, sociales, religieuses, économies).
« Les impacts sont énormes : le peuple devient ignorant, indécis, rancunier et le chaos s’installe progressivement. C’est une sorte de radicalisme. Des personnes cupides, matérialistes sans aucune flexibilité rationnelle ouvrent la voie à tout sauf ce qui est de l’intérêt commun », a-t-il précisé.
Au Mali, ces phénomènes sont souvent encouragés par les autorités car il y a l’absence de moyens techniques adéquats pour freiner les désinformations et discours de haine.
Depuis 2003, rappelle le Coordinateur de JDH, l’Unesco préconise l’éducation aux médias et à l’information afin de permettre aux individus de participer à la vie culturelle et politique dans cette société de l’information et de la communication.
L’éducation aux médias et à l’information est devenue une solution pour les acteurs étatiques et non étatiques du développement, pour former des citoyens éclairés, actifs et responsables. C’est aussi, un moyen d’apprentissage et d’utilisation de l’information, des médias et d’internet, de manière critique, autonome et responsable.
Moro Siaka Diallo explique que, l’éducation aux médias et à l’information développe chez les individus une compétence de recherche de l’information, une compréhension objective des médias et une pratique citoyenne des médias et d’internet. Il ajoute qu’elle est une stratégie efficace pour lutter contre les fausses nouvelles et les discours de haine. « Un cyber citoyen éclairé, autonome et responsable sait identifier le vrai du faux, sait évaluer diverses sources d’information, sait produire et diffuser des contenus qui ne discriminent pas, ne menacent pas la cohésion sociale et la paix ».
Bintou COULIBALY
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