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Mali : Une nouvelle société civile en gestation

samedi 12 octobre 2019, par Assane Koné

« Donner au Mali une nouvelle société civile véritablement autonome et préoccupée par l’état réel du pays et des préoccupations de la grande majorité des Maliennes et des Maliens ». Tel est l’objectif que vient de s’assigner le Forum Civique, dirigé par le Pr Issa N’diaye et le Forum pour un Autre Mali (FORAM), présidé par Mme Aminata Dramane Traoré, ancien Ministre de la culture et figure de proue du Mouvement altermondialiste.

Le Samedi 12 octobre 2019, une trentaine d’acteurs maliens de la société civile, pour la plupart des universitaires, se sont donnés rendez-vous au Centre Kandioura Coulibaly (Ex-Kora Films). Ils y ont animé une journée de réflexion sur la mise en place d’une nouvelle société civile malienne véritablement autonome et préoccupée par l’état réel du pays et des préoccupations de la grande majorité des Maliennes et des Maliens.

Cette journée de réflexion a été une bonne opportunité pour la trentaine d’intellectuels maliens, de définir les normes et les modalités de fonctionnement de la nouvelle structure dont le nom n’a pas encore décidé.

Selon le Pr Issa N’diaye, c’est de façon volontaire qu’ils ont décidé de constituer un petit noyau solide d’une trentaine de personnes triées sur le volet pour lancer cette initiative. « Surtout que le défi nous semble important », a-t-il déclaré. Avant de rappeler que « nous sommes dans un pays en crise et cette crise a atteint un niveau inquiétant qui préoccupe beaucoup de maliens et de maliennes. Nous en faisons partie. Mais nous n’avons attendus le dialogue national en cours pour commencer a nous en inquiété ».

Selon le Pr Issa N’diaye, il y a plus d’un an que la situation du pays avait suscité de leur part une initiative de dialogue national sous la forme d’assises nationales et populaires. « Nous y travaillions. Nous avions pris beaucoup de contacts dans beaucoup de milieu, même avec les politiques. A l’époque nous avons élaboré des TDR que nous avions fait circuler. Et, nous nous apprêtions à en saisir officiellement les autorités pour faire la proposition d’organisation d’assises nationales populaires et souveraines quant l’initiative du dialogue national est tombée », a-t-il déclaré.

Cependant, il a indiqué que leur initiative avait connu quelques difficultés, notamment avec les politiques. « Nous étions convaincus que la conduite de manière sereine d’une initiative telle que le dialogue nationale ou assises nationales populaires, ne pouvait pas être confiée à l’Etat, ni à des partis politiques. Il fallait un segment neutre de la société qui soit capable de porter un tel projet. C’est pourquoi, nous avions conçu ce projet comme étant un projet porté par la société civile », a-t-il déclaré. Avant d’ajouter que pour eux, c’était à la société civile de convier l’ensemble des maliens à un dialogue national. « Mais, ce n’était pas l’avis du pouvoir. Bon, qu’à cela ne tienne, nous avons décidé d’y aller, puisse qu’il s’agit du Mali. Nous avons estimé que si l’initiative du pouvoir arrive à résoudre les problèmes tant mieux et dans le cas contraire, nous allons continuer avec notre dynamique de départ », a-t-il précisé.

« Au Dialogue national, nous avons constaté que l’appétit du pouvoir est tel qu’il est difficile que les politiques ne s’entendent »

« Nous avons été au dialogue national. Mais, un de nos constats a été que les passions sont telles, l’appétit du pouvoir est tel qu’il est difficile que les politiques arrivent à s’entendre sur les grands problèmes du pays », a-t-il déclaré. Selon le Pr Issa N’diaye, il y a beaucoup de subjectivisme, beaucoup de mauvaise foi. « On peut se dire que peut être que la chose politique est fait ainsi. Mais, nous pensons que la situation est assez grave au point que cela nécessite que l’ensemble des maliens se penchent sur elle », a-t-il indiqué.

Avant de préciser qu’ils sont allés au débat concernant le dialogue national. Selon lui, c’est grâce à cette participation qu’ils sont arrivés à convaincre un certains nombre d’acteurs, notamment l’Etat qu’il fallait passer du dialogue politique inclusif au dialogue national inclusif. « Nous avons dit que le pays n’a pas besoin d’un dialogue politique, mais plutôt d’un dialogue national. Puisque les problèmes ne sont pas que politiques et d’ailleurs les politiques font partie du problème. La situation dramatique dans laquelle nous nous trouvons est la conséquence du comportement des politiques. Il fallait y verser toutes ces questions qui concernent la politique. Mais ce ne sont pas les questions qui intéressaient les maliens », a-t-il précisé.

Selon le Pr Issa N’diaye, les maliens sont plutôt préoccupés par l’insécurité. « Le pays est en guerre. Il faut analyser les causes de cette guerre. L’état est en faillite et il faut analyser les causes de cette faillite et essayer de reconstruire l’Etat », a-t-il déclaré.

« Malgré la gravité de la situation, l’élite malienne n’a pas pris conscience de la dangerosité du problème »

« Mais, nous constatons que Malgré la gravité de la situation, l’élite malienne n’a pas pris conscience de la dangerosité de la situation. Si nous ne faisons pas attention ce pays risque de voler en éclat à travers des séries de guerres civiles qui n’en finiront pas », a-t-il indiqué. Avant de faire remarquer que nous en avons déjà les prémices dans le nord et dans le centre du pays. Il a estimé que cela descend de plus en plus vers le sud. « Ce pays est menacé d’implosion », a-t-il prévenu. Avant de s’interroger : « Qu’est ce qu’il y a lieu de faire ? ».

Sans être détenteur de solution magique, le Pr Issa N’diaye dira que parmi leurs éléments de diagnostic, ils ont constaté qu’il y a un segment important de la société malienne qui a faillit : La société civile. « Si nous en sommes-là, c’est parce que la société civile elle aussi pose problème. C’est parce que cette société civile dans une grande partie s’est politisée. Les religieux par exemple, sensés être l’interface en cas de crise dans la société, ont pris des attitudes politiques, en entrant dans le jeu politique. Les légitimités traditionnelles sont entrées dans le jeu politique. Quand on analyse d’autres segments de la société civile, on se rend compte que beaucoup de secteur ont basculé dans le champ politique. La politique est devenue un gagne pain qui a gangrené tous les secteurs », a-t-il déclaré.

Et, pour cela, le Pr Issa N’diaye fera remarquer qu’aujourd’hui, beaucoup de gens parlent au nom de la société civile. « Il y a même des professionnels de la société civile qui vivent de la société civile », a-t-il indiqué.

Et, face à un tel fléau, le Pr Issa N’diaye que de leur analyse, ils sont arrivés à la conclusion que toute tentative de soigner le Mali, notre pays, passe par la construction d’une nouvelle société civile. « Et, pour cela, nous avons convié certains à ces discussions exploratoires, pour réfléchir à la nécessité de mettre sur la place publique une nouvelle plateforme qui a pour objectif de faire émerger une nouvelle société civile », a-t-il déclarer.

Quels doivent être les fondements de cette nouvelle société civile ?

Selon le Pr Issa N’diaye, il est important que cette nouvelle société civile soit non partisane. C’est-à-dire qu’elle ne soit ni affiliée à l’état, ni aux partis politiques. « Il faut qu’elle soit autonome. Elle doit être indépendante des pouvoirs publics et des partis politiques. Ceci est fondamental à notre avis en nous fondant sur plusieurs cas en Afrique », a-t-il insisté. Avant d’ajouter qu’elle doit avoir une autonomie de penser et surtout une autonomie d’action sur la base de l’endogèneité. Il a aussi mis un accent sur l’autonomie financière de cette nouvelle société civile. « Nous ne pouvons pas continuer à tendre la main aux pouvoirs publics ou ailleurs et surtout à des bailleurs de fonds étrangers et vouloir être indépendant et autonome », a-t-il estimé. Avant d’annoncer qu’ils vont chercher en leur sein, les moyens indispensables pour financer leurs actions.

Le Pr Issa N’diaye compte sur les opérateurs économiques maliens soucieux du devenir de leur pays et du climat des affaires du pays.

La stratégie de cette nouvelle société civile, selon le Pr Issa N’diaye, va consister à la création des espaces de dialogue citoyen dans les villages, les communes, les villes et au niveau national. « Dans ces espaces, les citoyens débattront de leurs préoccupations et proposeront des pistes de solutions », a-t-il annoncé. Le Pr Issa N’diaye est aujourd’hui convaincu qu’il va falloir utiliser l’arme de la mobilisation populaire pour faire changer les choses au Mali. « Cette bataille de la mobilisation populaire est essentielle et nous allons la faire en forgeant une nouvelle citoyenneté, en aidant chaque citoyen à avoir une conscience claire », a-t-il dit avec beaucoup de conviction.

Assane Koné


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