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Immigration : Le Fonds fiduciaire d’urgence au centre d’une polémique

vendredi 9 juillet 2021, par Assane Koné

La mise en œuvre du fonds fiduciaire d’urgence au Mali, au Niger et au Sénégal, est au centre d’une polémique. Des organisations de la société civile engagée sans la défense des droits des migrants, des réfugiés ou demandeurs d’asile, semblent avoir une réponse tout faite. « Le fonds fiduciaires d’urgence, loi d’être un outil de développement, est un instrument de contrôle des migrants ». Telle est la conviction de Ousmane Diarra, Président de l’Association Malienne des expulsés.

« Le Fonds fiduciaires d’urgence, en finançant des projets visant à réduire les migrations ou en utilisant le développement comme moyen de dissuader les personnes de partir, tente surtout de contenir les personnes loin du territoire européen ». Cela a été clairement soutenu par Ousmane Diarra, Président de l’Association malienne des expulsés (AME), le 3 juillet 2021, lors d’une assemblée générale des Associations et organisations de défense des droits des migrants au Mali. C’était dans la salle de mariage de la Mairie de la Commune I du District de Bamako.

Sur la base d’une note d’analyse produite par la CIMADE, l’AME, L’ Alternative espaces citoyen Niger (AEC) et le réseau migration et développement du Sénégal (REMIDEV), Ousmane Diarra a estimé que la lutte contre la migration « irrégulière » enclenchée par le Fonds Fiduciaire, accroit les risques sur les routes migratoires sans pour autant empêcher les départs ni protéger réellement les droits des personnes. « Au Niger, tous les acteurs s’accordent à dire que la loi sur le trafic illicite des migrants a poussé les migrations hors des routes habituelles, sur des parcours plus dangereux et plus coûteux pour les personnes, qui se retrouvent entièrement dépendantes de leur transporteur », a-t-il indiqué.

Selon Ousmane Diarra, le Fonds fiduciaires d’urgence en faveur de la stabilité et de la lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière et du phénomène des personnes déplacées en Afrique(FFU) de l’Union européenne a été créé lors du Sommet de la Valette (Malte) en 2015 en relation avec l’augmentation des arrivées de personnes migrantes sur les côtes européennes.

« En 2017, le Collectif Loujna-Tounkaranké et le réseau Euro-africain Migreurop avait publié un rapport conjoint intitulé ‘’Chronique d’un chantage’’, qui dénonçait l’utilisation politique du FFU », a rappelé Ousmane Diarra. Avant de dire que ce rapport conjoint vient d’être actualisé par la note d’analyse de la CIMADE, l’AME, L’Alternative espaces citoyen Niger (AEC) et le réseau migration et développement du Sénégal (REMIDEV).

Cette note d’analyse précise qu’ « à mi-2020, 248 projets ont été signés pour un montant global de 4, 78 milliards d’euros ». Mais, pour être plus précis dans leurs analyses, la CIMADE, l’AME, Alternative espaces citoyen Niger (AEC) et le réseau migration et développement du Sénégal (REMIDEV), se sont intéressés aux mécanismes du FFU et 8 projets sur les 33 qui ont concerné le Mali, le Niger et le Sénégal.

Verdict de l’analyse est sans appel : « Le FFU est un fonds et des projets maîtrisées par l’Union européenne pour l’Union européenne »

Et, le verdict de l’analyse est sans appel. « Le FFU est un fonds et des projets maîtrisées par l’Union européenne pour l’Union européenne », accuse la note d’analyse. Se basant sur étude commanditée par le Parlement européen, les organisations de la société civile, par la voix de Ousmane Diarra, ont soutenu : « bien qu’une minorité de projets réponde effectivement à cette priorité, le financement du FFU est de facto utilisé comme levier de conditionnalité vis-à-vis des gouvernements africains ».

A titre d’exemple, la note d’analyse a rappelé que « le FFU utilise la lutte contre la pauvreté et les inégalités afin de réduire les départs, ce qui peut conduire à s’éloigner des besoins réels des pays ». Elle a indiqué que « le projet ‘’Développer l’emploi au Sénégal’’ cible en priorité les zones de départ et non celles à fort taux de chômage. Et, face à cela, les Organisations de la société civile pensent que FFU est utilisé par l’Union européenne comme un outil de communication pour afficher son engagement dans la lutte contre « les causes profondes de la migration » auprès des Européens ». Par conséquence, les Organisations de la société civile pensent que FFU prend en compte les besoins de l’UE avant ceux des pays bénéficiaires.

Pour l’organisation de la société civile, « la mise en œuvre du FFU est maîtrisée par l’Union Européenne ». Selon elles, les projets ont principalement été attribués aux coopérations des Etats membres de l’UE et aux agences des Nations Unies, sur une base de 61% des fonds contre 10% pour les pays bénéficiaires au Sahel. Pire, elles dénoncent le fait que l’UE a généralement accordé ces financements de gré-à-gré, en dehors de tout appel d’offre.

« Projets peu adaptés aux contextes nationaux »

Et, comme, il fallait s’y attendre, cela pourrait expliquer le fait que l’on soit en face de « projets peu adaptés aux contextes nationaux ». « Les mécanismes d’élaboration des projets conjugués à des décisions prises sur la base des objectifs de l’UE ont pour conséquence un manque d’adaptation de nombreux projets aux contextes nationaux des Etats bénéficiaires », a dénoncé les Organisations de la société civile. A titre d’exemple, elles ont cité : « Au Mali, le projet de l’OIM, prévoyait la construction de 3 centres de transit (Bamako, Kayes et Gao), sans tenir compte des centres existants, gérés par les autorités nationales, à Bamako et à Gao, ni du fait que Kayes n’est pas une zone de transit, mais de retour.

Les Organisations de la société civile ont aussi reproché au FFU, le fait qu’il est trop focalisé sur « la réduction des départs par tous les moyens ». Pour cela, elles pensent que le FFU contribue à « bloquer les personnes sur les routes » migratoires et à « les renvoyer dans leur pays d’origine », en ne tenant pas trop compte des droits humains.

Et, pour tout cela, Ousmane Diarra dira que la note d’analyse a décidé d’attirer l’attention de l’opinion publique sur le fait qu’ « au Sahel, comme aux frontières européennes, en pointant les ‘’passeurs’’ comme uniques responsables de ces drames, les décideurs politiques détournent l’attention des causes structurelles à l’origine de ce phénomène’’. Et, d’ajouter que « c’est bien le durcissement de la réglementation et la sophistication des contrôles aux frontières, qui est la cause du développement d’un ‘’business’’ de la migration ».

Et, sans porter de gant, la note d’analyse des 4 organisations de la société civile, accuse : « Les gouvernements européens se rendent ainsi les complices, sinon les co-responsables, de violations des droits sur les personnes migrantes ». Dans l’optique de mettre à nu la stratégie des gouvernements européens, Ousmane Diarra dira qu’en « prétendant les ‘’sauver’’, ils utilisent le ‘’retour volontaire’’ comme un outil supplémentaire pour mettre à l’écart celles et ceux qu’ils considèrent indésirables.

Assane Koné


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