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Esclavage par ascendance en pays Sarakolé : Une dangereuse résurgence qui menace la cohésion sociale
mercredi 29 mai 2019, par
Depuis des mois, dans le pays sarakolé, en contradiction totale avec le principe d’égalité entre les citoyens qui fonde la république, des individus ont décidé de nous imposer des pratiques moyenâgeuses. Ils sont encore au stade de voir en certains de leurs concitoyens des esclaves. Au regard de la gravité de ce qui s’y passe, les autorités maliennes qui ont la responsabilité de faire respecter la Constitution et la loi, sont interpellées.
Originaire de Djandjoumé, Commune de Gogui, Cercle de Nioro du Sahel, Y.S père de 7 enfants, vit un drame depuis le 4 janvier 2018. Ce jour-là, à pratiquement 68 ans, délégué par le conseil de sa famille, il est allé déclarer à H.C.Y, que lui et les siens cessaient la fonction d’esclave. Mieux, il a souhaité que désormais, seuls des relations de fraternité doivent les lier.
Dans le Mali de 2018, pendant la période des travaux champêtres, il y a encore des maliens qui travaillent les samedis et les dimanches dans le champ du maître, en occurrence H.Y. Et, tout absent doit lui verser par jour la somme de 1000 FCFA.

Pire, lors des cérémonies, notamment fêtes, mariages, baptêmes et décès…, le vieux Y. S et sa famille sont obligés de se rendre dans la famille H.Y. Lorsque les femmes de la famille Y.S font la cuisine et le ménage, les hommes deviennent des bouchers et assurent la corvée en bois de chauffe.
C’est ce à quoi, Y.S et les siens ont décidé de mettre fin le 4 janvier 2018. Et, comme, il fallait s’y attendre, en guise de représailles H.Y a délimité la cour d’habitation de la famille de Y.S et leur a signifié qu’elle ne leur appartenait plus. Et, comme cela ne suffisait pas, le 25 mai 2018, H.Y a signifié à Y.S et les siens qu’ils ne pourront plus cultiver le champ légué par leurs ancêtres et que leur famille exploitait depuis plus de 188 ans.
« Immédiatement, nous sommes allés nous plaindre chez le Maire de Gogui. Il nous a dit qu’il ne pouvait rien, mais qu’il prenait acte pour le témoignage au besoin. Ensuite, saisi le Sous-préfet nous a dit qu’en cas de procès, il sera prêt à témoigner et n’a donné aucune consigne. Pour sa part, le Préfet de Nioro du Sahel a dit qu’il prenait acte et que c’est au Sous-préfet de le saisir du problème et non les victimes ». Désespéré face à ce que l’on pourrait considérer comme un « déni » de justice de la part de l’administration malienne, c’est en ces termes que Y.S est venu se plaindre à Temedt, association dédiée à la lutte contre l’esclavage par ascendance au Mali.

Malheureusement, Y. S n’est pas un cas isolé dans le pays Sarakolé. Aujourd’hui, au Mali, en pays Sarakolé, dans les villages des cercles de Kayes, Yélimané, Diéma, Nioro, Nara, Baraouéli, Banaba et une partie du cercle de Kita, de nombreux citoyens maliens sont victimes d’exactions, parce qu’ils refusent d’être esclaves.
« Je ne suis pas esclave et je n’accepte pas d’être esclave de quelqu’un », la déclaration a été faite par Hammet Coulibaly, de Kérouané dans la commune de Gourouméra, dans le cercle de Diéma et non moins président pour le cercle de Diéma de l’Association rassemblement malien pour la fraternité et le progrès (GANBANA).
« Dans le pays sarakolé, tous ceux qui ont des noms de famille à consonance bambara, comme Coulibaly, Traoré, Diarra, Dembélé, Koné, Keita, Sissoko, …sont aujourd’hui tous considérés comme des esclaves et traités comme tel », a indiqué Hammet Coulibaly. Avant d’ajouter que l’esclave ne peut pas être élu maire. Il n’a pas le droit de devenir Imam, même s’il est un érudit. La veuve de l’esclave ne fait qu’à peine deux mois de veuvage pour se remarier. Pire, il dira que tous ceux qui refusent le statut d’esclave sont mis sous embargo. Aucun boutiquier du village n’a le droit de lui vendre quoi que ce soit. Ses animaux ne peuvent plus paitre dans les pâturages à la lisière du village. Même en cas de décès personne ne le soutient pour l’enterrement.
« Si le pays avait une justice et une administration digne de nom, je suis convaincu que la loi allait être dite. Parce que les maliens sont égaux en droit et en devoir », a-t-il indiqué. Avant de regretter le fait qu’aucun soit disant maître d’esclave n’a été inquiété par la justice malgré les exactions qu’ils font subir à leurs concitoyens qu’ils considèrent comme leurs esclaves.

De Djandjoumé (Nioro) à Troungoubé, en passant par Tafassirga, Bahara, Béma, Diéma et Kérouané, ce sont au moins une trentaine de personnes qui ont été victimes d’exactions allant jusqu’à des coups et blessures, sans compter les centaines de personnes molestées et humiliées publiquement, parce qu’ils ont simplement osé dire qu’ils ne sont pas esclaves. Et, chose grave, aucun Chef de brigade de gendarmerie, aucun Sous-préfet et aucun Préfet, dans ces zones n’a osé lever le petit doigt pour protéger les victimes d’exactions du fait de l’esclavage par ascendance.
La résurgence de l’esclavage par ascendance viole en plusieurs points la constitution malienne
En plus des conventions internationales signées et ratifiées par le Mali, dans le titre premier de sa constitution, une série d’articles sont claires en la matière. « La personne humaine est sacrée et inviolable. Tout individu a droit à la vie, à la liberté, à la sécurité et à l’intégrité de sa personne », nous dit l’article premier de la constitution. Et, l’article 2 d’ajouter que « tous les Maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits et en devoirs. Toute discrimination fondée sur l’origine sociale, la couleur, la langue, la race, le sexe, la religion et l’opinion politique est prohibée ».
Si l’Etat ne prend pas le taureau par les cornes, il faut craindre que les citoyens maliens considérés comme des esclaves, excédés par les représailles, ne se mettent dans des logiques d’autodéfense.
Assane Koné
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