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Crise politique et sécuritaire malienne : La solution du PARENA

dimanche 13 juillet 2014, par Assane Koné

Sur initiative du Mouvement de la Jeunesse PARENA, Tiébilé Dramé, Président du PARENA, a animé une conférence débat le 12 juillet 2014 au CICB, sur le thème : « La situation politique nationale : Comment sortir de l’impasse ? Lisez la communication prononcée par Tiébilé Dramé lors de cette conférence.

I. Introduction :

Le 17 avril dernier, le PARENA a rendu public un Mémorandum sur les sept premiers mois du quinquennat du président de la République.

Faisant un constant documenté des dérives de la nouvelle gouvernance, le document se terminait par une série de recommandations parmi lesquelles :

  Instaurer une gouvernance moderne et prévisible,
  Desserrer l’étau de la famille présidentielle sur l’Etat,
  Relancer le processus politique de récupération de la région de Kidal,
  Soulager les ménages et relancer l’économie en payant les arriérés dus au secteur privé national étouffé par une dette intérieure insupportable.
 
La direction du PARENA avait pris le soin d’envoyer le Mémorandum au président de la République et au Premier ministre en demandant audience pour parler de vive voix de son contenu et des recommandations.

Comme toute réponse, nous avons eu droit à une abjecte campagne de dénigrement orchestrée depuis Kuluba à travers certains journaux de la place et sur des réseaux sociaux.

Le PARENA et ses dirigeants ont été couverts d’injures et de calomnies dans le vain espoir de nous intimider et de nous terroriser.

Enfonçant leurs têtes dans le sable, à la manière de l’autruche du désert, les nouveaux dirigeants se sont installés dans une politique de fuite en avant et ont persisté dans leurs erreurs.

La nouvelle gouvernance qui était caractérisée, à ses débuts, par l’immixtion sans précédent de la famille dans les affaires publiques, le pilotage à vue, l’improvisation et l’opacité s’est enrichie par le déni des réalités et le mépris pour les acteurs politiques, économiques et sociaux, en somme pour le peuple.

Les résultats de cette politique sont là sous nos yeux : la situation du Mali en ce mois de juillet est infiniment plus grave qu’elle ne l’était au moment de la parution du document du PARENA à la mi-avril :

  Nous avons perdu la quasi-totalité du Nord à la suite des graves et douloureux événements du 21 mai provoqués par la visite aventureuse du Premier ministre à Kidal.

  Le drapeau des séparatistes flotte sur Djebock, à 45 kms de Gao et sur Ber, à 53 kms de Tombouctou. Le 9 juillet, le Chef de l’Etat a avoué aux Maliens du Ghana que les groupes armés du Nord se promenaient désormais dans le Gourma au sud du fleuve Niger. Le communiqué du Gouvernement sur les mouvements et les concentrations de troupes des groupes armés ainsi que les combats sanglants entre Tabankort et Anéfis sont révélateurs de la réalité du Nord.

Le triste constat est que par leurs errements, le Président et le Premier ministre ont, en quelques mois, fait plus pour le projet séparatiste que le MNLA en quatre années d’existence.

  L’autre signe de l’aggravation de la situation est l’isolement du Mali et la détérioration de nos relations avec les partenaires techniques et financiers qui ont suspendu le versement de 2 à 300 millions d’euros d’aide budgétaire à cause de la mauvaise gestion des finances publiques et des « malversations » pour emprunter un mot terrible utilisé par le FMI à l’endroit d’un gouvernement.

Aussi dure que soit la réalité, nous devons avoir le courage de la regarder en face :

Jamais depuis l’indépendance, le Mali n’a été dans une situation aussi difficile, aussi fragile. Jamais la réputation internationale de notre pays n’a été autant écornée. Jamais le leadership malien n’a été aussi faible. Jamais la crédibilité intérieure et extérieure d’un gouvernement n’a été autant entamée. Jamais les Maliens n’ont été autant déroutés.

Et pourtant, élu en août 2013 avec plus de 77% des suffrages exprimés, le nouveau président avait toutes les cartes en mains pour conduire le processus de sortie de crise :

  l’adhésion de la majorité des Maliens qui ont cru qu’il était l’homme de la situation,

  l’immense espoir suscité au sein de l’opinion nationale par cette élection,

  la pacification de l’espace politique et du front social pendant de longs mois,

  le soutien et la sympathie de la communauté internationale,

  la générosité de nos partenaires comme illustrée à Bruxelles en mai 2013,

  le précieux outil sur le chemin de la paix et de l’unité nationale que constituait l’Accord préliminaire de Ouagadougou.

Avec autant d’atouts, le Mali avait toutes ses chances de se relever et de redresser.

Hélas, au fil des mois, nous avons assisté à la dilapidation de toutes nos cartes, faute de vision, faute d’avoir tiré les leçons des causes profondes de l’effondrement du pays en 2012.

De toute évidence, le Président s’est trompé de pays et d’époque. Il s’est aussi et surtout trompé sur les attentes et les aspirations du peuple malien. Il a manqué de sens des réalités et des priorités.

Il s’est cru à la tête d’un pays normal alors que le Mali sortait à peine de l’abîme et d’un long traumatisme causé par la rébellion, le coup d’Etat, l’effondrement de l’Etat et de l’armée, l’occupation des 2/3 du territoire national.

Le quotidien de notre peuple était celui de l’oppression, d’une nuit noire faite de destruction du patrimoine national, de flagellation, de lapidation, de viol, de mains et de pieds coupés, d’exécutions sommaires, de disparitions forcées, et d’humiliation de toutes sortes.

Un tel peuple, un tel pays meurtris à tous points de vue, avaient un pressant besoin d’une nouvelle gouvernance fondée sur des politiques d’humilité et de vertu, sur une gestion transparente et rigoureuse des maigres ressources du pays, sur un discours crédible fondé sur le respect du serment et des engagements pris.

Au lieu de rassembler le pays dans la transparence et le conduire hors de l’abîme, les nouveaux dirigeants ont compromis les chances du pays de se relever par le népotisme, les dépenses de prestige (achat d’avion, rénovation de palais et de résidence privée etc), les marchés opaques et douteux, les voyages incessants sans résultats probants (une quarantaine en 10 mois), les tergiversations et les actes hasardeux et surtout l’amateurisme dans la gestion de la crise du Nord,

II. COMMENT SORTIR DE L’IMPASSE ? COMMENT REMETTRE LE PAYS SUR LES RAILS ?

Pour ne pas gâcher toutes les chances du pays, il est urgent de se ressaisir.

Pour sortir de l’impasse en préservant le cadre démocratique/républicain et éviter que le pays ne sombre, les pistes suivantes pourraient être explorées :

1. Sur le Nord :

  Le président de la République doit s’adresser à la Nation. Son silence depuis les graves événements du 21 mai est inexplicable et inacceptable. Il s’était adressé à la Nation après la visite désastreuse du Premier ministre à Kidal. Pourquoi se tait-il depuis le 21 mai ? Le pays doit savoir ce qui s’est réellement passé entre le 17 et le 21 mai à Kidal. Quel est le bilan exact ? A ce jour aucune information officielle sur le nombre de soldats et de civils morts, le nombre de disparus, le nombre de prisonniers et sur les véhicules et l’armement saisis sur l’armée.

  Le Chef de l’Etat doit réunir une Table-ronde majorité/opposition élargie aux autres forces vives du pays pour élaborer une Plateforme et une vision malienne qui seront défendues par les négociateurs du gouvernement ;

  Cette plateforme contiendra le principe du retour des combattants des groupes armés aux positions d’avant le 21 mai conformément à l’Accord de Ouagadougou et aux résolutions internationales subséquentes.

  Après les négociations avec les groupes armés, il sera indispensable de convoquer un forum ou un congrès des communautés du Nord afin que les représentants dûment mandatés de la majorité silencieuse, celle qui n’a jamais pris les armes, puissent prendre part au dialogue inter-malien.

  Nous préconisons l’élection des gouverneurs de toutes les régions du Mali par des assemblées régionales élues à la proportionnelle et disposant de réelles compétences dans le cadre du principe démocratique de la libre administration des collectivités territoriales.

2. Sur nos relations avec la communauté financière internationale :

Tout doit être mis en œuvre pour éteindre l’incendie allumé avec le FMI afin que le Mali puisse renouer avec ses partenaires techniques et financiers.

  Aussi, recommandons-nous que l’audit en cours des marchés ayant suscité des soupçons de malversations soit conduit de manière professionnelle et rigoureuse dans une intégrité sans faille.

  Nous recommandons au Gouvernement de répondre de manière sérieuse et précise aux questions posées par le FMI afin de préparer dans les meilleures conditions la prochaine visite de l’institution financière.

  Nous recommandons au président de la République la vente des deux avions présidentiels.

3. Sur l’immixtion de la famille dans les affaires publiques,

  Nous recommandons que l’étau de la famille soit desserré autour des institutions de la République (notamment le Gouvernement et l’Assemblée Nationale).

4. Sur la refondation des forces armées et de sécurité :

Les événements du 21 mai nous rappellent que plusieurs années seront nécessaires pour reconstruire notre outil de défense et de sécurité. Nous nous devons de repenser totalement une politique de défense à la lumière de ce qui nous est arrivé et au vu des défis de notre époque.

En attendant, nous devons envisager des politiques de coopération en matière de défense et de sécurité avec nos principaux partenaires et voisins.

Dans ce cadre, comment ne pas signer un accord de coopération en matière de défense et de sécurité avec la France qui est venue à notre secours quand nous étions au fond de l’abîme et dont la présence au Nord est notre principal bouclier contre les terrorisme ? Un tel accord ne doit pas être exclusif. D’autres accords de ce type pourront être signés avec nos voisins et d’autres partenaires.

5. Sur l’unité de la communauté musulmane du Mali :

Notre pays est une vieille terre d’islam. La communauté musulmane a toujours pris une part importante dans sa stabilité. Ce rôle prend un relief particulier aujourd’hui plus que jamais au regard des menaces qui pèsent sur nous. L’engagement de toute la Oumma du Mali en faveur de la forme laïque et républicaine de l’Etat doit être préservé.

Tout doit être mis en œuvre pour apaiser la situation au sein du Haut Conseil Islamique, conforter et promouvoir la cohésion et le consensus en son sein.

6. Sur la tenue d’Assisses nationales :

  Les dérives de gouvernance et les atteintes à la morale publique relevées depuis dix mois, les atermoiements dans la gestion du dossier du Nord montrent à suffisance que nous n’avons pas tiré les enseignements appropriés de la crise multiforme que le pays a connue en 2012.

Au regard de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons, de l’aggravation de la situation, il est hautement souhaitable que le président de la République convoque des Assisses Nationales pour permettre aux forces politiques, économiques, sociales et culturelles du pays (de l’intérieur comme de l’extérieur) de réfléchir sur la gouvernance du pays, sur d’indispensables réformes institutionnelles afin de dessiner les contours du Mali post-crise.

  Dans le cadre de la rationalisation et la modernisation des institutions et de la lutte contre la personnalisation du pouvoir, nous préconisons la suppression de l’élection présidentielle au suffrage universel, l’élection du président de la République par un parlement monocaméral élu à la proportionnelle, l’élection des gouverneurs de région par des assemblées régionales dotées de pouvoirs réels.

  Les conclusions du dialogue inclusif inter-malien seront validées par ces assisses et auront de ce fait une large base populaire nationale.

  Ces assisses qui ne remettront pas en cause l’institution présidentielle pourraient se tenir à l’occasion du 1er anniversaire de l’installation du Président.

  Elles dresseront une feuille de route de sortie de crise et marqueront un nouveau départ pour notre pays et renforceront le cadre républicain.

Ce faisant, les Assisses Nationales scelleraient un nouveau Pacte national de paix et de bonne gouvernance qui confortera l’unité et la cohésion nationales ainsi que la paix dans tout le pays.

Les quatre années restantes du quinquennat du Président seraient consacrées à mettre en œuvre les conclusions et recommandations des Assisses Nationales.

Le Président deviendra alors un président de rassemblement, de transition vers un nouvel ordre démocratique et républicain. Il sera ainsi une sorte De Gaulle en 1945, au lendemain de la 2è guerre mondiale.

Le Mali de 2013-14 post rébellion, post coup d’Etat, post occupation, post intervention internationale est semblable, toutes proportions gardées, à la France sortant de la guerre et de l’occupation.

III. Conclusion :

L’analyse et les propositions ci-dessus visent à replacer le Mali au cœur de nos préoccupations, à le sortir de l’immobilisme en lui permettant de reprendre l’initiative.

La mise en œuvre de ces propositions nous permettra de :

  Reprendre la maîtrise du processus de négociation en vue d’une paix définitive,

  Reconstruire l’Etat sur de nouvelles bases,

  Reconstruire nos forces armées et de sécurité,

  Renouer avec la communauté internationale.

  Adopter un nouveau Pacte national de paix et de bonne gouvernance.

Ainsi, nous créerons les conditions de la stabilité, de la paix et du développement de notre pays.

Ces cinq axes seront les éléments constitutifs de la nouvelle feuille de route dressée au cours de ces Assises Nationales


Bamako, le 12 juillet 2014.

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