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Bombe atomique : Le coup de semonce de Téhéran aux puissances nucléaires

dimanche 24 novembre 2013, par Assane Koné

Les négociations entre l’Iran et les grandes puissances autour du programme nucléaire iranien ont pris un virage dangereux après la sortie du Guide spirituel iranien l’Ayatollah Aly Khamenei traçant aux négociateurs les lignes rouges à ne pas franchir.

Cette sortie du Guide de la Révolution est à la fois un rappel des principes-le droit de l’Iran de disposer du nucléaire de nature pacifique- mais aussi un refus du diktat des puissances nucléaires, notamment la Russie et les Etats-Unis qui poursuivent le renforcement de leurs arsenaux nucléaires.
Téhéran qui cristallise à la fois les inquiétudes des occidentaux et les craintes d’Israël est sorti très renforcé de ces discussions et dispose d’une grande marge de manœuvre pour parvenir à ses objectifs stratégiques. D’où les craintes d’Israël qui mène depuis plusieurs semaines d’intenses pressions au sein du Congrès des Etats-Unis (souvent par la corruption) pour renforcer les sanctions contre Téhéran.

Avec le nouveau Traité de réduction des armes stratégiques (START) signé le 8 avril 2010 à Prague, les Etats-Unis et la Russie, les deux plus grandes puissances nucléaires du monde ont lancé un message clair au reste du monde : Ils entendent dicter leur volonté concernant la lutte contre la prolifération des armes nucléaires. Barak Obama l’a dit très clairement lors du sommet du Conseil de sécurité de l’ONU à New-York sur la non-prolifération et le désarmement nucléaire en 2010.

Comment les Etats-Unis, la Russie et l’Union Européenne peuvent-ils s’ériger en champions de la lutte contre la prolifération des armes nucléaires alors qu’ils continuent à renforcer leurs arsenaux nucléaires ? De quel droit peut-on empêcher une nation souveraine de posséder l’arme nucléaire alors que les Nations-Unies sont incapables d’assurer la sécurité dans le monde ? Des questions extrêmement importantes qui expriment une situation d’injustice dans un monde de moins en moins sûr. Des exemples corroborent ce constat : Selon le Bulletin des spécialistes des armes atomiques, les Etats-Unis possèdent 5 200 têtes nucléaires opérationnelles, c’est-à-dire toujours utilisables ; la Russie, 4 850. En plus de celles-ci, les deux puissances possèdent au total 12.350 têtes non opérationnelles, mais qui ne sont pas encore démantelées. Le nouveau START ne limite pas le nombre de têtes nucléaires opérationnelles contenues dans les arsenaux. Il établit seulement une limite pour les « têtes nucléaires déployées », soit celles qui sont prêtes au lancement, installées sur des vecteurs stratégiques de portée supérieure à 5 500 km (Cinq mille Cinq Cent Kilomètres) : des missiles balistiques intercontinentaux avec une base à terre, des missiles balistiques lancés depuis des sous-marins et des gros bombardiers.
Et curieusement dans ce traité entre la Russie et les Etats-Unis, les têtes de missiles sont comptées à la pièce. Chaque gros bombardier est compté comme une seule pièce même s’il en transporte beaucoup plus. Selon le New-York Times, un Bombardier 52 transporte 14 missiles de croisière et 6 bombes nucléaires.

Ainsi, sur la base d’un compte partiel, le Département d’Etat américain estime que les USA ont actuellement 1 762 têtes nucléaires déployées sur 798 vecteurs ; la Russie, 1 741 sur 566 vecteurs. Le nouveau START permet à chacune des deux parties de conserver 1 550 têtes nucléaires déployées, soit un nombre à peine inférieur à 10 % environ, et un nombre de vecteurs substantiellement inchangé : 800 chacun, dont 700 prêts au lancement à tout instant. Un potentiel de destruction capable de balayer la surface de la terre en quelques minutes. Fidèle Castro l’a d’ailleurs souligné avec forces détails et en appelle chaque jour à une prise de conscience pour éviter à l’humanité un holocauste nucléaire.

En outre le nouveau traité n’indique aucune limite effective à l’augmentation qualitative des forces nucléaires. Aux Etats-Unis, les responsables des laboratoires nucléaires ont déjà averti le Congrès que le programme fédéral pour « l’extension de la vie de l’arsenal nucléaire » ne suffit pas à en garantir la fiabilité dans les prochaines décennies. Ils font ainsi pression pour créer une « coûteuse nouvelle génération de têtes nucléaires » et le vice-président Joseph Biden leur a promis à cet effet 5 milliards de dollars de plus. De nos jours, de nouveaux vecteurs comme le missile global hypersonique de Boeing est presque opérationnel. Ils permettent au Pentagone de frapper en une heure n’importe quel objectif dans n’importe quelle partie du monde. En dehors du Traité START, la question des armes nucléaires « tactiques », que les USA continuent à conserver dans cinq pays « non nucléaires » de l’OTAN n’est pas encore réglée. Il s’agit de la Belgique, de l’Allemagne, de l’Italie, de la Hollande et de la Turquie ce qui constitue manifestement une violation du Traité de non-prolifération.

En même temps, le nouveau START ne met aucune limite au nouveau projet de « bouclier » anti-missiles que les USA veulent étendre à l’Europe, à la frontière du territoire russe : système non pas de défense mais d’attaque qui, une fois mis au point, leur permettrait de lancer une première frappe, en se fiant à la capacité du « bouclier » de neutraliser les effets de représailles. A Washington, on assure que le « bouclier » n’est pas dirigé contre la Russie mais bien contre la menace de missiles iraniens. Mais pour les dirigeants russes, il s’agit en fait d’une tentative de prendre un avantage stratégique décisif sur lui. Le Général Nikolaï Makarov, Chef d’Etat Major interarmes russes, a averti que, si les USA continuent à développer le bouclier, cela amènera inévitablement à une nouvelle phase de la course aux armements, en minant l’essence même du traité sur la réduction des armes nucléaires. Comme signe évident de la riposte russe, un nouveau sous-marin multifonction à propulsion nucléaire du nom de Yasen a été lancé. Il s’agit d’un engin doté de 24 missiles de croisière à longue portée.

Voila deux grandes puissances qui détiennent a elles seules 95% des plus de 23.000 armes nucléaires existant dans le monde et qui veulent dicter leur droit au reste du monde ! L’Iran refuse ce dictat. Il est bien conscient de la nécessité de rétablir un équilibre et s’est visiblement préparé à se faire entendre au cours des négociations de Genève. La situation au Proche-Orient et les risques de confrontation militaire qui s’amplifient (la Syrie en est l’exemple patent) poussent Téhéran, accusé de vouloir fabriquer la bombe atomique, à mieux se préparer. Pendant ce temps, les puissances nucléaires gardent un silence hypocrite sur le fait qu’Israël possède des armes nucléaires qui sont pointées sur d’autres pays de la région, notamment la Syrie, la Palestine et pourraient être utilisées contre l’Iran, l’Egypte en cas de conflits armés. Le défi actuel aujourd’hui est de parvenir à un monde totalement dénucléarisé. Or, cela est loin d’être une réalité…

Nouhoum Keita

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