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Disparition de Yambo Ouologuem, premier Africain lauréat du Renaudot

lundi 16 octobre 2017, par Assane Koné

Auteur du roman iconoclaste "Le Devoir de violence", l’écrivain malien vient de tirer sa révérence à l’âge de 77 ans à Sévaré, dans la région de Mopti. Disparu ce 14 octobre à Sévaré, dans la région de Mopti, Yambo Ouologuem a d’abord connu un parcours d’excellence dans les lettres avant d’être traité en paria. Il s’était ensuite retiré en pays dogon coupant d’avec le monde qu’il avait connu auparavant.

Le moins que l’on puisse dire est que Yambo Ouologuem aura marqué son temps et son époque. En 1968, il est devenu le premier écrivain africain à recevoir le prix Renaudot pour son roman-choc Le Devoir de violence. Une ode à l’érotisme et à la censure dans la droite lignée d’un Apollinaire ou encore d’un marquis de Sade ? Non, dans le contexte de l’époque, l’histoire qui se situe dans les milieux de la bourgeoisie parisienne des années soixante et loin de la négritude paraît comme une véritable bombe littéraire. Aussi brûlante qu’à contre-courant des idées qui dominaient alors. C’est donc avec tout autant de fracas que l’écrivain malien tourna définitivement le dos au microcosme littéraire français pour se retirer dans son Mali natal – après avoir été accusé de plagiat. Dans Le Point Afrique, Valérie Marin La Meslée avait consacré, en août 2015, un article mettant en exergue l’écrivain malien. Son titre : "Marie Darrieussecq aime Yambo Ouologuem". À l’occasion de la disparition à 77 ans, ce samedi, de l’écrivain malien, nous vous proposons dans son intégralité ce que notre consœur avait écrit.

On connaît ce roman devenu culte qu’est Le Devoir de violence. Non parce que Yambo Ouloguem fut, au début des années soixante-dix, accusé d’y avoir plagié Graham Greene ou encore André Schwarz-Bart, mais parce que sa force littéraire s’alliait à la dénonciation de la contribution des Africains à la traite des esclaves. Il fut réédité depuis, ainsi que sa tonique Lettre à la France nègre, par les éditions du Serpent à plumes.

Un texte incroyablement sulfureux

On ne savait pas grand-chose d’autre de Ouologuem, écrivain malien qui vit actuellement au pays dogon, retiré de tout. Mais depuis 2008, on savait qu’il était l’auteur d’un ouvrage érotique grâce à un extrait paru dans Nouvelles du Mali (éditions Magellan). Aujourd’hui, les éditions Vents d’ailleurs donnent enfin à lire ces Mille et Une Bibles du sexe***, avec une remarquable introduction critique de Jean-Pierre Orban et Sami Tchak qui se réfèrent aux travaux passionnants de Sarah Burnautzki sur la genèse de ces manuscrits.

Ce texte intégral est incroyablement sulfureux. D’abord par son titre, surtout par les temps qui courent. Ensuite parce qu’il entraîne le lecteur dans le détail le plus précis de parties fines pratiquées dans les milieux aisés des années soixante en France et que l’auteur a visiblement pu observer de près. Enfin parce qu’il inscrit l’écrivain africain le plus naturellement du monde dans la lignée du genre de la littérature érotique la plus classique, de Sade à Catherine Millet.

« Osé dire du nègre qu’il faisait l’amour »

Les Mille et Une Bibles du sexe ont paru en 1969 aux éditions du Dauphin, sous la signature d’un certain Uto Rudolf. Ouologuem fait mine d’avoir reçu ce manuscrit et d’avoir contribué à publier cette succession de « confessions poker » où les parieurs content leurs aventures les plus chaudes, la tension érotique rivalisant d’un récit à l’autre pour rebondir dans le réel. Le joueur qu’est Yambo Ouloguem explique dans son « avertissement » pourquoi il décide d’assumer la présentation du manuscrit de cet aristocrate, et les mots qui suivent ont valeur de manifeste.

« Et, si j’ai pris sur moi de présenter Les Mille et Une Bibles du sexe, c’est également parce que, en raison de certains aspects érotiques de mon premier roman, divers pays africains ont rejeté de leurs frontières Le Devoir de violence. J’étais, aux yeux de chefs d’État irresponsables ou incultes, j’étais, pour avoir osé dire du nègre qu’il faisait l’amour, un carriériste vendu à une France raciste, laquelle s’amusait de voir dénigrer par un Noir les mœurs des peuples noirs. Soit. Il est bon d’être primitif, certes, mais impardonnable d’être primaire. Tant pis pour les primaires qui se rêvent censeurs. »

Par Le Point Afrique avec Valérie Marin la Meslée

http://afrique.lepoint.fr/culture/mali-yambo-ouologuem-n-est-plus-15-10-2017-2164761_2256.php


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