Grand baobab, mémoire du pays, bibliothèque vivante, combattant intrépide et émérite et compagnon fidèle du Président Modibo Keita, père de l’indépendance du Mali… tel fut l’homme. A 88 ans, il s’en est allée le 04 septembre 2016 à l’hôpital du Point G pour toujours, plongeant parents, amis, camarades dans une désolation totale. Ses obsèques nationales ont eu lieu le mardi 07 septembre 2016 dans l’après-midi à Dravela-Bolibana (Bamako) où toute la nation lui a rendu l’ultime hommage.

Le Président de la République SEM Ibrahim Boubacar Keita, les membres du gouvernement et les anciens premiers, les présidents des Institutions de la République, les honorables députés, le corps diplomatique accrédité au Mali, tous étaient présents. On notait également la présence de l’ancien Président de la République du Mali, Alpha Oumar Konaré. Lors de cette cérémonie, Son Excellence Monsieur Ibrahim Boubacar, Chef de l’Etat a décoré le défunt de la médaille de Chevalier de l’Ordre national du Mali à titre posthume.

Instituteur engagé, partisan intransigeant de l’indépendance syndicaliste inlassable, libraire infatigable, écrivain prolixe et éditeur d’ouvrages politiques, Amadou Seydou Traoré dit Amadou Djicoroni est né le 13 juillet 1929 à Niafounké. Ce diplômé de l’école fédérale de Gorée débuta sa carrière d’instituteur en 1949 à l’Ecole de la Poudrière de Bamako.

Il a entassé 53 ans de vie politique et 28 ans de vie syndicale et autant dans divers mouvements associatifs. Sa retraite politique ne l’a pas troublé de conserver son esprit vif, doté d’un habile sens de la persuasion. Malgré le poids de l’âge, il est resté très éloquent et toujours en verve.

Moussa Traoré, son petit fils, a témoigné en sanglotant : « Je me rappelle de nos causeries en insufflant la fibre patriotique et l’amour de cette nation que tu as t’en aimer ». Abba, surnomme son petit-fils, « fut un grand père, un ami, une référence, une icône, un guide. Rien de tout ce que je pourrai dire ne saurait illustrer ce personnage si complet, complexe, drôle et pédagogue ».

« On ne rentre jamais chez cet homme sans avoir appris de nouveau. »

Prenant la parole au nom des héritiers de Modibo Kéita, l’UM-RDA, Honorable Sandhi Haidara a affirmé que c’est une énorme perte pour le Mali. « Il est tout simplement et symboliquement le cordon qui nous lie à notre propre histoire et à forger notre personnalité. C’est en tout cas ce qui nous permet de dire aujourd’hui à mon nom propre et au nom de la famille du bureau politique de l’UM-RDA Fasodjigui que quelque part en nous c’est une partie de notre humanité qui part et qui a disparu. C’est une énorme perte pour le Mali », a déploré le député élu à Tombouctou.

Ensuite, M. Haidara a reconnu le courage du défunt pour avoir dénoncé avec force exceptionnelle l’injustice faite au père de l’indépendance par une junte mal inspirée pour travestir l’image de notre pays en niant à son leader son titre de Président de la République, le qualifiant de simple instituteur à la retraite à son mort.

Homme politique de grande qualité, infatigable pour le rétablissement de la vérité historique du Mali, écrivain talentueux, historien de valeur, Sandhi a souligné « qu’on ne rentre jamais chez cet homme sans avoir appris de nouveau ».

Mamadou Bamou Touré, ancien secrétaire général de l’US-RDA, dira qu’il était exceptionnel de tout point de vue. « Exceptionnel, il a été par son détachement du luxe et de l’illustre. Exceptionnel à toute épreuve, à l’idéal, à l’amitié, à la camaraderie de combat au point d’en faire un véritable culte. J’en veux pour preuve, l’ouvrage monumental, l’encyclopédie historique qu’il a eu à éditer à l’occasion du centenaire du Président Modibo Keita », a-t-il rappelé.

Il a reconnu que cet homme de conviction et d’action, est « un témoin privilégié de l’histoire politique du Mali, et surtout de la grande épopée du Mali pour avoir été présent partout et pour toujours dans le meilleur comme dans le pire, présent à Koulouba notre capitole, présent à Kidal (… ) qui mieux qu’Amadou Seydou Traoré, homme de conviction et d’action, vétéran à l’histographie si riche et si varié, mémoire vivante de notre parti, pouvait être choisis par le destin mieux que lui pour parachever la première publication son œuvre de jeune cadre à la librairie populaire du Mali est un des fleurons de nos sociétés d’état », s’est -t’il souvenu. Avant d’avouer que l’illustre disparu a eu des conditions de vie difficiles à causes de ses convictions politiques. D’où sa révocation de l’enseignement (début 1960), accusé qu’il fût de délit d’opinion. A sa réintégration (octobre 1960), il est affecté à l’établissement scolaire qui deviendra plus tard le lycée Bouillagui Fadiga.

« Amadou Djicoroni s’est acquitté de la plus belle manière mais dans des conditions très difficiles de cet ultime devoir militant après tant de publications poignantes sur la vie du parti, de son guide, de ses cadres, de ses responsables et militants souvent anonymes écrits sans lesquels un grand pan de l’histoire de notre pays allait être travesti ou bafouillé à jamais sous le pied du sable grand d’or du Mali, tant les abominations seront riches »

Au nom de la République du Mali, le Président IBK l’a décoré comme commandeur de l’ordre national du Mali à titre posthume. « Très cher tonton ta vie de combat, de lutte prévaut, aujourd’hui que nous venions au nom de la République, de la Patrie te rendre l’ultime hommage », a déclaré le chef de l’Etat.

Il a ensuite été conduit à sa dernière demeure. Accompagné par plusieurs amis, camarades et des autorités de la République, il repose désormais au cimentière de Hamdallaye, laissant derrière lui ses enfants et de nombreux petits-fils.

Moussa Mallé Sissoko