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Au Mali, BiBook veut révolutionner l’accès à la...

mercredi 18 mars 2020, par Assane Koné

Au Mali, BiBook veut révolutionner l’accès à la lecture

Bibook, le premier éditeur numérique africain élaboré par la « start-up » We’re solution, un collectif de jeunes maliens basé à Bamako, permet l’accès au livre gratuitement.

C’est un élan majeur d’incitation à la lecture et à l’écriture qui voit le jour au Mali. Dans quelques jours, Bibook*, le nouvel éditeur numérique africain permettra à des milliers de personnes, en Afrique et même au-delà, d’accéder à des livres gratuitement, grâce à une application elle-même gratuite qui permettra de les télécharger.

BiBook éditera aussi des livres payants, mais à un tarif défiant toute concurrence : « Le fonctionnement de BiBook est fondé sur une application mise au point par la start-up We’re solution, un collectif de jeunes informaticiens bamakois, explique Jean-Louis Sagot Duvauroux, écrivain dramaturge et initiateur du projet (lire interview plus bas). L’abonnement est gratuit. L’utilisateur crée un compte qui va lui permettre de disposer sans délai, sur son téléphone ou sa tablette, d’ouvrages gratuits ou encore de livres à seulement 3 euros (2 000 FCFA). Le téléchargement se fait en une fois et la consultation des ouvrages est alors hors connexion. »

BiBook veut être un outil d’accès à la connaissance. Sa création est le fruit d’un travail commun porté par une équipe malienne engagée pour une Afrique créative : « Nous sommes un collectif qui compte des écrivains reconnus et souvent publiés, des jeunes informaticiens de talent, des têtes de réseau très actives dans le champ culturel, assure Jean-Louis Sagot Duvauroux. Notre principal objectif est le développement de la lecture et de l’écriture dans une Afrique qui jusque là lit peu. ». Il poursuit : « Toute la première phase de construction a été faite sans argent et par l’investissement personnel de chacun. Cela en dit long sur l‘engagement des jeunes professionnels concernés. »

La start-up bamakoise We’re solution compte en effet une petite dizaine de personnes qui, en neuf mois, ont élaboré l’application Bibook. Alladji Ismaîl Sy a 25 ans et il est le responsable opérationnel de Bibook : « La création de Bibook n ‘a pas été simple techniquement et on a dû faire avec les moyens du bord. Mais on était tous très motivés. Nous ne sommes peut-être pas le seul éditeur numérique dans le monde mais à ma connaissance, ce que nous proposons est unique en Afrique ! Et ça, c’est une satisfaction », dit-il fièrement.

Lire via les réseaux sociaux

L‘Afrique ne produit pas de papier. Les librairies y sont plus que rares. Le taux de scolarisation au Mali avoisine les 65% et des centaines d’écoles sont fermées pour des raisons d’insécurité. Une situation qui limite l’accès aux ouvrages. « L’existence d’internet a poussé énormément de jeunes à s’alphabétiser, explique Jean-Louis Sagot Duvauroux. Le téléphone portable est partout. Et l’usage des réseaux sociaux est sans doute plus développé qu’en France. » Alladji Ismaîl Sy poursuit : « Si chez nous les gens n’ont pas encore vraiment intégré le truc de la lecture, ce n’est pas parce que les gens n’aiment pas lire ! C’est surtout parce que les gens n’ont pas d’outil pour lire. Bibook va changer la donne. »

L’écrivain malien Ousmane Diarra, qui a plus d’une vingtaine d’ouvrages à son actif et qui publie dans diverses maisons d’édition, dont Gallimard, accueille la nouvelle avec enthousiasme : « L’application Bibook va davantage démocratiser et vulgariser l’accès au livre, en le transportant jusque chez le lecteur potentiel. La question de la distance, de l’éloignement est ainsi résolue. Mieux, surtout concernant les jeunes, on leur propose les livres sur le support qu’ils utilisent le plus : le numérique, le téléphone. »

L’auteur assure que le Mali regorge d’autant de jeunes artistes que de jeunes écrivains déjà actifs, mais aussi en devenir. Pour lui, Bibook va également le rapprocher davantage de ses lecteurs potentiels. « Ceux-ci pourront aussi m’interroger directement et sans intermédiaire sur mes livres », dit-il. Jean-Louis Sagot Duvauroux précise cependant que pour qu’un outil fonctionne, il faut des mains pour le mettre en action : « BiBook ne sera rien sans l’action de tous ceux et toutes celles qui se feront les militants de cette grande cause. ». Celle d’une Afrique de la connaissance, de l’instruction et de la paix. Celle d’une émancipation intellectuelle pour toutes et tous au delà même de ce continent. Un combat de l’écrivain-dramaturge porte dans ses ouvrages, son théâtre, ses actions, son investissement personnel de presque 50 ans entre la France et l’Afrique.

* L’application BiBook, en cours d’ajustement, est téléchargeable sur Google Play Store pour les téléphones et les tablettes sous androïd. La version IOS le sera un peu plus tard sur App Store.


Trois questions a Jean-Louis Sagot Duvauroux, l’un des fondateurs de Bibook

RFI : Comment est née l’idée de Bibook ?

Jean-Louis Sagot-Duvauroux : A l’origine, il y a une rencontre : celle des jeunes informaticiens de la start-up bamakoise We’re solution. Première expérience : je leur demande de faire le site du théâtre de l ‘Arlequin basé en France à Morsang-sur-Orge dans l’Essonne, puis celui de la compagnie malienne BlonBa et du réseau d’action artistique Culture en Partage. Un résultat plus que convaincant… Alors l’idée de BiBook m’est venue.

Bibook est le premier éditeur numérique africain ?

La configuration dans laquelle BiBook se place est en effet, je crois, unique sur le continent : un éditeur « classique » qui publie sur le net des ouvrages d’auteurs vivants d’Afrique ou liés à l’Afrique, doublé d’un outil de promotion de la lecture et de la culture avec une offre régulière d’ouvrages gratuits représentatifs de la culture du XXIe siècle, en Afrique et dans le monde.

Qu’est-ce que ça change pour les auteurs africains ?

Aujourd’hui, en Afrique, beaucoup de textes restent dans les placards faute de solution pour les publier. Sur le continent, l‘édition est très souvent à compte d’auteur, l’écrivain devant avancer le coût de fabrication du livre. Et le marché du livre papier est très maigre. BiBook publie ses ouvrages à ses frais – beaucoup moins lourds que pour le livre papier – et verse les droits d’auteur au premier livre vendu : 20% du prix de vente. C’est une vraie révolution.

Et avec quel argent ? Avez-vous des aides ?

Le travail initial – réalisation de l’application, recherche éditoriale et mise en forme des premiers textes – a entièrement été fait par de l’investissement travail. Mais ça bouge un peu. Le programme STAR, de la coopération suisse, nous a accordé un financement pour l’acquisition de matériel et pour la promotion. Un professionnel allemand vient de se joindre à l’équipe technique. L’Institut français a participé à la popularisation du projet et la ministre malienne de l’Economie numérique nous a assuré de son soutien.

Mais le projet est pensé pour pouvoir vivre de façon autonome. Un premier test de promotion sur Facebook nous donne beaucoup d’espoir. Pour un investissement de 20 euros et une audience concentrée sur la ville de Bamako, l’annonce de BiBook a touché 10 994 personnes et généré 2 501 « j’aime » soit près d’un quart des personnes touchées. C’est plus qu’encourageant.

http://www.rfi.fr/fr/afrique/20200314-mali-bibook-veut-r%C3%A9volutionner-acc%C3%A8s-lecture?fbclid=IwAR18HP9O1pzU7plZyt23_xlhvKVnkp0r6ixRxT2aqNBW-cBz9E1XTVMxap4

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