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Syndicat libre de la Magistrature accuse : « le Gouvernement refuse le dialogue social et bloque le bon fonctionnement de l’institution judiciaire »
jeudi 16 octobre 2014, par
Le syndicat libre de la magistrature a gros sur le cœur. Au cours d’une conférence de presse animée le 16 octobre 2014, à la Maison de la Presse, il n’a pas hésité d’accuser le gouvernement. Selon le SULIMA, « Thème : le Gouvernement refuse le dialogue social et bloque le bon fonctionnement de l’institution judiciaire ». Lisez la déclaration liminaire présentée par Adama Yoro Sidibé, Président du Sylima.
Bamako, le 16 octobre 2014
Sylima Conférence de presse 2
1. Introduction ...
1. Dépôt de cahiers de doléances le 04 mai 2014 (silence du Gouvernement)
2. Lettre de rappel cinq mois plus tard (silence du Gouvernement)
3. Invitation du Ministre à procéder aux mutations pendant les vacances scolaires et judiciaires (silence du Gouvernement)
4. Lettre au Président du Conseil Supérieur de la Magistrature pour attirer son attention sur les divers manquements au droit que contenait le projet de nomination et de mutation des magistrats du parquet présenté par le ministre de la justice ainsi que sur le risque d’affaiblissement des syndicats du fait du déplacement massif des membres des bureaux en dehors Bamako, dans des lieux où ils ne peuvent pas exercer correctement leur mandat (la lettre n’a pas été présentée par le Président au Conseil Supérieur de la Magistrature)
5. L’affaire Idrissa Hamidou Touré (deux décisions annulées pour irrégularité par la Cour Suprême et une absolution prononcée par le Conseil de discipline)
6. Les sorties médiatiques du ministre de la justice contre les juges et l’institution judiciaire (Cas de l’Avocat général de Kayes, du juge de Yanfolila, du juge de Fana)
7. La reforme de la justice (commission d’experts exclusivement composée d’avocats ; aucun représentant d’aucun autre membre de la famille judiciaire n’y figure).
Voilà l’exposé liminaire des points de ma communication à la presse ce matin.
A travers ces divers points évoqués, une conclusion s’impose à nous au SYlIMA : le ministre de la justice, c’est l’imposture et la démagogie drapées du vernis républicain. Bathily n’est ni un ministre compétent, ni un partenaire loyal.
1. Bathily n’est pas un ministre compétent, respectueux des textes.
Bathily, n’a pas fait montre, à travers les actes qu’il a posés depuis qu’il est ministre de la justice, d’être cet excellent juriste qu’il est réputé être. Mille exemples attestent cela. C’est le cas des décisions impulsives qu’il a eu à prendre à l’encontre de notre collègue, substitut du Procureur en Commune IV et qui ont été fort heureusement annulée par la Cour Suprême (Décision N"2014-025/MJ-SG du 03 février 2014 et Décision N"2014-043/MJ-SG du 11 mors 2014, portant respectivement Suspension de Magistrat et Interdiction d’exercer les fonctions). Au plan procédural ainsi bien qu’au plan du fond de l’affaire, beaucoup d’impairs ont été commis.
Dans sa hâte d’en découdre avec le collègue, le respect de la forme n’était pas son souci.
Visiblement, Bathil9" ne savait pas qu’il ne pouvait pas prendre de décision contre le magistrat sans aviser au préalable le Conseil Supérieur de la Magistrature.
Visiblement, Bathily ne savait pas qu’on ne pouvait pas infliger à un magistrat une sanction d’interdiction d’exercer ou prendre contre lui une mesure de suspension en dehors de toute procédure disciplinaire.
Visiblement Bathily ne savait pas faire la différence entre le régime de l’interdiction d’exercer de l’article 74 du statut de la magistrature et celui de suspensian de l’article régi par les articles 61 à 67 de la loi portant statut de la magistrature.
Quand il fut revenu de sa méprise, il a pris une décision d’interdiction qui abrogeait dans ses dispositions finales la décision de suspension qu’il avait prise au-paravent. Mais il eût été judicieux de rapporter celle-ci au lieu de l’abroger ! Les circonstances sont différentes, les effets aussi. Visiblement, Bathily ne savait pas qu’il existe, en droit administratif, une différence entre rapporter une décision et abroger une décision.
Le projet de nomination et de mutation des magistrats e mai 2014, été l’occasion de confirmer en nous le peu de respect que Bathily a des nos textes. Est-ce par ignorance ? Estee par mépris des règles ?
Quand Bathily fait figurer sur un projet de mutation des magistrats siégeant au Conseil Supérieur de la Magistrature alors que la loi interdit cela, c’est à l’évidence un impair.
Quand sur le même projet, on peut voir des magistrats promus sans respect des conditions de grades requis, est-ce là la marque d’un éminent juriste ? Assurément non.
Que penser de la compétence du ministre Bathily quand on voit également sur le même projet de décret qu’il propose la nomination des chefs de services centraux de l’administration, leurs adjoints et autres collaborateurs, alors que ces nominations sont du ressort du décret du Président de la République pris en Conseil des Ministres, ou de l’arrêté du ministre de la justice qu’est Bathily et non du Conseil Supérieur de la Magistrature.
Les mutations du mois de mai ont crée plus de problèmes qu’il n’en a résolus. Nous avions demandé un mouvement d’ensemble : siège, parquet et justice de paix, comme on a toujours procédé. En vain. Aujourd’hui, le collègue de Bougouni par exemple, qui à la suite des mutations intervenues en mai dernier est désormais un procureur de la République, ne peut plus, en toute légalité, juger. Mais il le fait, avec la bénédiction du ministre de la justice.
Ces faits ne déposent pas, à l’évidence, en faveur de la thèse « Bathily, éminent juriste ». Nous avons tout de suite compris que le qualificatif « Bathily, éminent juriste » est un mythe. Cet épithète ne correspond pas à la réalité des choses tel que nous les vivons.
Il. Bathily n’est PeS un partenaire loyal
L’exercice favori de Bathily, et dans lequel il excelle, c’est se déchaîner en cabales et intrigues contre les magistrats, la magistrature et les membres de la famille judiciaire. Se croyant en position de force dans une conjoncture favorable, il gagne en assurance et en aplomb. Au plus haut de son élan et de son influence, il ignore superbement qu’on se doit de ne pas céder à certaines impulsions médiocres.
Je vous donne l’exemple d’un manège « made in Bathily ».
Le mardi, sept (7) octobre 2014, aux environs de midi, je reçois sur mon portable un appel masqué. Je décroche. Au bout du fil, le Segal du ministère de la justice, qui m’invite, en ma qualité de président du 5ylima, de me joindre à une délégation conduite par le ministre de la justice pour une mission à Fana en vue d’apaiser la population, en colère, qui s’est soulevée dans la matinée contre le juge. Empêché, je désigne mon vice-président, lequel se joint à la délégation.
A l’arrivée, stupéfaction des représentants des deux syndicats ! Bathily a pris soin de convier dans la salle d’audience du tribunal, la presse, toutes les autorités locales, les autorités traditionnelles, les représentants des diverses associations de la société civile ... tout fana, pour faire court.
En présence de cette foule et de cet aréopage de personnalités bien assorties, Bathily livre le juge à la vindicte populaire en se faisant passer pour quelqu’un qui est venu éteindre en ces lieux ie feu. C’est l’image du pyromane qui se fait passer pour pompier !
A cette occasion, le juge de Fana et ses collègues des syndicats prennent connaissance de i’existence d’une pile de plaintes contre le juge lesquelles plaintes sont détenues par devers le ministre Bathily depuis fort longtemps. L’intention manifeste du ministre Bathily, c’est de
discréditer le juge, l’humilier, et saper son autorité, lorsqu’il l’invite, devant cette foule assemblée, calquée ainsi sur le modèle des tribunaux « Gathiathia » du Rwanda, à donner sa version des faits.
La reforme de la justice de Bathily ?
Parions-en ! Les membres de la famille judiciaire resteront unis en dépit des manoeuvres de Bathily de vouloir les opposer. Voyez-vous, la Commission d’experts que Bathily a mise sur place à cette fin ne comprend que des avocats, à l’exclusion de toute autre composante de la famille judiciaire. Certes, les avocats désignés sont illustres ! Mais il s’agit hélas d’avocats dont on dit qu’ils sont assez proches du ministre de la justice. On craint que les travaux qui sont menés dans un tel contexte aient un parfum de travaux dirigés.
Sur le fond, les syndicats estiment qu’une évaluation du niveau d’application des divers textes de droit positif et de mise en oeuvre des dispositifs déjà existants sont plus appropriés que de s’encombrer encore d’une reforme de plus.
Faire une revue des Méthodes malsaines de Bathily contre l’institution judiciaire serait fastidieux.
Dans un contexte de trouble généralisé, où la frustration populaire se trouve dérivée vers le corps judiciaire, tenir un langage populiste contre les juges est facilement l’occasion de jouir d’un crédit rassurant. L’honnête homme, non prévenu, est fatalement pris au piège des mots. Il réalise toujours après coup que ces mots, prononcés par monsieur l’enchanteur, sont des cartes truquées pour faire de lui une cible permettant d’atteindre sa fin. Il bombera des nues quand il découvrira brutalement la dose de changement qu’il est capable d’absorber en une seule prise, lorsque le vent viendra à changer de cap.
Tous les bruits savamment orchestrés en ce moment par Bathily concourent à préparer les esprits à accepter la liquidation programmée depuis longtemps de l’institution judiciaire.
Les syndicats de la magistrature, ici assemblés ce matin, dénoncent Bathily comme étant un dangereux agitateur. Ils mettent en garde contre les visées antirépublicaines du ministre Bathily.
Nous le disons avec force, Bathily n’est pas là pour assainir la justice. Bathily n’est pas là pour lutter contre la corruption. Avez-vous vu une seule fois Bathily s’indigner des turpitudes financières qui sont tous les jours étalées sous nos yeux dans la presse à longueur des investigations du Fonds Monétaire International et du Vérificateur Général ?
Adama Yoro Sidibé
Président du Sylima