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La nouvelle loi sur le Genre : « Elle vise à corriger une anomalie aussi scandaleuse qu’inadmissible »

samedi 28 novembre 2015, par Assane Koné

« La loi sur le Genre en l’état ne profite qu’à la catégorie de femme intellectuelle petite bourgeoise, même si elle vise à corriger une anomalie aussi scandaleuse qu’inadmissible ». Telle est la conviction de ce citoyen malien. Alpha Sidiki Sangaré pense qu’il serait plus rationnel, tout en favorisant la promotion féminine, de faire en sorte que l’expertise technique ne soit pas mise de côté. Pire, il attire l’attention sur le fait qu’il est à craindre que cette aspiration légitime à plus d’équité entre l’homme et la femme ne contribue à terme à dévaloriser l’image de la femme qui serait assimilable à une forme de népotisme préjudiciable à la bonne marche des services.

Depuis l’indépendance, les femmes n’ont cessé d’apporter leur concours au processus de développement économique, social et culturel de notre pays. Opprimées et reléguées au second plan, les femmes ont joué un rôle majeur dans l’avènement d’une société démocratique garantissant pour tous la liberté et l’égalité de chances.

Épouses, mères, sœurs, elles sont omniprésentes dans tous les segments de la vie nationale, aussi bien actrices incontournables dans la gestion familiale qu’animatrices dévouées dans les activités sociétales en tout genre. En dépit de cette contribution, elles se retrouvent confinées dans une situation peu reluisante.

Constituant la couche la plus nombreuse de notre population (plus de 51%,), les femmes sont cependant désespérément sous représentées dans les instances de prise de décision.

Les statistiques sont accablantes. Au Mali, on ne compte que huit femmes maires sur 703 communes, soit à peine 1%, et seulement 927 conseillères communales sur 10 774 conseillers communaux, à peine 8,6%.

Fort de ce constat, le Gouvernement du Mali a présenté à l’Assemblée Nationale un projet de loi portant sur le quota pour corriger cette anomalie aussi scandaleuse qu’inadmissible.

Après plusieurs reports, l’Assemblée Nationale a enfin adopté lors de sa séance plénière du Jeudi 12 novembre 2015 la loi sur le genre. A l’issue du vote à bulletin secret, 115 députés ont voté en faveur de cette loi, 22 voix contre et 3 abstentions.

Ainsi, cette loi est l’aboutissement d’un long processus de revendications des organisations féminines et d’autres organisations de la société civile mais aussi et surtout le fruit des pressions exercées par les partenaires techniques et financiers.

En effet, elle a pour objectif de promouvoir le genre à des postes dans les institutions nationales, dans l’administration publique et de permettre à accéder à des positions électives.

Désormais, en vue d’accroitre leur participation politique, économique, sociale et culturelle, les femmes seront plus présentes que par le passé dans les fonctions nominatives (Ministre, Gouverneur, Préfet, Présidente d’institution, Directrice Générale) et à concurrence de 30% aux fonctions électives (Député, Maire, Conseillère communale, conseillère nationale ou Présidente du Conseil Régional). Pour cadrer avec nos valeurs sociales et culturelles, la nouvelle loi ne donne pas la possibilité d’exercer la chefferie traditionnelle (Chef de village, de quartier et conseillers).

En ce qui nous concerne, nous aurions préféré que le processus d’élaboration de cette loi soit inclusif afin de bénéficier de l’adhésion du corps social. Pour ce faire, la représentation nationale devait convier pour écoute les organisations féminines, les organisations religieuses, les syndicats et la coordination des associations des chefs de quartier et de village.

Si ces nouvelles dispositions ont pour vocation de réparer un certain déséquilibre qui passait pour de l’injustice entre les hommes et les femmes, on serait en droit de se demander si le seul critère fondé sur l’appartenance à un sexe serait suffisant à lui seul pour l’attribution des postes, au risque nous semble-t-il d’engendrer de graves dysfonctionnements liés à la compétence pour remplir telle ou telle fonction.

Il nous semble qu’il serait plus rationnel, tout en favorisant la promotion féminine, de faire en sorte que l’expertise technique ne soit pas mise de côté. Il est à craindre que cette aspiration légitime à plus d’équité entre l’homme et la femme ne contribue à terme à dévaloriser l’image de la femme qui serait assimilable à une forme de népotisme préjudiciable à la bonne marche des services.

Le mérite lié à la compétence doit être pris en considération pour toute promotion sociale et politique. Du reste, sans aucun doute, les femmes maliennes ont prouvé, qu’en termes de compétence, elles n’ont rien à envier à leurs homologues masculins, quand il s’agit de fonctions touchant à de nombreux domaines tels que l’éducation, la médecine, l’agronomie, la magistrature et même à des corps de métier relevant du secteur des affaires.

En outre, au sein des partis politiques, il est incompréhensible et frustrant pour le militant dévoué et engagé de voir sa candidature sacrifiée sur l’autel du genre au profit d’une militante faiblement engagée et totalement inactive dans l’animation du parti mais royalement positionnée sur une liste électorale du simple fait de son statut de femme.

En effet si être femme ne doit pas constituer un obstacle pour prétendre à un poste nominatif ou électif, il ne doit pas être non plus un passe-droit. Ainsi, dans le contexte social malien où l’écrasante majorité des femmes se trouvent dans le secteur informel, à cause de l’analphabétisme, il serait judicieux de voter au préalable des lois améliorant les conditions de vie et de travail des femmes qui auront un impact direct sur toutes les femmes (l’installation de plateforme multifonctionnelle dans les villes et campagnes et norme instituant la socialisation du travail domestique). Or, la loi sur le Genre en l’état ne profite qu’à la catégorie de femme intellectuelle petite bourgeoise.

Ainsi, dans les campagnes et même souvent dans les villes, des milliers de femmes meurent en donnant la vie (mortalité maternelle). Ces femmes ont urgemment besoin de centres de santé communautaires bien équipés avec un plateau technique compétent pour accoucher dans les meilleures conditions et non d’une loi sur le Genre. En outre, des bornes fontaines doivent être créées afin de mettre fin aux corvées d’eau qui leur sont imposées parfois sur des centaines de kilomètres.

En outre, pour lutter contre la pauvreté qui frappe surtout la gent féminine et assurer la promotion économique des femmes, des initiatives doivent être prises pour développer des activités génératrices de revenus pour les femmes (Teinture, transformation des produits locaux, maraichages et la création d’un fonds pour l’entreprenariat féminin).

Aussi, des mesures énergiques doivent être prises impérativement en faveur de la scolarisation des filles, condition sine qua non pour encourager leur présence et leur influence au sein des instances de prise de décisions.

Espérons vivement que les femmes cadres qui bénéficieront largement de cette loi (députés, maires, ministres, Présidentes d’institutions…) s’impliqueront davantage pour améliorer les conditions d’existence de leurs sœurs.

Alpha SIDIKI SANGARE

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