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CHU GABRIEL TOURE : Un mouroir honteux qui discrédite le système sanitaire malien
lundi 19 août 2019, par
Gouvernants, dites-nous quel système sanitaire vous offrez à votre Peuple et nous vous dirons tout l’estime que vous avez pour vos concitoyens ! Malheureusement, au Mali, l’on constate que la plupart des structures sanitaires du pays ressemblent à des mouroirs, où l’issue fatale semble être la seule solution imposée à une catégorie de malades.
Il nous est revenu que le Directeur Général du CHU Gabriel Touré, Mounirou Baby a demandé un rapport circonstancié au Chef du Département de Pédiatrie dudit hôpital où un nouveau-né a été amputé du bras dans le service de néonatalogie. Ce fait d’une gravité exceptionnelle, semble ne pas être un cas isolé au niveau du CHU Gabriel Touré. Et, probablement pour un certain nombre de services sanitaires du pays, qui ne sont que des hôpitaux que de nom. Il ne se passe de jours que dans nos hôpitaux, des parents assistent impuissants à « l’euthanasie » de leurs malades.
En effet, le drame qui vient de se passer à Gabriel Touré ne fait que confirmer les accusations formulées par le Rapport du Bureau du Vérificateur Général contre cet hôpital malien qui devient de jour en jour l’ombre de lui-même. Et, donne l’impression que loin de sa fonction de contribuer à la bonne santé du Peuple malien, qu’il s’est trouvé une autre mission : celle du tueur silencieux.
Il y a quelques jours, une image a circulé sur les réseaux sociaux. Elle montrait un nouveau-né qui aurait été amputé du bras au service de néonatalogie. Aussitôt après avoir eu échos de la nouvelle, le Directeur général de l’hôpital Gabriel Touré, a demandé au Chef du service de la Pédiatrie de lui faire un rapport circonstancié de l’acte. Autrement dit, le DG Baby veut comprendre dans les détails les circonstances qui ont amené le service a amputé le nouveau-né de son bras. Selon une source hospitalière, des sanctions tomberont en cas de faute professionnelle.
Pédiatrie du Gabriel Touré : des assassinats programmés ?
La vidéo a vexé plus d’un, mais n’a pas surpris ceux-là qui ont eu écho du Rapport 2018 du Bureau du Vérificateur Général, remis au Président de la République, Ibrahim Boubacar Keita. La Pédiatrie du CHU est réputée être un service qui fait peur. Le rapport du Végal révèle un grand nombre de dysfonctionnements à Gabriel Touré avec son lot de décès d’enfants admis à la Pédiatrie.
Selon le BVG, pendant la période sous-revue, sur un total de 19 154 enfants hospitalisés à la Pédiatrie, 4 633 sont décédés, soit un taux de mortalité de 24%. De 2016 à 2017, les décès enregistrés à la pédiatrie sont passés de 64% à 96% du total des décès hospitaliers du CHU-Gabriel Touré. Ces chiffres ont occasionné un sentiment de colère, voire de révolte chez les Maliens. En d’autres termes, le rapport a dévoilé que quand les nouveaux nés rentrent à Gabriel Touré pour des soins, peu d’entre eux auront la chance d’y sortir.
Le rapport souligne qu’au CHU Gabriel Touré, « La gouvernance actuelle souffre d’une insuffisance tant dans la composition que dans le fonctionnement de ses organes de gestion (Conseil d’Administration et Comité de Direction) et de consultation (Comités Consultatifs). Cette situation est aggravée par la faiblesse du plateau technique. A titre illustratif, au Département de la Pédiatrie, il n’existe que trois couveuses sur un besoin de 60, et aucun respirateur pour nouveaux nés n’est disponible. Toute chose qui justifie le taux élevé de décès de 24% des nouveau-nés, soit 96% de l’ensemble des décès de l’hôpital en 2017 ».
Au CHU Gabriel Touré, au niveau du Laboratoire d’analyse, sur 81 types d’examens réalisables, il n’en effectue que 20 pour cause de manque de réactifs, de pannes d’appareil et d’absence de personnel qualifié.
Le CHU-GT ne dispose pas d’un plateau technique assurant une prise en charge efficace des patients. Le département de la pédiatrie souffre d’un manque de matériels et d’équipements pour contrôler la fréquence cardiaque, la tension artérielle, la fréquence respiratoire, la saturation en oxygène et la température des patients.
Concernant le Département d’imagerie médicale, les équipements d’échographie et de mammographie ne sont pas fonctionnels depuis plusieurs années. Le Département n’a pas réalisé de fibroscopie en 2017.
Où va la subvention d’Etat qui représente 70% des ressources de l’hôpital ?
En outre, il ne dispose pas d’appareil d’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM), ce qui constitue une limite à l’approfondissement de certains examens. Les activités de ce Département ont ainsi baissé de 13,74%, entre 2016 et 2017. « Ces insuffisances affectent la performance médicotechnique de l’hôpital », déplore le BVG.
Au niveau du laboratoire, souligne le BVG, les équipements sont, soit en panne ou ne fonctionnent pas par manque de personnel qualifié. Il souffre aussi d’une insuffisance de réactifs pour réaliser les analyses. Sur un total de 81 types d’examens réalisables, compte tenu des équipements disponibles, le laboratoire du CHU-GT n’en réalise que 20 actuellement. Ainsi, les activités du laboratoire ont baissé de 62%, passant de 71 331 examens en 2016 à 27 018 en 2017.
Le CHU-GT ne gère pas de façon optimale ses activités de maintenance. En effet, l’ensemble des besoins de maintenance n’est pas pris en compte lors de l’affectation des crédits budgétaires. Les crédits accordés pour la maintenance ne couvrent principalement que les matériels acquis à travers des contrats assortis d’une option de service « après-vente ». Ainsi, les équipements acquis sans option de maintenance et ceux reçus par donation ne font pas régulièrement l’objet d’entretien et de réparation surtout lorsque le matériel exige des compétences plus pointues.
De plus le CHU-GT n’élabore pas de plans d’entretien préventifs des matériels et ne dispose pas, non plus, de ressources humaines qualifiées pour assurer la maintenance de matériels bio médicaux. Ces insuffisances ne permettent pas au CHU-GT d’assurer efficacement la maintenance de ses équipements et matériels pour offrir aux usagers des prestations de qualité.
Il faut rappeler que l’Etat accorde une subvention représentant plus de 70% des ressources de l’hôpital, soit respectivement en 2016 et 2017, 3,70 milliards de FCFA et 3,89 milliards de FCFA. Un diagnostic sans appel qui interpelle les plus hautes autorités du pays sur leur responsabilité à garantir aux citoyens maliens leur droit à la santé.
Ce rapport du Bureau du Vérificateur Général sur l’hôpital Gabriel Touré, nous rappelle le contenu de la lettre ouverte adressée au Président de la République du Mali, par le Mouvement Vert Jaune Rouge, le 22 décembre 2016. « 56 ans après l’indépendance du Mali, l’état peine à offrir un système sanitaire digne de nom à ses citoyens », indiquait Yagaré Baba Diakité, Président du Mouvement Vert Jaune Rouge dans sa lettre ouverte. Il y avait soutenu que « la plupart des structures sanitaires du pays ressemblent à des mouroirs, où l’issue fatale semble être la seule solution imposée à une catégorie de malades ». Mieux, Yagaré Baba Diakité y était convaincu que « le privé malien digne de nom qui tente de suppléer une carence de l’Etat dans ce domaine, est inaccessible à la plupart des cadres du pays, à plus forte raison aux communs des maliens ».
A titre d’exemple, il y avait rappelé que « dans un centre hospitalier privé de la place que nous taisons volontairement le nom, les 2 jours d’hospitalisation sont facturés à 50 848 FCFA. Lorsque le forfait appliqué aux soins infirmiers est de 20 000 CFA pour 2 jours, la surveillance médicale permanente et la restauration, sont respectivement fixées à 10 000 FCFA et à 20 000 FCFA ».
Dans sa lettre, il disait que « dans ce centre, la consultation anesthésique, la consultation d’urgence et la consultation interne, coûtent respectivement au malade 10 000, 25 000 et 10 000 FCFA ». Pour le cas d’espèce, il y avait annoncé que l’intervention chirurgicale a été facturée à 825 000 FCFA, pour une échographie à 20 000 francs et une pharmacie qui s’élevait à 142 030 FCFA. « Sans être sûr de se tirer d’affaire, le malade et ses parents ont dû mobiliser la somme de 1 152 031 francs CFA pour le règlement de la facture de 2 jours d’hospitalisation, consécutive à une appendicite. Quel effort ? Et en ces temps de vaches maigres, cela n’est pas permis, même, à certains maliens que nous considérons comme nantis », dénonçait Yagaré Baba Diakité dans sa lettre ouverte adressée au Président de la République.
Face à tout cela, il y avait estimé que « le moment est venu pour que le Mali se donne les moyens de soigner ses filles et ses fils dans des hôpitaux dignes de nom ». Et, mieux, il n’avait pas caché son exigence que « l’Etat du Mali doit faire en sorte que les citoyens n’aient pas l’impression qu’il y a un système de santé pour les pauvres maliens d’en bas et un système d’évacuation sanitaire vers l’Europe ou les pays maghrébins pour une autre catégorie de la population ».
Nous sommes d’avis avec le Mouvement Vert Jaune Rouge sur le fait que 59 ans après l’indépendance du Mali, « l’état peine à offrir un système sanitaire digne de nom à ses citoyens ». De telle sorte que de Kayes à Kidal, en passant par Bamako, les citoyens maliens sont condamnés à aller se soigner à l’extérieur du pays. En tout cas, pour ceux qui en ont les moyens. Mais, le gros lot de la population n’a pas un autre salut que de s’en remettre à Dieu dans des structures sanitaires qui répondent difficilement aux normes en la matière.
Mohamed Keita
Assane Koné
ARC EN CIEL
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