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TOXICOMANIE AU MALI : La consommation de la drogue se conjugue désormais au féminin

mercredi 27 avril 2022, par Assane Koné

Pendant de nombreuses années, la consommation de la drogue était une affaire d’homme au Mali. Malheureusement, il semblerait que le genre soit passé par-là. De nos jours, de plus en plus de femmes s’adonnent à la consommation de la drogue, avec toutes les conséquences que cela comporte.

Il était 18 heures passées de 30 minutes, voir 19 heures. Dans cette moiteur du mois de janvier 2021. Poursuivie par une clameur publique. De course lasse. Marie Noëlle Traoré finit par s’écrouler dans la pénombre dans une ruelle derrière, le marché « LES HALLS DE BAMAKO ». Battue sans ménagement. Elle eu la vie sauve grâce à l’intervention d’une unité de la Police nationale. Mais, que s’est-t-il passé pour que la foule se rue de la sorte sur une bonne dame. Respectable à tout égard ? C’était la question que tous les passants se posaient. Mais, quand on leur raconta la cause de cette vindicte populaire. Certains n’en revenaient pas. Marie Noëlle Traoré, malgré son apparence de grande dame, est une toxicomane. Certains vont jusqu’à raconter qu’elle serait à la tête d’un réseau de trafiquants de stupéfiants. Mais, ce qui ne fait l’ombre d’aucun doute, à force de prendre des drogues fortes, elle est aujourd’hui devenue une toxicomane invétérée. Ce soir-là, sous l’effet de la drogue, elle n’a pas hésité à poignarder son fiancé à mort, et comme devenue folle, elle a attenté à la vie de sa belle mère qui a voulu s’interposer entre eux. Après son forfait, elle a tenté de s’enfuir. Pris en chasse par la clameur publique, elle a été battue à mort. N’eut été la police, elle allait passée de vit à trépas.

Malheureusement. L’on constate aujourd’hui que Marie Noêlle Traoré n’est pas un cas isolé au Mali. Longtemps moins concernées par les usages de drogues, les femmes ont tendance à adopter des comportements plus proches de ceux des hommes. Selon plusieurs experts de la question de la drogue, la toxicomanie prend de plus en plus un visage féminin. « Depuis quelques années, nous recevons de plus en plus de femmes qui ont développé une dépendance à la drogue, au niveau de notre service », nous a indiqué Dr Souleymane Coulibaly, psychiatre à l’hôpital Point G. Avant de regretter le fait que certaines n’hésitent pas à commettre des forfaits pour se procurer ces substances prohibées.

« Tu ne peux pas t’imaginer ce que le manque peut faire. Je regrette énormément, mais que faire aujourd’hui ? », Nous a indiqué G.K, une grande consommatrice de drogue dure. « Ça t’amène à escroquer et à voler pour avoir de l’argent. On est prêt à commettre toutes sortes de forfaits pour pouvoir nous procurer notre dose », a-t-elle indiqué avec une voix pleine d’amertume. En réalité, rien ne prédestinait cette jeune dame, mère de deux enfants, à devenir consommatrice de drogue. Elle ne sait pas trop comment, elle s’y est installée en demeure. Mais, selon ses explications, au début, c’était pour s’évader et oublier les soucis de la vie. Mais, aujourd’hui, la dépendance aux produits psychotropes fait qu’elle a plus de soucis qu’avant.

Contrairement à G.K qui ne sait pas trop comment elle est devenue une adepte de la drogue, S.S y est arrivée par les soins d’une copine. « J’ai été initiée à la consommation de la drogue par le cannabis à travers une copine. J’enviais sa silhouette fine. Elle était svelte. Alors que moi, j’avais une forte corpulence. Sur les conseils de son petit ami, un expatrié qui travaillait au Mali, j’ai commencé à consommer cette herbe sensée me faire perdre du poids, loin de me douter qu’il s’agissait d’une quelconque drogue. L’ami de ma copine l’achetait à 1000 FCFA et me l’offrait. Petit à petit, j’avais atteint mon but car je perdais du poids, sauf que j’étais aussi devenue dépendante à la drogue à ma grande surprise ». C’est en ces termes que S.S a bien voulu nous expliquer comment elle est arrivée à la consommation du cannabis. Aujourd’hui, devenue pratiquement une grande consommatrice de drogue, S.S ne se contente plus du cannabis. Elle est passée à l’héroïne. Et, a intégré un gang, où elle commet des délits pour s’assurer sa dose quotidienne.

Selon une enquête menée en 2012 par l’Association de lutte contre la toxicomanie juvénile au Mali, 25% de filles qui ont moins de 18 ans consomment de la drogue. Et les raisons indiquées par Traoré Assitan, présidente de cette association, sont entre autres : la déception amoureuse, les violences conjugales, les mauvaises fréquentations ou autres violences psychologiques.

Mais, d’un point de vu scientifique, Dr Souleymane Coulibaly, psychiatre à l’hôpital Point G, nous a indiqué que la plupart de ces jeunes filles et femmes, essaient tout simplement de trouver un réconfort illusoire, qui malheureusement, va créer la dépendance. « Cette dépendance conduit à un changement de comportement et d’apparence chez l’individu », a-t-il ajouté. Avant de préciser que sous l’influence de la drogue, ces personnes peuvent s’avérer être un danger pour elles-mêmes comme pour leur entourage.

« Les femmes devenues dépendantes à la drogue, commettent toutes sortes d’actes pour se procurer leurs doses »

Des témoignages recueillis auprès de plusieurs femmes consommatrices, il ressort que les femmes dépendantes à la drogue, commettent toutes sortes d’actes pour se procurer la dose quotidienne. « A la différence des hommes, nous sommes plus fragilisées. Nous sommes souvent obligées de nous prostituer pour avoir de l’argent afin d’acheter de la drogue. Parfois, il arrive que dans le groupe, le chef demande de te donner à lui en contrepartie de ta dose, sans oublier les nombreux cas de viols », témoigne une rescapée sous l’anonymat.

Sous rejetées par la société pour leur addiction, les femmes toxicomanes sont isolées de leurs proches et de leur famille. Et, elles ont parfois des difficultés à s’intégrer même après l’abandon de la consommation de la drogue. Étiquetées, ces femmes déclarent être marginalisées pour la vie avec une grosse difficulté à avoir un mari dans leur environnement.

« Être drogué est mal perçu par notre société. Et, lorsque c’est une femme c’est encore pire. La société ne tolère point cette déviation chez nous les femmes car nous sommes vues comme des délinquantes », a indiqué M. T, ancienne toxicomane.
En effet, selon le muezzin Mohamed Kamesso, la religion musulmane interdit toute consommation de stupéfiants quel que soit le sexe. Sur la question, il est rejoint par l’Abbé Oscar Théra, prêtre, secrétaire général de l’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest. Toutes les deux confessions recommandent d’apporter assistance à la personne dépendante sur le chemin du « repenti » et de faciliter son insertion sociale.

Pour le sociologique Mamadou Diouara, la consommation des drogues est un phénomène assez récent dans notre société. « La société régit par ses valeurs socioculturelles, se montre moins clémente face à une femme toxicomane », a-t-il ajouté.

« Rejetées pour la plupart par leur entourage, les consommatrices de drogue renforcent leur dépendance, en croyant y trouver un échappatoire. Sous addiction, ces personnes développent une agressivité dont elles sont les premières à en souffrir. Plus exposées aux viols, aux maladies sexuellement transmissibles, aux violences, et à la stigmatisation, les femmes toxicomanes sont plus fragilisées dans la société que les hommes », selon Amadou Koïta, communicateur traditionnel.

Mais, la drogue n’a pas de sexe devant la loi. La loi 01-078 du 18 juillet 2001 portant contrôle de drogues et précurseur en République du Mali. « Elle interdit toute détention, achat, vente et consommation de drogue en République du Mali », explique le Procureur Abdoul Karim Diarra du Tribunal de la commune VI de Bamako. Selon lui, les peines prévues vont de 5 ans à 20 ans de détention ferme, en plus du payement d’une amende allant de 200 mille à 1 millions de FCFA, en cas d’infraction.

Bintou COULIBALY


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