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Samuel Sidibé, Délégué général des rencontres photographiques de Bamako : « Je pense que la logique à développer, c’est d’inscrire une fois pour toutes le financement de la Biennale dans le budget de l’Etat »

dimanche 1er novembre 2015, par Assane Koné

Après 4 ans d’absence à cause de la crise, la Biennale africaine de la photographie reprendra ses droits à Bamako du 31 octobre au 31 novembre 2015. Le thème de cette année est : « Telling time ». Plus de 800 photographes africains sont attendus. Pour l’exposition internationale, 5 photographes maliens sont retenus sur les 39. À quoi va ressembler cette 10e édition des rencontres photographiques de Bamako ? Quelles sont les innovations et les difficultés dans l’organisation ? Nous avons rencontré le Délégué général de la Biennale de la photographie de Bamako, Samuel Sidibé, non moins Directeur du Musée national du Mali. Il nous parle de cette édition-anniversaire.

Le Reporter Mag : Après quatre ans d’absence, les rencontres africaines de la photographie reviennent avec la dixième édition. À quoi va ressembler cette reprise ?

Samuel Sidibé : La Biennale de la photographie africaine revient effectivement, parce que depuis 2011, nous n’avons pas pu produire la Biennale. Normalement, l’édition suivante aurait dû suivre en 2013. Malheureusement, le pays était en crise et il était impossible de l’organiser. Nous sommes aujourd’hui très heureux de pouvoir présenter au public cette dixième édition qui coïncide avec notre anniversaire. C’est une Biennale de renaissance, parce que quatre ans après, je pense qu’elle était attendue par les professionnels. Pour vous donner un exemple, on avait habituellement entre 200 et 250 dossiers de candidatures pour la Biennale, mais cette année, nous avons reçu 800 dossiers. Cela prouve à suffisance que cette Biennale était tant attendue. Et ça donne de l’importance à cette dixième édition. Nous sentons un véritable engouement au niveau du publicateur national et des professionnels internationaux. On a une grande demande des gens qui souhaitent venir. Le thème de la Biennale de cette année est : « Telling time », autrement dit, « Le temps de raconter ». La directrice artistique est partie de l’idée que la photographie doit servir aussi à raconter une histoire. On sort de la photographie en studio des années 60 et 70 ; on sort également de la simple photographie documentaire pour explorer la capacité des artistes africains à utiliser la photographie comme un moyen d’explorer le temps, l’histoire, le présent, et d’explorer le futur.

Feriez-vous un clin d’œil à la crise malienne qui vous a quand même empêché de tenir cette rencontre ?

Bien sûr qu’il y a un clin d’œil à la crise malienne et celles africaines, parce que la réflexion est partie de là. Comment les photographes peuvent travailler sur ces différentes crises pour raconter leur vision du monde et leur histoire ? Une question importante. On entre dans la photographie qui n’est plus du studio, mais qui utilise les moyens de la technique photographique pour raconter. Cela oblige le photographe à être plus que déclencheur d’appareil, mais à être également un homme qui réfléchit sur le monde. La dixième édition est également caractérisée par une envie de célébrer les vingt ans de la Biennale. Nous allons avoir une exposition rétrospective des éditions précédentes qui va se tenir au Musée de Bamako.

Où se localiseront les grandes articulations et les grands lieux de cette dixième édition ? Comment tout cela va être mis en musique ?

Là, on est assez traditionnels. Le Musée national restera le cœur de la Biennale avec l’exposition internationale et panafricaine, où seront présentés tous les artistes issus de la sélection. Il y aura 39 artistes dont 8 ou 9 vidéastes qui seront présentés, avec une autre exposition qui sera dans notre salle temporaire, mais également au niveau du Parc national. Il y aura d’autres expositions monographiques dans les salles permanentes du Musée et le second lieu sera le Musée du District où il y aura une monographie d’Okhai Ojeikere), qui sera présentée par l’exposition-anniversaire. Il y aura aussi le Mémorial Modibo Keïta où tout un ensemble de projets seront présentés. L’Institut Français fait partie également de la fête, sans oublier la Bibliothèque nationale et la Maison africaine de la photographie. Ce sont donc les quatre grands lieux qui pourront abriter la Biennale. Une des choses qu’on a voulu faire cette année et qui est importante à mes yeux, c’est d’associer le maximum de photographes africains. Cela se fait à travers deux opérations principales. La première sera l’exposition de photographes maliens qui aura lieu à la Maison africaine de la photographie, communément appelée Studio Mali. C’est un projet qui consiste à faire une exploration des archives de certains studios qui existent dans les quartiers de Bamako. On fait une exploration de leurs archives, suivie d’expositions dans l’environnement immédiat des studios. Ça permet non seulement d’associer les professionnels maliens à l’opération, mais aussi de faire en sorte que ces expositions dans les quartiers créent un lien avec la population locale. C’est une dimension vraiment importante.

Est-ce une manière d’associer les photographes maliens, lesquels se plaignaient de n’être pas pris en compte à l’exposition internationale ?

Oui. Mais il faut rappeler que l’exposition internationale est le résultat d’une sélection africaine. Donc, je peux dire de façon satisfaisante qu’il y a cinq photographes maliens qui sont dans la sélection internationale. Il n’y a pas un seul pays qui a autant de représentants dans la sélection internationale. C’est vrai aujourd’hui qu’il faut une certaine capacité pour faire en sorte que les initiatives se développent, et cette année, il y en a déjà pas mal qui se sont développées. Il y a plusieurs associations de photographes qui sont en train de faire des activités dans le cadre du Off. Aujourd’hui, on a environ 25 à 30 expositions en Off qui vont se tenir en ville. Il y a certaines associations qui ont de véritables projets dans le cadre de la Biennale. Je pense que, de plus en plus, il y a une vraie mobilisation artistique autour de la Biennale.

Dix ans après, y a-t-il un impact ?

C’est une bonne question ! Il y a effectivement un impact. Le premier impact est d’ordre général. Vous savez, la photographie africaine, avant la Biennale, avant le développement de la Biennale, n’existait pas vraiment. Si vous voyez en Europe, la photographie sur l’Afrique était faite par les photographes européens. Aujourd’hui, les photographes africains existent. Si vous allez dans les grands festivals de photographie dans le monde, vous trouverez les photographes africains. Moi, j’étais à Arly, il n’y a pas très longtemps, et j’étais très content de voir la place que la photographie africaine y jouait. Cela veut dire que nous sommes en train d’être à l’origine du développement d’une profession et de sa capacité à trouver sa place dans le système international.
Le deuxième impact, aujourd’hui, si vous allez sur le marché international (photo Paris) ou à d’autres grandes manifestations, vous verrez de plus en plus de photographes africains dans les galeries en Europe comme en Amérique. La nouvelle génération est en train de véritablement s’imposer. Moi, qui feuillette souvent les revues, je vois comment les reportages sur le Mali sont faits par les photographes maliens et par la presse européenne. Il est évident qu’on doit continuer à développer les choses. Ce ne sont pas les rencontres, à elles seules, qui pourront développer la profession photographique. Je pense par exemple que nous avons besoin d’une presse dynamique, capable de donner de la visibilité à la photographie africaine. On a besoin d’outils qui permettent aux photographes africains d’être de plus en plus présents dans les médias et dans un ensemble de choses. En ce qui concerne ce que les rencontres sont capables de faire, il s’agira de leur donner une visibilité internationale pour développer une profession de la photographie. Et je pense qu’on est en train de le faire.

Comparaison n’est pas raison, mais à y voir de près, Bamako, capitale de la photographie africaine, n’est pas à comparer au Fespaco. Est-ce qu’un jour, on aura un grand événement susceptible de susciter de l’engouement auprès de la population avec les grands Off et les contours ?

Vous avez sans doute raison, comparaison n’est pas raison. C’est vrai que la différence entre le cinéma et la photographie est claire. Le cinéma et la musique sont des choses qui attirent davantage le public plus que la photo. Si vous allez à Dakar pour la Biennale d’art contemporain, vous pouvez dire la même chose. C’est-à-dire qu’on se retrouve dans les événements à caractère artistique qui ont véritablement du mal à s’implanter dans le public local. Je pense que quand on travaille dans un certain nombre de domaines, il faut le faire dans la durée. On ne peut pas imaginer qu’une Biennale de la photographie attire autant de monde que le festival sur le Niger. Au festival sur le Niger, il y a de la musique ; donc, on ne peut pas s’attendre à un public pareil. On est dans un secteur spécifique où il y a un long travail à faire pour qu’effectivement ces événements trouvent leur place dans le public local. Ce n’est pas seulement l’événement qui va le faire, c’est aussi un contexte de développement global qui va permettre effectivement que le plus grand nombre de gens s’intéressent à la photographie.

Avez-vous rencontré des difficultés dans l’organisation de cette rencontre ?

Vous savez, vous ne pouvez pas organiser un événement de cette taille sans rencontrer des difficultés. De mon point de vue, il faudra réfléchir à l’avenir à sécuriser le financement de la Biennale. Vous savez, lorsque vous organisez un événement tous les deux ans et que la question budgétaire reste une préoccupation, ce n’est pas bien. Je pense qu’il faut que la question de la sécurisation de financement de la Biennale soit au cœur de la préoccupation du ministère de la Culture, de l’Artisanat et du tourisme. Je dois reconnaître que cette année, le ministère a fait un effort important. Ça n’a pas été facile, je le sais. Mais je pense que la logique à développer, c’est vraiment d’inscrire une fois pour toutes le financement de la Biennale dans le budget de l’Etat. Je pense que si le Mali veut véritablement être porteur de cette Biennale, il doit accepter un engagement financier à hauteur de souhait.

Kassim TRAORE
Source : Le Reporter

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