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Ebola : Trois scénarios sur l’évolution de l’épidémie

jeudi 21 août 2014, par Assane Koné

Propagation incontrôlée, arrivée de la maladie en France, situation maîtrisée... Francetv info analyse différents cas de figure concernant cette épidémie, qui fait des ravages en Afrique de l’Ouest.

Des pays africains en état d’urgence, d’autres qui ferment leurs frontières, des compagnies qui refusent de desservir certaines destinations, une mégalopole menacée de quarantaine... A chaque jour, sa nouvelle angoissante sur l’évolution de l’épidémie d’Ebola. Mercredi 20 août, 75 000 personnes ont été bouclées dans un quartier entier de la capitale du Liberia, Monrovia, pour empêcher la propagation de la maladie. Non sans déclencher des échauffourées. Jusqu’où ira l’épidémie ? Francetv info se projette dans le futur et vous présente trois scénarios probables.

Scénario 1 : l’épidémie est contenue

C’est l’issue la plus optimiste : les efforts payent. Le 15 août, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a estimé que l’ampleur de l’épidémie est « largement sous-évaluée », alors que Médecin sans frontières (MSF) parle d’une situation qui « se détériore plus vite que notre capacité à y faire face ». Mais l’épidémie peut encore être contrôlée, si le coup de semonce est pris au sérieux.

Ce ne sont probablement pas de miraculeux sérums expérimentaux qui permettront de venir à bout du virus, mais un travail de longue haleine entrepris par les autorités locales et les ONG, encadré par les recommandations de l’OMS et appuyé par des financement internationaux.

D’un côté, les Etats, avec l’aide de personnalités, se mobilisent pour communiquer auprès des communautés rurales, expliquer comment le virus se répand et montrer les bons gestes à adopter. De l’autre, des campagnes de dépistage systématiques sont organisées dans les quatre pays concernés (Guinée, Sierra Leone, Liberia, Nigeria). A chaque fois, les équipes sanitaires retrouvent les personnes ayant été en contact avec les malades, font admettre les équipes de santé, isolent chaque patient et expliquent aux familles qu’il ne faut surtout pas toucher les corps quand ils sont contaminés.

Dans six mois ou plus, la situation est maîtrisée. Quelques milliers de personnes ont été tuées dans la pire épidémie du virus depuis sa découverte en 1976, selon les chiffres de l’OMS. Mais, un par un, les dizaines de foyers de l’épidémie d’Ebola ont été éteints.

Scénario 2 : la France est touchée par la maladie

Et si le virus prenait l’avion ? C’est ce que craignent déjà certains employés d’Air France. Les pistolets thermiques et scanners corporels destinés à mesurer la température des voyageurs dans les aéroports ne permettent pas de détecter les malades lorsqu’ils sont en période d’incubation (de 2 à 21 jours). Plusieurs cas suspects ont déjà été signalés dans des pays occidentaux, comme l’Allemagne, l’Espagne ou les Etats-Unis. Il n’est pas exclu qu’un voyageur se révèle atteint du virus à Paris ou dans une autre capitale occidentale.

Mais la France n’est pas l’Afrique de l’Ouest. Les autorités sanitaires ont des moyens nettement plus conséquents. Le premier malade repéré, un dispositif de crise préparé par les ministères de la Santé, de l’Intérieur et des Affaires étrangères est immédiatement mis en place. La personne touchée par le virus est dirigée au plus vite vers l’un des neuf hôpitaux de référence (PDF). L’Institut de veille sanitaire (Invs) dresse ensuite la liste des « cas contacts » susceptibles de l’avoir croisée.

Il est peu probable qu’un autre passager de l’avion transportant le malade en France soit contaminé, car il n’y a pas de risque de contagion durant la période d’incubation. Et, avec un peu de chance, à l’apparition des premiers symptômes, le malade suit les conseils des dépliants d’information du ministère de la Santé destinés aux passagers de vols directs voyageant entre la France et les zones à risque. Il contacte alors immédiatement le Centre 15, comme le conseille cette plaquette. Par ailleurs, le ministère de la Santé met aussi à disposition des professionnels des informations pour mieux prendre en charge les malades.

Finalement, l’épidémie devrait être rapidement maîtrisée, comme le prévoit Pierre-Marie Girard, chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Saint-Antoine de Paris, qui jugeait dans les colonnes du JDD le risque « absolument improbable ».

Scénario 3 : le virus se propage en Afrique

C’est le pire des scénarios : l’épidémie s’étend de manière incontrôlée à l’Afrique de l’Ouest, faisant vaciller toute la région. Le potentiel évènement déclencheur a déjà eu lieu : la mort à Lagos, au Nigeria, de Patrick Sawyer, un fonctionnaire du ministère de la Santé de 40 ans de retour du Liberia. Si le virus s’étend plus avant dans la plus grande ville d’Afrique de l’Ouest, le scénario catastrophe est facile à imaginer...

Dans un premier temps, les médecins pensent avoir identifié la chaîne de transmission et isolé tous les malades. Mais de nouveaux cas apparaissent. La maladie se répand dans la mégalopole de Lagos et les morts se comptent par dizaines de milliers, comme le prévoit le docteur Eric Leroy de l’Institut de recherche et de développement (IRD). L’épidémie prend de l’ampleur dans le pays le plus peuplé d’Afrique, puis gagne plusieurs Etats voisins.

Tous les pays de cette zone se sentent déjà menacés, du Sénégal au Cameroun. Le Kenya, l’Ethiopie, l’Afrique du Sud, qui comptent d’importants aéroports, s’inquiètent aussi. Même s’elle ne franchit pas les frontières, « le pire scénario serait que la maladie continue de gonfler, comme un feu de forêt persistant, jamais assez arrosé », explique le bioinformaticien Derek Gatherer, de l’Université de Lancaster (Royaume-Uni), à Vox (en anglais). Le virus pourrait être considéré comme « endémique dans les régions les plus touchées ».

Les conséquences sont terribles. Déjà, l’apparition d’Ebola désorganise des systèmes de santé fragiles. Si on ne meurt pas d’Ebola, on peut mourir des conséquences d’Ebola, notamment dans des pays frappés par le paludisme.

A la crise sanitaire s’ajoute alors une crise économique. Le Nigeria est la première économie africaine et Lagos son centre névralgique. Rapidement, les expatriés quittent le pays par mesure de précaution, les compagnies aériennes refusent de desservir la ville, le commerce régional ralentit et l’économie est à genoux, comme l’imagine Ventures Africa (en anglais). Le Nigeria n’est pas seul à plonger. En août 2014, la Banque mondiale estime déjà que le PIB de la Guinée va diminuer de 3,5 à 4,5%, selon Foreign Policy. Même constat au Liberia où les autorités ont vite compris que la croissance économique allait sérieusement ralentir.

La crise économique se double d’une crise alimentaire. Dans les zones d’isolation, « où, il y déjà une insécurité alimentaire chronique, les gens ne vont plus pouvoir vaquer à leurs activités habituelles, comme aller à leurs champs par exemple. Le commerce va être perturbé, alerte Fabienne Pompey, porte-parole du Programme alimentaire mondial à Dakar. En général, cela engendre des flambées de prix sur les marchés, et les ménages les plus pauvres ne peuvent plus s’approvisionner. »

La suite est prévisible. La Sierra Leone et le Liberia se remettent tout juste de graves guerre civiles, le Nigeria doit affronter l’insurrection du groupe terroriste Boko Haram et organiser une élection présidentielle en 2015. La crise économique et alimentaire risque de déboucher sur de graves crises politiques. Déjà, un groupe d’homme hostile à la présidente libérienne, Ellen Johnson Sirleaf, a attaqué et pillé un centre de soin.

Francetvinfo

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