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Syndicat Autonome de la Magistrature : Les raisons d’une grève de 72 heures
mardi 12 juillet 2016, par
Le Syndicat Autonome de la Magistrature (SAM) s’apprête pour une grève de 72 heures. Le préavis de grève de 72 heures allant du 27 au 29 Juillet 2016, a été déposé le lundi 11 Juillet 2016 à 10 heures 55 minutes auprès du ministère du travail, de la fonction publique et des relations avec les institutions. Le SAM invite ses militants à s’unir et à se mobiliser pour la satisfaction totale de leurs revendications contenues dans le cahier de doléances déposé le 11 Février 2016. Lisez le cahier de doléances !
CAHIER DE DOLÉANCES DU SYNDICAT AUTONOME DE LA MAGISTRATURE
Madame le Ministre de la Justice et des Droits de l’Homme, Garde des Sceaux, Le Syndicat Autonome de la Magistrature engagé depuis sa création pour une magistrature indépendante et responsable, a l’honneur d’attirer votre attention sur les difficultés réelles auxquelles les magistrats se trouvent confrontés.
Considérant les principes fondamentaux relatifs à l’indépendance de la magistrature élaborés par les Nations Unies, et repris par la Charte Africaine , comme un minimum incompressible imposant aux Etats de doter d’une part la justice de moyens nécessaires à son fonctionnement, et d’autre part d’assurer aux magistrats des rémunérations suffisantes en vue de garantir leur indépendance économique.
Se fondant sur la Charte Universelle du Juge et sur le Statut du Juge en Afrique d’une part et, rappelant d’autre part les dispositions de l’article 69 de la loi N°02- 054 du 16 Décembre 2002 Portant Statut de la Magistrature, le SAM relève à ce jour que :
* la part du Ministère de la Justice, département de souveraineté reste insignifiante dans le budget national (moins de 1%) seulement) ;
* la seule indemnité de judicature allouée au magistrat débutant, ou la seule prime de logement accordée ailleurs dépasse le salaire et les autres avantages cumulés du Procureur Général près la Cour Suprême, et même ceux du Président de la Cour Suprême du Mali en dépit de sa qualité de Président d’Institution.
– le Président de la Cour Suprême du Mali a une indemnité de judicature de 250.000FCFA tandis que cette indemnité est de 800.000 FCFA pour le magistrat débutant au Sénégal ;
– le Procureur Général près la Cour Suprême du Mali a 150.000 FCFA d’indemnité de logement, alors que son homologue du Sénégal a 1.000.000 FCFA ; l’indemnité de logement pour les autres magistrats (tous grades confondus) est de 50.000 FCFA, montant qui n’a connu aucune évolution depuis près de vingt ans, ce malgré la montée du coût du loyer ;
– la grille salariale des magistrats de certains pays est le double de celle appliquée aux magistrats du Mali. A titre illustratif le plafond de la grille qui est de 1.100 pour le magistrat de grade exceptionnel au Mali, se trouve porté à 2.115 au Burkina Faso ;
* les primes de recherches, de déplacement, de risque et autres accordées ailleurs aux magistrats de la Cour Suprême et ceux des structures en charge de la formation des magistrats, sont inconnues au Mali, dont la jurisprudence est pourtant de plus en plus citée comme référence ;
* le Mali reste le seul pays de l’espace UEMOA, sinon de la sous région, à ne pas reconnaitre le droit au passeport diplomatique aux magistrats de la Cour Suprême, le droit au passeport de service aux autres magistrats ;
* en matière d’élévation aux grades honorifiques de l’ordre national, le corps des magistrats reste un des plus défavorisés ;
* les récents décrets accordant des avantages aux agents publics de l’Etat, ont été discriminatoires au détriment des magistrats (primes d’eau, d’électricité, de téléphone, de zone, de responsabilité, de résidence et autres) ;
* en dépit de l’arrêt définitif N° 76 du 15 Août 2002 de la Section Administrative de la Cour Suprême, devenu exécutoire depuis, le SAM reste toujours en dehors du Conseil Economique, Social et Culturel ;
* par le décalage excessif entre les traitements perçus pendant la période d’activité et la pension, le magistrat à la retraite se trouve dans une situation de déséquilibre parfois dramatique ;
* l’installation solennelle des chefs de juridiction et de parquet en vue d’assoir leur autorité, prévue par le Statut de la Magistrature, n’a jamais pu être mise en œuvre ;
* le jeune magistrat en début de carrière se trouve confronté à d’énormes difficultés d’installation pour faute d’assistance de l’Etat.
L’ampleur de la situation et ses conséquences sur la bonne distribution de la justice, suffisent pour justifier l’évolution de la démarche du SAM en quête, tant d’une justice performante et crédible, que du bien être matériel et moral du corps des magistrats.
La garantie de l’indépendance économique des magistrats, la dotation de la justice en moyens et ressources nécessaires à son fonctionnement, restent des facteurs indispensables d’efficacité, leur permettant de répondre aux attentes légitimes, sans cesse croissantes des populations.
Conformément à sa mission de défense de l’Indépendance de la Justice et des intérêts des Magistrats, le SAM tient à rappeler :
– Que dans l’ensemble de leurs activités, les magistrats garantissent les droits de chacun au bénéfice d’un procès équitable ;
– Que le magistrat en tant que dépositaire de l’autorité judiciaire, doit pouvoir exercer ses fonctions en toute indépendance par rapport à toutes forces sociales, économiques et politiques ;
– Que l’indépendance du magistrat reconnue comme indivisible est indispensable à l’exercice d’une justice impartiale dans le respect de la loi ;
– Que toutes les institutions et autorités, qu’elles soient nationales ou internationales doivent respecter, protéger et défendre cette indépendance ;
– Que le magistrat doit, non seulement recevoir une rémunération suffisante pour assurer son indépendance économique, mais aussi pouvoir prendre sa retraite et recevoir une pension correspondant à son niveau de responsabilité ;
– Qu’il appartient aux autres pouvoirs publics de l’Etat de donner au pouvoir judiciaire les moyens nécessaires à son action ;
– Que chaque Etat doit fournir les moyens nécessaires et suffisants à ces magistrats pour l’exercice de leur fonction et doter l’administration judiciaire d’un budget propre garantissant la bonne marche de la justice.
Considérant l’amélioration des conditions comme une constante et une préoccupation majeure afin de rendre la machine judiciaire plus performante et crédible, le SAM :
– Tout en soutenant le Programme d’Urgence pour la Justice élaboré sous son impulsion , maintient ses revendications non prises en compte dans le dit programme du fait de son caractère très réformateur passant sous silence des préoccupations brûlantes et réelles des magistrats ;
– Apprécie hautement les déclarations successives de l’Assemblée Nationale à travers la Commission des Lois, du Premier Ministre et du Président de la République, faisant état de la précarité des traitements des magistrats et des conditions inconfortables de travail des acteurs de la justice.
Saluant l’engagement des plus hautes autorités d’y remédier, le SAM, sur la base d’éléments de comparaison, en voie d’évolution ailleurs dans l’espace UEMOA au sein duquel le Mali se classe au 2e rang, le SAM soumet au Gouvernement le Présent Cahier de Doléances comportant les points de revendication suivants :
1°) le relèvement du budget du Ministère de la Justice à hauteur de 10% au moins du budget national, à compter de l’exercice 2017.
2°) L’alignement de Cour Suprême sur les institutions de même niveau au regard du principe de la séparation des pouvoirs, au point de vue des traitements et avantages, ainsi que sa dotation en moyens suffisants nécessaires à son fonctionnement et lui permettant d’assurer le respect des engagements internationaux pris au nom du Mali ;
3°) le relèvement de la grille indiciaire des magistrats de :
– 350 à 750 pour le Magistrat en début de carrière ;
– 1100 à 3500 pour le Magistrat de grade exceptionnel.
4°) le rehaussement des indemnités de judicature à hauteur de 800.000 FCFA pour chaque magistrat.
5°) le rehaussement des indemnités de logement à hauteur de :
– 500.000 FCFA pour le magistrat de la Cour Suprême
– 300.000 FCFA pour les autres magistrats.
6°) l’octroi de primes de responsabilité et de représentation à hauteur de :
– 500.000 FCFA pour le Président de la Cour Suprême et le Procureur Général près la Cour Suprême ;
– 400.000 FCFA pour les autres magistrats de la Cour Suprême ;
– 350.000 FCFA pour le Premier Président de Cour d’Appel, le Procureur Général près la Cour d’Appel, les Chefs des Services Centraux du Ministère de la Justice et le magistrat en détachement ;
– 300.000 FCFA pour tout autre magistrat de Cour d’Appel ou tout autre magistrat de l’Inspection des Services Judiciaires ;
– 250.000 FCFA pour le Président du Tribunal de Grande Instance, le Président du Tribunal Administratif, le Président du Tribunal de Commerce, le Président du Tribunal du Travail, le Président du Tribunal pour Enfants, le Procureur de la République près le Tribunal de Grande Instance ;
– 200.000FCFA pour le Président du Tribunal d’Instance, le Procureur de la République près le Tribunal d’Instance et tout magistrat en fonction dans un Service Central ou assimilé du Ministère de la Justice ;
– 150.000 FCFA pour tout autre magistrat d’une juridiction de premier degré.
7°) l’octroi d’indemnités de recherche à hauteur de :
– 200.000 FCFA pour chaque magistrat de la Cour Suprême et le Directeur National de l’Institut National de Formation Judiciaire ;
– 100.000 pour le Directeur Adjoint et le Directeur des Etudes de l’Institut National de Formation Judiciaire ;
8°) l’octroi d’une prime de risque d’un montant de 150.000 FCFA pour tout magistrat.
9°) l’extension des dispositions du décret N° 2014-0837/PRM du 10 Novembre 2014 aux magistrats (indemnités de représentation et de responsabilité, d’eau, d’électricité, de téléphone, de résidence, primes de zone, de domesticité et autres).
10°) l’octroi d’une prime, d’installation non taxable d’un montant de 2.000.000 FCFA, au jeune magistrat au moment de son entrée en fonction.
11°) l’Intégration des primes et indemnités aux salaires.
12°) la revalorisation des pensions des magistrats à hauteur de 50 pour cent.
13°) la dotation en carburant de tous les magistrats.
14°) la réparation des dommages matériels occasionnés aux magistrats lors des évènements survenus dans la partie Nord du pays.
15°) l’élaboration d’un Plan de Carrière des magistrats et la classification des juridictions.
16°) l’élaboration du Règlement Intérieur du Conseil Supérieur de la Magistrature.
17°) le respect des dispositions de l’article 8 de la loi N° 02-054 du 16 Décembre 2002 portant Statut de la Magistrature, relatives à l’installation solennelle des chefs de juridiction et de parquet.
18°) la conception d’un programme adapté de formation de base et le soutien à la formation continue des magistrats.
19°) l’inscription du SAM au budget du Ministère de la Justice concernant les frais et charges afférents à sa qualité de membre de l’Union Internationale des Magistrats.
20°) l’octroi au SAM de sa place au sein du Conseil Économique, Social et Culturel, conformément à l’arrêt N° 76 du 15 Août 2002 de la Section Administrative de la Cour Suprême.
21°) le renforcement des mesures de sécurité.
22°) la dotation de chaque magistrat en passeport de service, en général, et particulièrement ceux de la Cour Suprême, les Présidents des Cours d’Appel, les Procureurs Généraux près les Cours d’Appel et le Directeur Général de l’Institut National de Formation Judiciaire en passeport diplomatique.
23°) la dotation des magistrats de la Cour Suprême, des chefs de juridiction et de parquet en véhicule de fonction.
24°) la dotation de chaque Cour d’Appel, de chaque Tribunal de Grande Instance et de chaque Tribunal d’Instance en véhicule d’extraction.
25°) la transparence dans l’attribution des titres de distinction et la disponibilité des critères d’avancement pour une meilleure prise en compte des magistrats.
26°) l’adoption d’un programme de logement des magistrats.
27°) l’exonération de la totalité des droits et taxes pour toute importation faite par le magistrat, chaque trois an.
Madame le Ministre, ces revendications fondées et suffisamment justifiées n’ont autre but que l’instauration d’une justice indépendante, impartiale, crédible et transparente à laquelle notre peuple est en légitime droit d’aspirer.
Dans l’attente du traitement diligent des points contenus dans le présent document, veuillez agréer Madame le Ministre, l’expression de notre parfaite considération.
Bamako le 11 Février 2016
P/Le SAM
Le Président du Comité Directeur
Cheick Mohamed Chérif Koné
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