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Réquisitoire d’ouverture de la troisième Session des Assises 2015 : « Il faut réduire l’impact du religieux dans la gestion des affaires publiques »
jeudi 3 décembre 2015, par
A l’ouverture de 3e session des assises de 2015, Daniel Téssougué, Procureur général de la Cour d’Appel de Bamako a fait un réquisitoire des plus remarquables. Il a déclaré qu’il faut réduire l’impact du religieux dans la gestion des affaires publiques.
Il a commencé par rendre grâce à Dieu, pour lui avoir permis, dans sa mansuétude, d’être en parfaite santé, afin d’accomplir la mission sacrée qui est une de ses émanations, un de ses attributs, à savoir la Justice, au Nom du Peuple Souverain du Mali.
« Depuis 2011, notre nation est dans la turbulence »
Il a déclaré que depuis 2011, notre nation est dans la turbulence. Selon lui, ce pays, connu pour sa convivialité et son harmonie sociale, est devenu une zone de non droit, du fait d’une bande de délinquants, venus de l’on ne sait où et qui sans sentiment patriotique, ont emporté dans leur valise des narcotrafiquants et des djihadistes, pour semer la mort et la désolation. Il a rappelé que le samedi encore à Kidal, ils ont sévi. « Ils doivent rendre compte », a-t-il ajouté. Avant de rappelé que le vendredi 20 novembre, ils ont frappé la Capitale en son cœur.
Selon Téssougué, depuis des mois, ils écument le pays, et démontrent ainsi que nulle part, les citoyens honnêtes ne peuvent être à l’abri. « Il est alors temps, plus que temps de renverser la tendance et d’introduire la peur dans le camp des délinquants », a-t-il estimé.
Comme, il le répète inlassablement depuis 2012, il a dit à nouveau que la priorité des priorités, c’est de mettre les forces de défense et de sécurité en mesure d’assurer leur mission, pas approximativement, mais entièrement.
« Si pour des jeunes ayant été demi-finaliste un pays est capable de trouver plus du demi-milliard à donner, que cet Etat ne vienne guère dire que la paix, la quiétude et le vivre paisible, il ne peut mettre ses forces dédiées à cette charge en conditions. En tout cas, je ne peux comprendre cette équation », a-t-il déclaré.
Le terrorisme doit être combattu
Pour Téssougué, le terrorisme doit être combattu et cela avec les armes qu’il faut. Il a rappelé qu’il y a deux session, qu’il citait James Robinson qui disait : « aussi longtemps que nous vivons dans un monde où une philosophie de la souveraineté du XVIIe siècle est appliquée avec un modèle juridique du XVIIIe siècle, défendue par une conception de maintien de l’ordre du XIVe siècle qui s’appuie sur une technologie du XXe siècle, le XXIe siècle appartiendra aux criminels. »
« En partant d’analyses scientifiques bien affinées, j’avertissais de la dangereuse connexion qui se noue depuis un moment entre la criminalité et le terrorisme », a-t-il rappelé.
Il a indiqué que les nations du monde ont bien compris cela, et notre pays vient d’initier une série de textes autour des faits de blanchiment et de financement du terrorisme. « Cette infraction de blanchiment, est la phase achevée du résultat de l’activité criminelle, se muant en ressources générées et réinvesties dans des circuits financiers normaux des voies plus ou moins légales », a-t-il révélé.
Avant de dire qu’il ne s’agit pas de littérature, mais d’analyses issues de travaux scientifiques confirmés. « Hélas, notre pays continue à vivre dans l’empirisme, se contentant de légendes et de contes, qui n’émerveillent même plus », a-t-il regretté.
L’instauration de vrais débats, sur de vraies questions de la nation.
Pour cela, il a lancé un appel aux intellectuels maliens, à un recourt à l’intelligence, pour l’instauration de vrais débats, sur de vraies questions de la nation.
« Quand la mémoire va chercher du bois, elle rapporte le fagot qui lui plait nous enseigne Birago Diop. On a parlé de mémoire ? C’est fini maintenant », a-t-il martelé.
Téssougué est convaincu que l’intelligence, a besoin de se nourrir, de se confronter, afin de drainer dans ses sillons une génération à laquelle transmettre le savoir. « C’est le devoir de génération dont parlait Frantz Fanon », a-t-il indiqué.
Après avoir déclaré que notre nation est une grande nation, Téssougué dira qu’hélas, les contingences de l’histoire, conduisent à des questionnements.
Il dira que c’’est pourquoi, dans ses réflexions, il intègre ces mots écrits au 19e siècle par John Stuart Mill[1] : « la valeur d’un Etat, à la longue, c’est la valeur des individus qui le composent ; et un Etat qui sacrifie les intérêts de leur élévation intellectuelle à un peu plus d’art administratif – ou à l’apparence qu’en donne la pratique – dans le détail des affaires ; un Etat qui rapetisse les hommes pour en faire des instruments dociles entre ses mains, même en vue de bienfaits, un tel Etat s’apercevra qu’avec de petits hommes, rien de grand ne saurait s’accomplir, et que la perfection de la machine à laquelle il a tout sacrifié n’aboutit finalement à rien, faute de cette puissance vitale qu’il lui a plu de proscrire pour faciliter le jeu de la machine. »
« Ce rapetissement conduit à ce chômage endémique, à la perte de repères et aussi la fuite hors des frontières des bras valides », a-t-il ajouté. Avant de rappeler que quelqu’un a dit un jour, durant la traite des noirs, nos ancêtres fuyaient se cacher. Si aujourd’hui ces négriers venaient accoster, le bateau croulerait sous le poids des candidats à l’esclavage. Quelle ironie de l’histoire !
La Responsabilité des politiques que de donner le bonheur à la nation
« Une vérité d’hier « la mort plutôt que la honte ». La jeunesse actuelle répond « Toungan té mogo danbé don » ou « l’exil méconnaît la dignité ». Malgré tout, ce sont des milliers de jeunes, qui préfèrent braver le désert, l’océan, aller à une mort certaine, vers un El dorado, que de rester dans une misère devenue une fatalité dans leur pays », a martelé Téssougué. Avant de dire que c’est de la Responsabilité des politiques que de donner le bonheur à la nation.
Se basant sur une autre vérité ancienne, « mieux vaut prévenir que guérir. », Téssougué dira qu’hélas dans notre pays, nous sommes trop souvent en retard sur les évènements, l’anticipation manque. Soit par une trop grande prudence, soit par la peur d’affronter les difficultés de la gestion publique.
Mieux, il estimera que la permissivité trop grande des discours religieux ou des comportements extrémistes, ne peuvent rester impunies.
Selon lui, la laïcité est malmenée tant et si bien que les reculs inacceptables de ces dernières années doivent être revus.
Il a rappelé qu’en 1962, les pères de l’indépendance ont doté ce pays du code du mariage et de la tutelle, très avant-gardiste. En son article 1eralinéa 1, la loi 62-17 AN-RM du 03 février 1962 disposait ainsi : « le mariage est un acte laïc ».
Il dira qu’en 2011, par peur, le Code des personnes et de la famille, objet de la loi n° 2011-087 du 30 décembre 2011, qui devrait être une vraie avancée, a été d’un regrettable recul et pire, en flagrante violation de la Constitution, dispose : « le mariage est un acte public, par lequel un homme et une femme, consentent d’établir entre eux une union légale dont les conditions de formation, les effets et la dissolution sont régis par les dispositions du présent livre. Il est célébré par l’officier d’Etat civil ou par le ministre du culte. »
Il a aussi rappelé qu’alors que l’article 6 du code du mariage et de la tutelle, consacrait l’aspect laïc du mariage, le législateur de 2011 officialisait le mariage religieux, et aujourd’hui, que de conséquences à gérer ?
Il faut réduire l’impact du religieux dans la gestion des affaires publiques.
Il a rappelé que le Christ en son temps disait ceci : « à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu » pour signifier cette nécessaire séparation du spirituel et du temporel.
« Le Maire de la Commune V me confiait que dans cette commune, il a dénombré 104 mosquées. Combien ont été légalement créées ? Par quel financement ? », a indiqué Téssougué.
Avant de rappeler que la loi 61-86 AN-RM du 21 juillet 1961 portant organisation de la liberté religieuse et de l’exercice des cultes dans la République du Mali, est claire sur l’ensemble de toutes ces questions et notamment l’article 11 lequel dispose : « est soumise à l’agrément préalable du ministre de l’intérieur l’acceptation de legs et dons mobiliers ou en espèces d’une valeur ou d’un montant supérieur à 500 000 francs. »
Mieux, il dira que les articles 12, 13 et 14 précisent les contours de ces dons legs et subventions. « Comment ignorer ce texte en cette période ? », s’est-il interrogé.
« Ce n’est pas être contre Dieu, car la foi est un acte individuel et profondément interne entre l’Homme et son créateur », a-t-il déclaré.
Il a estimé qu’il urge de revenir au respect de la Constitution en collant à l’article in fine qui dispose : « la forme républicaine et la laïcité de l’Etat ainsi que le multipartisme ne peuvent faire l’objet de révision. »
Ce qui a amené Téssougué à s’interroger sur le mécanisme par lequel on a pu contredire l’article 25 alinéa 1er de la Constitution, qui proclame que « le Mali est une République indépendante, souveraine, indivisible, démocratique, laïque et sociale… »
« Le code des personnes et de la famille se doit en ses dispositions qui sont anti constitutionnelles être revu », a-t-il déclaré.
Il a aussi dénoncé la peine de mort. Selon lui, l’autre versant, c’est la persistance de la peine de mort dans notre arsenal répressif. Pour cela il a cité un grand penseur : « Lorsqu’un siècle est en marche, guidé par une pensée, il est semblable à une armée marchant dans le désert. Malheur aux trainards ! Rester en arrière, c’est mourir. »Alfred de Vigny.
« Messieurs de la cour chers invités, j’ai tenu à faire ces affirmations, non par provocation, mais par pragmatisme, car au cœur de la lutte contre le terrorisme, la justice est présente. Et si nous devons faire des propositions, il faut les faire, car « mieux vaut prévenir que guérir. » », a-t-il indiqué.
Avant de dire qu’il faut éviter par tous les moyens de laisser la jeunesse céder à un quelconque chant de sirènes, et celui qui fait le plus de mal est ce chant de l’intégrisme religieux.
« Faisons en sorte que la jeunesse se batte pour les vrais combats qui ont noms : lutte contre la corruption, lutte pour une meilleure gestion des affaires et des ressources publiques, lutte pour une école vraie qui donne accès à l’emploi etc… », a-t-il indiqué.
Il a rappelé qu’à la clôture de la seconde session des assises, il appelait vivement la troisième. « Nous y sommes », a-t-il déclaré. Mais, il a estimé que cela ne compense pas le retard accusé dans l’atteinte des objectifs par nous fixés, mais cela vaut mieux que rien. Espérons qu’en 2016, tel sera le cas.
Il a rappelé que pour la présente session, la situation se présente ainsi qu’il suit :
– 63 dossiers ;
– 131 accusés dont 06 femmes ;
– 50% des accusés sont en détention provisoire ;
Les infractions se décomposent ainsi :
– Les crimes de sang, assassinat, coups mortels, meurtre, infanticide et empoisonnements : 19
– Crimes contre les biens, vols qualifiés, contrefaçon de vignette, atteintes aux biens, faux et usage de faux : 13 ;
– Infractions contre les mœurs, viol, pédophilie : 13 ;
– Crimes organisés, association de malfaiteurs, trafic international de drogue : 12 ;
– Autres infractions, avortement, désertion : 2
– 03 dossiers sur les intérêts civils.
« En procédant à une analyse des trois sessions d’assises de cette année, il apparait que 313 dossiers criminels ont été traités.,589 accusés parmi lesquelles 42 femmes ont comparu ou comparaitront devant la barre. Sur ces 589 accusés, vous avez fait le constat avec moi, que près de 80% soit environ 471 ont moins de trente ans. Les crimes de sang sont les plus nombreux », a-t-il fait remarquer.
Il a ajouté qu’il lui arrive de rencontrer des étudiants sortis depuis près de dix ans et qui n’ont même pas l’espoir d’avoir un stage, a fortiori un emploi.
Téssougué a estimé que cela fait des années, que le taux d’admissions aux examens, ne plafonne guère au-delà de 20% comme si en une génération, au lieu de suivre la loi de l’évolution, qui veut que les hommes deviennent plus intelligents. « Le Mali est-il devenu le chainon manquant ? Il y a un problème et ce ne sont pas les élèves et étudiants qui en sont responsables », a estimé Téssougué. Avant d’inviter ceux qui hypothèquent leur avenir ainsi de rendre compte devant le peuple.
L’indécence de dire que les élèves n’ont pas de niveau
« C’est en cela que je pense indécent de dire que les élèves n’ont pas de niveau. Ceux qui les encanaillent ne peuvent se prévaloir de leur propre turpitude », a-t-il estimé.
Il a rappelé qu’un criminologue a tenu ces propos : « le crime est la réponse d’une personnalité placée dans une situation déterminée. »
Selon lui si la science criminelle ne conclue pas à une relation de cause à effet entre misère et crime, les statistiques elles démontrent que plus de jeunes pauvres et désœuvrés sont plus candidats à la prison que ces jeunes issus de milieux favorisés.
« Il vaut une génération qui croit en la vertu du travail et non aux délices du bien facilement acquis. L’effort doit payer et non la naissance ou le statut social », a-t-il déclaré. Avant de rappeler que « les maliens naissent et demeurent libres et égaux en droits », enseigne la Constitution.
Il a aussi rappelé un grand penseur : « Un peuple qui refuse de se rendre au rendez-vous de l’histoire, qui ne se croit pas porteur d’un message unique, ce peuple est fini. Qu’on le range au musée. » Dostoïevski
« Mesdames et messieurs les invités, un danger insidieux et plus mortel, guette la Justice et je voudrais ici l’évoquer avec gravité », a-t-il déclaré.
Selon Téssougué depuis un certain temps, des cris d’orfraie se font entendre quand une décision est rendue. « Que chaque décision de Justice entraine d’un côté satisfaction et de l’autre désaveu, est de la nature du procès. Mais de là à se dresser contre l’institution, à tort très souvent, et même si c’était à raison, il y a un risque qui guette la République », a-t-il estimé. Téssougué est convaincu que certains n’attendent même plus la décision, car ils s’estiment, fort de leur condition (argent, rang social ou privilège politique), être au-dessus de la loi.
« Les décisions de Justices peuvent être imparfaites. C’est en cela que dans sa sagacité, le législateur a créé des voies de recours, qui sont ordinaires et extraordinaires. Elles sont à la disposition du justiciables.
La prétendue toute puissante du juge n’existe pas », a-t-il déclaré.
Les menaces à peine voilées de Téssougué
Avant de martelé, mais quand on veut faire l’impasse sur des recours offerts, pour amener le débat sur la place publique et porter atteinte à la dignité d’un corps, alors il est grand temps de dire à chacun, que la loi sera implacable, car « dura lex, sed lex » telle est la maxime et telle devra être son application, pour tous.
Il a rappelé qu’il y a quelque temps, des arrêtés pris par un ministre de la République ont été annulés par la section administrative de la cour suprême, saisi par des requérants.
« Les Maliens se sont battus pour la démocratie et pour l’Etat de droit. En 1990, la même section administrative a annulé des décrets du Président de l’époque, il s’est plié », a-t-il rappelé.
« Avant de dire que de 1991 à 2015, des arrêtés, des décrets par milliers ont été annulés et aucun ministre ou président n’en a fait une offense personnelle, pour la simple et unique raison que l’Etat est un sujet de droit, comme vous et moi », a-t-il indiqué.
« De là, que des associations microscopiques formées dans l’urgence, porte atteinte à la plus haute autorité judiciaire, celle devant laquelle le Président de la République prête serment, il y a des limites qu’il ne faut pas dépasser », menace Téssougué.
Avant de dire que la loi a permis que dans une société civilisée, des mécanismes existent pour régler toutes les questions.
Il a cité Montesquieu qui disait selon lui : « pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. ». Avant d’ajouter que pour faire bonne mesure, l’auteur de l’Esprit des lois disait que « c’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ». Mais, Téssougué s’est vite repris pour dire que ce n’est pas le cas de la Justice. « Cela ne peut même pas être, tant les mécanismes internes à la Justice, sont des garde-fous », a-t-il déclaré.
Evitons les excès, le pays a assez à faire
Il a estimé que le dernier exemple parmi d’autres, c’est cette fronde des banquiers, qui a fait perdre des centaines de millions voire de milliards au pays, une grève des plus inutiles qui puisse être.
« Nous n’insulterons jamais l’action syndicale, l’étant nous-mêmes. Mais la démesure ne sied pas à un syndicat, sinon, il sombre dans un corporatisme qui dessert sa cause. Ce dossier que je n’évoquerais pas ici, secret de l’information oblige, n’a rien de scandaleux », a-t-il ajouté.
Il a révélé qu’il s’est entretenu avec les syndicats des banques et des établissements financiers le 3 novembre 2015 près d’une heure de temps. Avant de dire que si ces messieurs pensent que la pression peut faire céder la justice, alors je leur souhaite du plaisir.
« Ils peuvent dynamiter les banques. Ils rendront compte des désagréments causés aux clients. Ils pourront décréter la fin des banques, alors nous retournerons à la vieille méthode de l’argent dans les marmites. Et puis qu’ils se rassurent, combien sont-ils les maliens à posséder de l’argent au point d’en thésauriser à la banque ? », a-t-il déclaré.
Il a invité à être raisonnables car les maliens doivent montrer une capacité à transcender des difficultés mineures en se parlant franchement et non par des menaces qui n’intimident personnes.
« La procédure va continuer et nul pouvoir n’arrêtera l’action judiciaire », a-t-il indiqué.
Il a estimé qu’après 72 heures de grève, qu’il espère que les employeurs, feront des retenus de salaires. « La Justice poursuivra son travail. Comme on le dit, les chiens aboient, la caravane de la justice passera sans un regard à qui que ce soit », a-t-il dit.
Téssougué a estimé que la Justice n’est guère au-dessus de la critique. Selon lui c’est une œuvre humaine donc perfectible. « Mais user de menaces, d’abus divers pour se donner raison sont des actes condamnables », a-t-il déclaré.
Il a cité un grand penseur. En son temps, Platon dans un excellent ouvrage[2] écrivait : « crois-tu vraiment qu’un Etat puisse subsister, qu’il ne soit pas renversé, lorsque les jugements rendus y sont sans force, lorsque les particuliers peuvent en supprimer l’effet et les détruire ? »
« Alors faisons le constat que ceux qui veulent caporaliser la Justice, veulent à la réalité anéantir l’Etat », est convaincu Téssougué.
Citant un penseur célèbre, évoquant ces influences, Téssougué dira que Aydallot avait eu cette réflexion : « L’intrusion d’influence politique ou économique dans la mission du juge, annihile sa capacité à peser les arguments qui lui sont soumis de sang-froid, de bonne foi, l’empêche d’analyser avec conscience et objectivité les solutions qui s’offrent à lui, afin que la justice rendue soit conforme à la légalité. ».
« Si ces groupes atteignent un tant soit peu leur objectif, alors attendons-nous sans surprise à voir les voleurs, les escrocs, les assassins, les arnaqueurs et tous les délinquants par secteurs d’activités créer leurs associations et marcher sur les tribunaux pour défendre leur cause », a-t-il indiqué.
« Sachons raison garder, car ce pays qui est notre, se construira dans le sacrifice de tous et non par l’édification de privilèges et d’immunités auto-proclamés », a estimé Téssougué.
Il a invité ses collègues magistrats à avoir à l’esprit leur serment. « Cependant, M. le Président et chers collègues magistrats, je vous en conjure ici, sans prétendre un seul instant faire la morale à qui que ce soit, ayons constamment à l’esprit notre serment », a indiqué Téssougué.
Il a rappelé aux magistrats : « Dignité, loyauté, respect et service de la loi, tels sont ces mots que nous prononçons devant Dieu et devant les Hommes ». Avant de les inviter à craindre ce jour où chaque être vivant rendra compte devant le Tout Puissant.
« Faisons en sorte que les critiques et les insinuations s’avèrent erronées », a-t-il conseillé.
Dans l’éthique à Nicomaque, il a rappelé Aristote qui disait : « en la Justice, se résume toute vertu. »
« Puisse ce pays enfin sortir sa tête de l’eau », a-t-il souhaité.
« M. le Président, Honorables membres de la cour. Je requiers qu’il vous plaise déclarer ouverts les travaux de la troisième session de la cour d’assises de Bamako de l’année 2015 », a-t-il conclu.