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Ibrahim Boubacar Keïta : « La communauté internationale oblige le Mali à négocier avec un groupe armé »

mercredi 4 décembre 2013, par Assane Koné

En France pour participer au Sommet de l’Elysée sur l’Afrique qui aura lieu du 6 au 7 décembre 2013, IBK a accordé une interview au journal Le Monde.fr. Lisez !
Vous êtes en France pour participer au sommet de l’Elysée sur l’Afrique, les 6 et 7 décembre. Tenir un tel sommet, à Paris en 2013, n’est-ce pas du néocolonialisme ?

Ibrahim Boubacar Keïta : Si c’était le cas, je ne serai pas là. Je ne crois pas non plus que cela soit l’intention de François Hollande que je connais depuis une trentaine d’années. Il y a des problèmes de sécurité en Afrique qui interpellent l’ensemble de la communauté internationale. La France agit en conformité avec sa vocation, sans aucune forme de paternalisme inacceptable, ni de néocolonialisme qui n’auraient aucune chance de prospérer aujourd’hui.

A quoi va servir ce sommet de l’Elysée sur l’Afrique ?

D’abord, il a le mérite de se tenir, de rappeler que sans la paix et la sécurité, tout le reste est vain. Nous avons de vastes problèmes de développement, il faut presque tout reprendre de zéro. Nous devons d’abord stabiliser nos pays et résoudre la question de l’Etat-nation. Aujourd’hui, ce vivre-ensemble est remis en cause de façon brutale au Mali. Même si nous avons été préparés par des crises cycliques d’irrédentisme, nous ne comprenons pas l’acuité qu’elles ont prise, avec cette revendication d’indépendance qui n’est assumée que par une infime minorité de la communauté en question.

Considérez-vous que le Mali est un pays sous tutelle internationale et jusqu’à quand les forces étrangères ont-elles vocation à rester sur le territoire malien ?

Le Mali ne sera jamais un pays sous tutelle et je ne serai jamais un président fantoche. Ces troupes ont vocation à aider le Mali à recouvrer son intégrité territoriale et sa souveraineté. Nous assistons, hélas, à une situation où la présence de ces troupes a empêché le Mali de rétablir l’autorité de l’Etat à Kidal, alors qu’il l’a fait à Gao et à Tombouctou.

Pensez-vous que la France a commis une erreur en nouant des contacts avec le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) ?

Ce sont plus que des contacts, je suis très bien informé. Je ne peux imputer cette doctrine à François Hollande car je note avec bonheur que ce comportement est en train de changer de manière drastique. Nous ne comprendrions pas qu’il en soit autrement. L’armée malienne, cantonnée dans un fortin, ne pouvait pas circuler dans Kidal, où il y a eu une épuration ethnique. Tous ceux avec la peau noire ont été priés de quitter la ville. Cela, on ne le dit pas.

Selon vous, la France n’a plus de contacts avec le MNLA ?

Je n’ai pas dit cela. Nous-mêmes avons des contacts avec le MNLA. Mais la tragédie de l’assassinat des deux journalistes de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, le 2 novembre, qui m’a révolté et ému au plus profond de mon être, nous amène à nous interroger. Claude et Ghislaine sortaient d’un entretien avec le maître de Kidal, Ambeiry ag-Ghissa. Leurs ravisseurs ont franchi quatre barrages et sont repartis en retraversant les mêmes barrages, on se pose forcément des questions.
Si l’armée malienne avait été là, libre de ses mouvements, je pense qu’il en aurait été autrement. Laisser croire qu’un soutien au MNLA peut conduire à résoudre des prises d’otages est d’une naïveté déconcertante. La communauté internationale nous oblige à négocier sur notre sol avec des gens qui ont pris des armes contre l’Etat. Je rappelle que nous sommes un pays indépendant. L’Etat malien est contraint de négocier avec un groupe armé qui s’en vante, dans quelle comedia dell’arte sommes-nous ?

Le Monde.fr | Propos recueillis par Charlotte Bozonnet et Yves-Michel Riols

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