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BAMAKO SOUS LA MENACE DES ORDURES : Incapable de rendre la ville propre, Ozone-Mali veut licencier 275 agents
lundi 9 septembre 2019, par
Ozone-Mali est une société marocaine spécialisée dans le ramassage des ordures, le balayage des rues et des trottoirs et l’évacuation des déchets dans le district de Bamako. Implantée au Mali depuis février 2015, Ozone-Mali a du mal à satisfaire les bamakois. Entre les saletés qui jonchent les rues de Bamako à cause de son incapacité et les mauvaises conditions de ses travailleurs, Ozone-Mali ne cesse d’être la cible de nombreuses critiques.
En partenariat avec la Mairie du District de Bamako, Ozone-Mali a pour mission de rendre propre la capitale du Mali, la ville des 3 caïmans. Mais, cette société a eu des moments très difficiles. Elle a enregistré un retard de payement de ses prestations de la part du gouvernement. Si hier, elle pouvait dénoncer ce retard de payement. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Elle est rentrée en possession de tous ses arriérés qui atteignaient 20 milliard de francs CFA.
Avec 9 milliards de FCFA mis annuellement à la disposition de Ozone-Mali, nombreux sont les bamakois qui pensent que la ville devait avoir fière allure. Mais, hélas, les ordures persistent et Bamako reste une ville très salle. Ce constat nous amène à nous poser la question de savoir la raison pour laquelle l’Etat du Mali, à travers la Mairie du District de Bamako, s’entête à embarquer les bamakois dans cette initiative qui crée plus de problèmes, sans capacité de les solutionner ?
C’est face à une telle problématique, qu’il nous est donné de constater que ce vendredi 30 août 2019, à Niarela, aux environ de 9h, une foultitude d’agents de Ozone-Mali, en provenance de leur direction sise au quartier Sans-fil, se dirigeant sur le marché « dibida » pour interdire à d’autres agents de travailler. Dans le souci de mieux comprendre ce qui pouvait pousser des chefs et des mères de familles à un tel comportement dans la rue, nous nous sommes rendus à la Direction de Ozone-Mali, où régnait un tohu-bohu inexplicable. La cour remplie d’hommes et de femmes submergés de colères, avait l’allure d’un espace qui ne tarderait pas à se transformer en champ de bataille.
Eric Togola, l’un des responsables syndicaux de Ozone-Mali, n’est pas passé par 4 chemins pour nous faire comprendre que cette manifestation a été initiée pour exiger de mettre dans leurs droits 275 agents dont le licenciement est injustifié. « Hier, nos responsables marocains sont venus nous voir pour nous dire qu’ils vont mettre fin au contrat de 275 agents pour motif économique », a-t-il révélé. Avant d’ajouter que ce sont ces agents, des balayeurs et des chauffeurs, qui sont venus montrer leur mécontentement pour cet acte qu’ils qualifient de licenciement abusif.
Éric Togola dira que les maliens travailleurs de la société Ozone-Mali sont victimes d’injustice. Selon lui, le motif économique avancé est faux et archi faux. « Ozone-Mali doit normalement employer jusqu’à 1387 agents, chiffres qui jusqu’ici n’est pas atteint, alors pourquoi ces licenciements ? », s’est-t-il interrogé. Pour ce chef syndicaliste ce licenciement abusif serait l’œuvre du nouveau directeur des ressources humaines qui a estimé qu’Ozone-Mali manque de fonds. « Il est venu avec des stratégies comme quoi un agent doit couvrir 1 à 1,5 kilomètres. Et, cela n’est pas du goût des travailleurs, parce que trop harassant », a-t-il précisé. Avant de déclarer que le motif économique avancé par sa société est un gros mensonge facile à éventrer. Et, plus grave, Eric Togola dira qu’ils sont arrivés à constater qu’après le licenciement d’un travailleur malien, Ozone-Mali fait appel à un travailleur marocain pour le remplacer. Et, ce dernier bénéficie de plus de conditions que ses collègues maliens. Selon lui, la société lui affecte une moto, un salaire plus élevé et des équipements adéquats. « Ils ont fait venir des agents marocains qui sont mieux payés que nous et mis dans des meilleures conditions de travail », a-t-il dénoncé.
Il dira qu’en principe, chaque superviseur doit avoir une moto et un téléphone. Avant de regretter le fait que lorsque les superviseurs de nationalité marocaine sont dotés de motos et de téléphones, leurs collègues maliens n’en on pas. Et, pour conclure, il dira que « nos responsables marocains refusent de discuter avec nous. Ils sont prêts à nous licencier parce qu’ils savent qu’il n’y aura pas de conséquences ».
C’est dans cette ambiance surchauffée que Adama Koné, le secrétaire aux revendications du comité syndicale de Ozone-Mali, va s’étendre sur les conditions de travail déplorables au niveau de Ozone-Mali. « Les responsables de Ozone-Mali se sont mis dans la logique d’exploiter les travailleurs maliens », a-t-il déclaré. Avant de révéler, qu’en plus des retards de payement, les travailleurs constatent régulièrement des coupes sur leur salaire. Selon lui, un chauffeur qui est payé à 75 000 FCFA par mois, perd souvent jusqu’à 20 000 FCFA.
De son côté, Bourama, un travailleur de Ozone-Mali, très remonté contre les responsables de sa boîte, dira que les travailleurs maliens vivent une injustice inexplicable. « Avec un salaire de misère et sans primes, les travailleurs doivent se contenter d’un contrat à durée déterminée », a-t-il indiqué. Selon lui, après trois ans d’activités, les travailleurs devaient être à mesure d’avoir des contrats à durée indéterminée.
A notre passage, nous avons vu des manifestants qui déploraient leurs conditions de vie et de travail que certains parmi eux ont qualifié d’esclavagistes. Selon eux, c’est inconcevable que les agents maliens qui sont commis au nettoyage de la ville, manquent de tout : les chaussures adéquates, les balaies et autres gants... Ils ont à l’unisson dénoncé avec ferveur le retard des salaires, l’absence de l’assurance maladie obligatoire, l’absence d’un contrat fort et durable, les licenciements abusifs et sans motif ainsi que la différence de conditions entre eux et les marocains qui travaillent au sein de cette société.
Enfin, les manifestants ont sollicité l’aide du gouvernement malien, pour que Ozone-Mali puisse les mettre dans leurs droits. Mais, surtout, ils ont exigé que tout soit mis en œuvre pour que les 275 travailleurs abusivement licenciés, soient mis dans leurs droits par leur réintégration dans leurs activités au sein de la boîte. « Nous voulons que tous les agents de Ozone-Mali puissent bénéficier de meilleures conditions de travail afin de garantir la propreté dans les rues de Bamako », ont-t-ils conclu notre entretien.
Modibo Kane SIDIBE
(Stagiaire)
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