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Sissoko Cheick Oumar à l’occasion de la Journée du cinéma africain : « Comme nos pays, le cinéma africain est encore profondément handicapé dans son développement »

mardi 13 octobre 2015, par Assane Koné

« L’image, devenue le médium par excellence de la communication sociale, n’est pas encore une priorité pour le continent qui se trouve désormais, dans l’extrême urgence de forger à tout prix, ses capacités autonomes de production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, reflétant sa propre vision du monde, son histoire, son imaginaire et ses valeurs. ». Cette phrase tirée de la déclaration de Sissoko Cheick Oumar, Secrétaire Général de la fédération panafricaine des cinéastes (FEPACI), à l’occasion de la journée du 12 octobre, journée du cinéma africain, marque les enjeux de la promotion cinématographique en Afrique. Lisez l’intégralité de la déclaration de Sissoko, Cheick Oumar.

Le cinéma africain a l’âge de nos indépendances. Comme nos pays, il est encore profondément handicapé dans son développement. Le public des salles qui se font rares, et des télévisions est consommateur à 90% de films faits ailleurs, de films qui l’éloignent chaque jour davantage de sa propre réalité.

Cette situation devient de plus en plus dramatique, car la suprématie des films étrangers dans les salles de cinéma, est massivement relayée par le déferlement d’images diffusées sur les chaînes publiques et privées de télévision.

Les enfants africains des villes et aussi des campagnes sont quotidiennement soumis à la pression mentale, psychologique et culturelle des séries, feuilletons, téléfilms, sitcoms, dessins animés, clips de toutes sortes dans lesquels la violence, le crime, le sexe, le désir de puissance, et le pouvoir de l’argent constituent les contenus de base.

Dans un tel environnement, la jeunesse perd complètement ses repères familiaux, sociaux, culturels. Elle devient incapable de réfléchir et de comprendre les phénomènes qui déterminent l’évolution de nos sociétés où elle doit pourtant inscrire son histoire et son destin. Une profonde acculturation dont les dommages sont incalculables s’enracine progressivement dans nos mœurs.

Les contes, les mythes, les légendes, les langues et donc les traditions populaires si riches d’Afrique meurent peu à peu sous nos yeux. Leur transmission n’est plus assurée par le moyen habituel de la parole.

L’image, devenue le médium par excellence de la communication sociale, n’est pas encore une priorité pour le continent qui se trouve désormais, dans l’extrême urgence de forger à tout prix, ses capacités autonomes de production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles, reflétant sa propre vision du monde, son histoire, son imaginaire et ses valeurs.

Il s’agit là d’une nécessité vitale pour l’Afrique, mais aussi pour le reste du monde qui perdrait beaucoup à ne pas s’enrichir de l’apport spécifique de ce continent dont les civilisations portent des valeurs à vocation universelle et une part du destin de l’humanité.

La FEPACI – fédération panafricaine des cinéastes – qui regroupe les cinéastes du continent et de la diaspora avec leurs associations nationales, propose un programme de développement et de renforcement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle à l’échelle du continent.

Ce programme répond aux besoins de structurer l’économie du 7e art, par la professionnalisation et le renforcement de ses capacités de formation, de production, de distribution dans les salles d’une part, et d’autre part de diffusion et de coproduction avec les télévisions publiques et privées. La professionnalisation envisagée dans une logique de métiers, vise à développer les structures, les compétences, les savoir-faire des différents opérateurs, pour une production d’œuvres de qualité.

L’étroitesse du marché africain, liée à l’absence de « milieux sociologiques porteurs » dans un contexte où l’urbanisation n’a pas toujours été synonyme d’augmentation du niveau de vie des populations, et l’insuffisance de la structuration de l’économie de la culture, sous le rapport des circuits commerciaux de distribution et de diffusion des produits, sont des contraintes qui impliquent des urgences.

Pour répondre à ces urgences, la FEPACI, son Bureau Fédéral et le Secrétariat exécutif travaillent sur 4 fronts :

1 – la création d’un fonds panafricain pour le cinéma et l’audiovisuel.

Le Président Abdou Diouf alors Secrétaire Général de l’OIF s’y était résolument engagé sur notre demande depuis 2010, pour nous aider à créer cette institution essentielle. Les bases organisationnelles et juridiques ont pu ainsi être définies.

2 – l’élaboration d’un business plan est en cours pour la recherche de financement nécessaire au programme de développement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle africaine, en tenant compte bien sûr de l’existant. Les principaux points concernent :

  Une école de haut niveau dans chacune des régions du continent et dans la diaspora pour la formation des jeunes et le renforcement des capacités.
  Une structure de postproduction professionnelle au moins dans chacune des régions du continent et dans la diaspora. Nous ne pouvons pas continuer à aller finir nos films à l’extérieur.
  Des sociétés de production, de distribution et des salles de cinéma.
  La production de films de qualité.

3 –la préparation en collaboration avec l’Union Africaine de l’Etat de l’Industrie

Cinématographique et Audiovisuelle en Afrique. Le document final doit être présenté au prochain Sommet des Chefs d’Etat prévu le 26 janvier 2016 à Addis-Abeba. L’objectif est de rendre effective la décision prise au Sommet de Maputo en 2003. Cette décision portait sur la création de 2 institutions :

  une Commission Africaine pour le Cinéma et l’Audiovisuel ;
  un Fonds de promotion du Cinéma Africain.
 
4 – l’ouverture d’une structure de communication au siège fédéral à Ouagadougou.

Ces objectifs sont à notre portée. Ils sont le fait du bureau fédéral qui les a clairement définis en février dernier à Nairobi, pour le Secrétaire Général, les 17 Secrétaires Régionaux et le Secrétariat Exécutif basé à Nairobi. Leur réalisation est absolument liée à la mobilisation générale des Cinéastes, de leurs Associations Nationales. Nous pouvons ensemble arriver à développer notre secteur comme nous l’avons toujours fait avec souvent nos propres moyens et surtout notre intelligence. Il nous faut être solidaire pour convaincre nos États qu’il est urgent que des efforts soient entrepris pour appuyer l’émergence et le développement de capacités endogènes de production d’images.

Le dernier mot revient à nos Illustres Pionniers qui nous ont ouverts la grande porte de l’écriture cinématographique. Leurs engagements et leurs combats étaient motivés par cette phrase, je cite : « L’image comme mise en évidence de la réalité et de la conscience collective, constitue un facteur déterminant de prise en main de leur destin par les peuples du Sud et particulièrement ceux de l’Afrique. »

Bonne Journée du Cinéma Africain
Le Secrétaire Général : Sissoko Cheick Oumar

Les Secrétaires Régionaux : Ahmed Atef – Egypte ; Abdenour Zahzah– Algérie ; Cheikh NGaido Ba – Sénégal ; Mariama Camara – Guinée Conakry ; Emmanuel Sanon – Burkina Faso ; Fidelis Ducker – Nigeria ; Patrick Kuba Badianjile – RDC ; Cyril Danin – Tchad ; Abraham Haile Biru – Ethiopie ; Maria Sarungi – Tanzanie ; Mohamed Said-Ouma – Comores ; Basile Dube – Afrique du Sud ; Abius Akwaake – Namibie ; Jean-Pierre Bekolo – France ; Asha Lovelace – Trinidad ; Aboubacar Sanogo – Canada ; Joel Zito Araujo – Brésil.
Le Secrétariat Exécutif : Jane Munene – Kenya ; Maurice Muyimi – Kenya

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