La dernière Biennale Artistique et Culturelle du Mali s’est tenue en 2023 à Mopti et a comblé bien des attentes, des espoirs.

Les plus hautes autorités de notre pays se sont donc prononcées pour l’organisation en à Tombouctou du prochain rendez-vous. Le défi d’une œuvre majuscule de développement est ainsi lancé à la cité des 333 Saints, inscrite sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1988. Cela à déclencher une effervescence totale particulièrement dans la région de Tombouctou.

BIENVENUE A LA MASCOTTE À TOMBOUCTOU

Après divers effets d’annonce qui ont déferlé la chronique, la cérémonie de remise officielle de la mascotte s’est déroulée à la place de l’Indépendance le dimanche 4 août 2024,

L’événement a été celui des grands jours et s’est placé au centre de la dynamique de la construction d’une nation malienne paisible et réconciliée avec elle-même. La ferveur a été vivement ressentie, se conformant à l’esprit du célèbre proverbe soudanais selon lequel le sel vint du Nord, l’or du Sud et l’argent du pays des Blancs. Mais les paroles de Dieu, les choses saintes, les histoires savantes et les contes polis, on ne les trouve qu’à Tombouctou

BREF RAPPEL HISTORIQUE

Terre d’accueil, d’hospitalité légendaire, carrefour de brillantes civilisations multiséculaires, lanterne qui a toujours éclairé le Sahara, le plus grand et le plus aride désert du monde, Tombouctou, ville de renommée mondiale, aurait été fondée au cinquième siècle de l’Hégire, aux environs du XI^e siècle, vers l’an 1010.

Elle a imposé le respect et la fascination au fil des siècles grâce à sa grande érudition, à son riche patrimoine matériel et immatériel, à précieux anciens, à ses vieilles mosquées situées dans la médina (Djingarey Ber, Sonkoré, Sidi Yéhia). Les populations partagent un islam tolérant, modéré.

C’est au XV^e siècle que Tombouctou a connu son apogée. L’Université de Sankoré rayonnait sur le plan intellectuel en dispensant des enseignements de qualité à près de 25.000 étudiants venus de de tous âges et de tous horizons.

Cependant, la ville a fait objet de moult convoitises, a subi toutes sortes de dominations tout au long de son histoire.

Mais auréolée de son passé prestigieux, elle affiche un réel espoir de tourner vers un avenir prometteur. Exposée de nos jours à l’avancée foudroyante du désert, à un environnement difficile et contraignant. Tombouctou a besoin d’un second souffle pour la relance de son essor socio-économique, pour remodeler son destin sous les meilleurs auspices.

La volonté unanime de relever le défi de l’organisation de la Biennale Artistique et Culturelle de 2025 et de gagner le pari de sa réussite répond à un noble objectif, celui d’asseoir davantage la visibilité et l’ancrage de la paix et de la réconciliation dans une société multi raciale, multiethnique, ayant payé de lourds tributs ces dernières années à cause du caractère récurrent de la crise sécuritaire.

APERCU SUR LES US, LES MEURS, L’ARTISANAT

De nombreuses ethnies vivent à Tombouctou et les habitants, issus de brassages, de métissages au fil des générations, parlent plusieurs langues. Chaque communauté a ses propres traditions et son histoire.

APERCU SUR LES US, LES MEURS, L’ARTISANAT

De nombreuses ethnies vivent à Tombouctou et les habitants, issus de brassages, de métissages au fil des générations, parlent plusieurs langues. Chaque communauté a ses propres traditions et son histoire.

Les populations, toutes souches confondues, jouissent d’un grand esprit d’ouverture, de partage, de solidarité, de générosité et l’étranger fait l’objet d’une considération spéciale. La grande richesse et la diversité de la culture, des modes de vie se constatent sur place au quotidien.

La musique traditionnelle et moderne est marquée par les traces indélébiles de talentueuses vedettes disparues au nombre desquelles figurent Aïssa Lamir. Kadja Koumbadjé, Fatouma Arafa, Habbouza, Kaira Arby, Samba « Tiébao », Sidi Bouhaya et bien d’autres artistes restés dans l’anonymat. Nous nous inclinons devant leur mémoire et devant celle d’émérites compositeurs dont Alphadi Sanogo, Kolado Sidibé, Sandi Bouya, Attalib Alpha Cissé, Mamadou Alpha, Allimam Tapha, nous en passons...

Les thèmes les plus variés, les plus divers sont abordés : épopées guerrières, chants religieux, louanges des grands personnages, idylles amoureuses, sujets philosophiques et moraux, etc

TOMBOUCTOU, CENTRE DE L’UNIVERS

La plupart des autochtones sont convaincus que leur cité mystérieuse est depuis longtemps au centre de l’univers. Déjà au XIV^e siècle, un ressortissant très porté sur le sens de l’image et de la couleur, présentait

Tombouctou comme une ville exquise, pure, délicieuse, illustre, une cité bénie, plantureuse et animée. De merveilleuses danses pittoresques se découvrent à Tombouctou : le barbara, le hala, le dinba, le diaba, le boy ré ou danse majestueuse des femmes. La gastronomie locale, très variée et riche, est connue et appréciée de facto, de même que les produits artisanaux (bijoux en argent, coussins en peau de chèvres et de chameaux, tissus, vannerie, couteaux, sabres, chaussures, haute broderie, maroquinerie). Aujourd’hui encore le nom de Tombouctou prête au rêve pour avoir reflété dans l’imaginaire collectif des

mythes, des réalités et des spécificités d’une dimension extraordinaire. Bien de personnes ignorent combien les Tombouctiens sont fiers de leur appartenance à leur cité et se préoccupent de son image de marque vivante.

ÉVÉNEMENTS RÉCENTS DE HAUTE PORTÉE

Tombouctou se plait dans sa vocation de terre de rencontres pour avoir accueilli récemment des événements remarquables dont les manifestations culturelles de Tombouctou 2000, l’université ouverte des cinq continents en novembre 2005, la commémoration des fêtes de Maouloud 2006, l’organisation de prières collectives du monde musulman en avril 2006, Tombouctou, capitale de la Culture islamique de la région Afrique pour l’année de célébration 2006, Tombouctou, l’une des finalistes des Nouvelles Sept Merveilles du Monde en 2007, des retrouvailles grandioses de l’ Association des Communautés ayant en partage la langue Songhay (Ir Ganda) en décembre 2019.

Elle est un fleuron, le fer de lance de diverses activités : tenue annuelle de conférences débats de haut niveau lors des cérémonies de commémoration des fêtes annuelles du Maouloud, organisation de prières collectives au crépuscule sur la place de Sankoré, clôturant la fin du Maouloud. Des journées culturelles organisées, çà et là, des colloques, séminaires de haut niveau, de nombreuses séances de lecture panégyrique, occasionnent des débats, des échanges fructueux sur les relations humaines de base, d’union, les vraies valeurs socio culturelles à la tombouctienne

UNE PAGE SOMBRE : LES EXACTIONS ET STIGMATES DE 2012

Meurtrie, Tombouctou déplore une page sombre de son histoire, des blessures de trop, survenues lors de l’occupation du nord du Mali par divers groupes armés en 2012. La destruction d’une bonne partie de son précieux trésor patrimonial (matériel et immatériel) dont certains célèbres manuscrits anciens, des mausolées des Saints, le monument Al Farouk constitue un souvenir amer.

Mais dans l’émergence des bonnes et justes causes, les populations pleines d’engagement, de dévouement, restent motivées par leurs prédispositions naturelles à se rencontrer, à se comprendre et à s’ouvrir les unes aux autres. C’est la caractéristique essentielle de la cité mystérieuse pour ne pas dire la cité lumineuse, gage de succès.

Ainsi, l’étoile de Tombouctou va encore briller longtemps.

Vivement la Biennale Artistique et Culturelle 2025 au service de la coexistence pacifique et de l’entente, des passages incontournables de tout épanouissement, de tout développement harmonieux et durable !

Par Chirfi Moulaye HAIDARA,
Chercheur et Ecrivain
Officier de l’Ordre National