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Naufrages de migrants en Mer Méditerranée : L’Association malienne des expulsés accuse les politiques de l’Union Européenne

jeudi 7 mai 2015, par Assane Koné

Face aux milliers de sud africains qui meurent depuis des mois dans la méditerranée, pratiquement sans que cela ne meut l’occident, l’Association malienne des expulsés (AME) au cours d’une conférence de presse, est montée au créneau. Sans hésitation, elle a accusé l’Union européenne dont les politiques seraient à la base de ce drame humain. Voici la déclaration lue lors de cette conférence de presse animée par Ousmane Diarra, Président de l’AME.

Le naufrage de milliers de migrants dans la Mer Méditerranée depuis la chute du régime de Kadhafi est indissociable des politiques de l’UE en matière de migration et d’asile. Le durcissement des mesures d’accès légales au territoire européen contribue logiquement au développement des filières d’immigration clandestines.

La médiatisation des évènements dramatiques de Ceuta et Melilla ainsi que les départs des pirogues des côtes Sénégalaises et Mauritaniennes, visait à alimenter la représentation d’une vision de « l’invasion de l’Europe par des hordes africaines ». Le but final à atteindre est de légitimer la fermeture des frontières de l’Europe, par la mise en place d’un arsenal politique, juridique et technique qui empêche les migrants de quitter le sol africain. Ce mythe de l’invasion fabriqué par les gouvernements de l’UE est contraire à la réalité de la situation des migrations africaines. La majorité des migrants subsahariens (69%) migre avant tout vers un pays voisin, 86% des migrations ouest-africaine sont intra-régionales. Tandis que le nombre de migrants subsahariens en Europe est très marginal, en 2004 ils représentaient 1/10 des immigrés en France.

Commencée en 1985, par la ratification des Accords de Schengen la politique européenne d’immigration délimite un espace clos de libre circulation qui s’externalise en 2004 avec le programme de la Haye visant à transférer aux pays du sud non membres de l’UE le contrôle des frontières. Cela s’est concrètement manifesté par la mise en œuvre du Corps des Officiers de liaison d’immigration, de sanctions contre les compagnies de transport aériennes, terrestres et maritimes transportant des passagers dépourvus de pièces d’identité ou de visas valides. En 2005, est mise en place l’Agence Européenne pour la Gestion de la Coopération Opérationnelle aux Frontières Extérieures : le FRONTEX.

Cet outil stratégique de la politique d’externalisation de la gestion des flux migratoires vise prioritairement à contrôler les frontières extérieures maritimes, terrestres et aériennes les plus exposées au « flux d’immigration clandestine » ; surveiller les frontières de l’UE afin de renvoyer les ressortissants des pays tiers hors du territoire de l’UE ; organiser le retour groupé des étrangers en situation irrégulière de plusieurs pays membres de l’UE.

Avec un budget en constante augmentation, de 6,3 Millions £ en 2005 à 87 Millions £ en 2010 ; FRONTEX s’est doté de 26 hélicoptères ; 22 avions légers ; 114 navires équipés de 476 radars et cameras sophistiqués pour intervenir aux Iles –Canaries à Lampedusa en Mauritanie au Sénégal et en Libye.

Se cachant derrière l’argumentaire, d’éviter les risques de traversées trop dangereuses en arrachant les migrants des mains des passeurs ; l’UE a établi le contrôle des frontières comme base principale de dialogue avec les pays qui l’entourent sans considération de l’existence de régime démocratique ou de respect des droits de l’Homme.

Le cas Libyen est édifiant à plus d’un titre, déjà en 2003 l’Italie s’est engagée avec la Libye dans un programme d’assistance policière et militaire dénommée SAHAMED pour lutter contre l’immigration irrégulière au Sahara et dans la Méditerranée. C’est ainsi que la Libye sous Kadhafi est devenu un pays clé du dispositif de blocage des migrants hors des frontières de l’UE. Entre 2003 et 2005, les autorités Libyennes ont rapatrié plus de 145 000 migrants. Selon le réseau MIGREUROP 20 centres de rétention ont été identifiés en Libye en 2009 alors qu’en 2007 plus de 60 000 migrants ont séjourné dans ces camps en violation totale des règles fondamentales des droits de l’Homme ; pas de contrôle et d’assistance juridique ; ni de possibilité de demande d’asile.

A la chute du régime de Kadhafi en septembre 2011, le verrou libyen céda et tout s’amplifia avec la crise sociopolitique et sécuritaire au Mali, pays carrefour entre le Maghreb et l’Afrique noire. C’est ainsi que tous les réseaux d’immigration clandestine de la corne de l’Afrique ; du Moyen Orient crise Syrienne est passée par là ; de l’Irak et d’Afghanistan convergent vers les côtes libyennes situées à moins de 200Km de l’Italie. L’UE a toujours occulté les solutions pérennes du problème pour se focaliser sur des artifices politico- médiatique comme Mare Sturm de l’Italie ou Triton de l’UE. Le paradoxe de cette situation est que l’Italie seule a mobilisé en un an 9 millions£ pour endiguer le flux venant de la Libye ; tandis que l’UE mobilisait le 1/3 soit 3 millions £ pour remplacer Mare Sturm. Il fallu le naufrage de 800 migrants pour éveiller la conscience des responsables de l’UE dont le show médiatique déboucha sur la reconduite du montant de l’opération italienne. Au même moment les responsables Africains se sont murés dans un silence plus que coupable. Parmi les quelques 5000 migrants morts en Méditerranée recensés en 03 ans on dénombre près de 100 Maliens originaires principalement de la région de Kayes.

Face à ce triste constat, l’AME interpelle les plus hautes autorités nationales, celles de l’UE et des organisations internationales notamment le Secrétaire des Nations Unies de sauvegarder le caractère sacré de la vie humaine.

Il est encore temps pour les pays Africains partenaires de l’UE d’abandonner les textes de loi hypocrites qui criminalisent l’émigration et l’immigration dite « clandestine » et toute aide à cette activité. Ces dispositions sont contraires à la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme qui consacre pour tout être humain « le droit de quitter tout pays, y compris le sien et de revenir dans son pays ».

La menace de l’invasion et du terrorisme ne doit pas justifier l’enfermement des pays de l’UE, tout en mettant sous pression politique, économique et diplomatique les pays tiers pour lutter efficacement contre les migrations irrégulières.

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