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NOBEL ALTERNATIF : Le Burkinabè Yacouba Sawadogo lauréat

mercredi 3 octobre 2018, par Assane Koné

On dit de lui qu’il est « l’homme qui arrête le désert ». Grâce à une technique ancestrale, le zaï, Yacouba Sawadogo a rendu la verdure à toute une région désertique du Burkina Faso.

C’est en revisitant une technique ancestrale, le zaï, que Yacouba Sawadogo a réussi à préparer le sol en saison sèche en creusant des trous, pour emprisonner du compost et retenir l’eau de pluie.

Jean Gionio en avait tracé une sublime esquisse dans la nouvelle. L’homme qui plantait des arbres, parue, en 1954, un manifeste écologique reconnu à travers le monde entier avec son personnage principal, Elzéard Bouffier, un berger amoureux de sa région de Haute-Provence en proie à la désertification, lequel va planter des arbres par milliers pour arrêter le phénomène.

Le parallèle est saisissant avec l’histoire de Yacouba Sawadogo. Ce Burkinabè de quatre-vingt (80) ans a reçu, ce 25 septembre à Stockholm, le Right Livelihood Award 2018, plus connu sous le nom de prix Nobel alternatif.

Yacouba Sawadogo est récompensé pour son combat contre l’avancée du désert au Sahel. Champion de la terre, il mérite bien les 300 000 euros environ qui accompagnent ce prix octroyé par Right Livelihood.

Un engagement né dans les années 1980

Né à la fin des années 1930 dans la province de Yatenga, dans le Nord du Burkina Faso, Yacouba Sawadogo a d’abord fréquenté une école coranique au Mali avant de retourner dans son village natal pour travailler comme vendeur sur un marché local. À cette époque, il ne savait pas que son monde était sur le point de changer radicalement.

En 1980, de graves sécheresses ont sévi dans la région provoquant une chute drastique des rendements agricoles. Il s’en est suivi un douloureux épisode de famine pour les populations. Ceux qui ont pu partir ont choisi de quitter la région, pas Yacouba Sawadogo. Il est resté, déterminé à trouver une solution à cette situation de crise.

Ces techniques « ancestrales » que l’Afrique redécouvre

C’est alors qu’il s’est mis à planter un arbre, puis deux, puis quatre, puis bientôt une centaine selon une approche ancestrale, le zaï ou cordon pierreux. La technique consiste à dresser de petites barrières rocailleuses afin de freiner le ruissellement de l’eau, ce qui permet à cette dernière de « s’infiltrer » dans le sol, et à la terre de ne pas glisser en aval.

Des trous garnis d’engrais sont ensuite creusés près des pierres. La plante, mieux alimentée, peut ainsi pousser même en saison sèche et sur n’importe quel sol. En tout, il a réussi à créer une forêt de près de quarante (40) hectares sur des terres autrefois stériles et abandonnées.

Aujourd’hui, il possède plus de soixante (60) espèces d’arbres et d’arbustes dans ce qui est considéré comme l’une des forêts les plus diverses plantées et gérées par un agriculteur du Sahel.

Malgré la résistance des habitants au début, Sawadogo était appelé le « fou » et a vu sa forêt incendiée, il n’a jamais envisagé d’abandonner. Au fil du temps, paysans, ONG locales, organisations internationales sont venus observer son travail.

En trente (30) ans, le Burkina Faso a réussi, grâce à des techniques simples, à regagner près de 3.000 km2 sur le Sahel.

« Yacouba Sawadogo s’est engagé à arrêter le désert, et il l’a fait. Si les communautés locales et les experts internationaux sont prêts à tirer des leçons de sa sagesse, il sera possible de régénérer de vastes zones de terres dégradées, de réduire la migration forcée et de construire la paix au Sahel », témoigne Ole von Uexkull, directrice exécutive du Right Livelihood Award Fondations.

Déjà plus de 3.000 km2 de cultures gagnés sur le désert

Au-delà de cette réussite, Yacouba Sawadogo s’est lancé dans l’organisation de formations et a permis aux agriculteurs de régénérer leurs terres et retrouver leur productivité, du Burkina Faso au Niger en passant par le Mali et la Côte d’Ivoire.

En 2016, on estime que la technique du zaï a permis de restaurer la capacité de production de dizaines de milliers d’hectares dans les seules provinces du Yatenga et de Gourcy au Burkina Faso.

« Je ne veux pas manger aujourd’hui et laisser les générations futures sans rien à manger. Le travail que je fais est de créer les graines de la richesse, pas seulement pour le Burkina Faso, mais pour beaucoup d’autres pays », se réjouit Yacouba Sawadogo, conscient que le chemin à parcourir est encore long. Surtout depuis que son projet est menacé par l’expansion de la ville voisine de Ouahigouya.
En effet, Sawadogo ne possédant pas les terres qu’il a régénérées, il voit de plus en plus de nouvelles maisons construites en bordure de sa forêt.

Inspirant

Pour l’heure, sa plus grande fierté est d’inspirer de plus en plus de jeunes. Un message fort qui aide le pays à lutter contre les migrations. Un exode qui aura d’autant moins de raison d’être si les campagnes gardent leur attrait pour la jeunesse burkinabè, dans un pays, où 60% des 17 millions d’habitants ont moins de vingt-cinq (25) ans. Sait-on jamais ?

Avec d’autres techniques de régénération naturelle découvertes par les agriculteurs, le zaï pourrait devenir un symbole de ce qui peut aider à fixer les populations sur place et, pourquoi pas, faire renaître des vocations.

Le Point Afrique


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