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Les rêves d’Awa Sangho, ex-Go en solo : Ala Ta, premier album de la chanteuse malienne

dimanche 12 mai 2024, par Assane Koné

Écrire la première page de l’après-Go de Koteba, sur le plan discographique, aura pris presque huit ans à Awa Sangho. Avec l’album Ala Ta, la chanteuse malienne formée au sein du réputé Ensemble de Koteba entame une nouvelle étape de sa carrière, tant en termes artistiques que géographiques, puisqu’elle vit depuis plusieurs années aux États-Unis.

Il y a quelques semaines, à l’occasion de l’édition 2016 du Marché des arts du spectacle africain (Masa), Awa Sangho était de retour en Côte d’Ivoire. À Abidjan, elle fait presque figure d’enfant du pays, tant son nom reste associé aux Go de Koteba.

Ce trio, devenu duo par la suite, l’a révélé dans les années 90, avec une musique afro-pop mandingue, et s’est fait une solide réputation sur la scène des musiques africaines. Désormais, c’est sous son identité que la chanteuse se produit, avec en guise de carte de visite, l’album Ala Ta.

À l’image de son auteur, il a "bourlingué", en grande partie entre le Mali et les États-Unis. Il a aussi beaucoup mijoté. "Même quand j’étais dans mon ancien groupe, les Go, j’y pensais", assure Awa. La réflexion s’intensifie quand elle décide, à la fin de la dernière décennie, de prendre son autonomie, après être revenue vivre dans son pays natal, le Mali. "J’avais mis la marmite au feu, mais il n’y avait encore rien là-dedans. J’avais juste l’idée et il fallait chercher tous les ingrédients pour faire le plat”, métaphorise-t-elle.

Dans ce processus de maturation, fidèle à ce rôle de grand connecteur dans lequel il excelle pour mettre en relation des artistes faits pour collaborer (les exemples ne se comptent plus !), son compatriote musicien Cheick Tidiane Seck joue encore une fois les intermédiaires bienveillants : en 2010, le claviériste des Ambassadeurs, qui a arrangé le disque West African Feelings des Go de Koteba, propose à Awa de passer en studio à Bamako, où il travaille sur l’album de la griotte Babani Koné.

Elle y pose sa voix, comme choriste –tout comme Pamela Badjogo, dont le premier album est sorti il y a quelques mois –, mais surtout elle y rencontre le percussionniste Daniel Moreno. Pour suivre l’Américain, aujourd’hui son époux, elle traverse l’Atlantique. Avec toujours en tête, cette envie d’album qui lui donnerait la possibilité de tourner définitivement une page et d’imprimer une marque plus personnelle.

La nuit, il arrive que la chanteuse rêve de mélodies, qu’elle s’empresse de matérialiser en les capturant sur son téléphone portable pour ne pas les laisser s’évanouir.

Collaboration avec Mao Otayek

À peine installée sur la côte Est des États-Unis, la voilà qui retrouve la trace de Mao Otayeck, lui aussi résident à New York. Le Franco-Ivoirien, qui a longtemps été un des piliers du groupe d’Alpha Blondy, avait participé au disque Faso Den des Go de Koteba, en 2000. "Il adore la musique mandingue et il aime beaucoup ma voix", confie-t-elle.

Celui qui s’est récemment illustré avec la Sénégalaise Marema, lauréate du prix RFI Découvertes 2014, devient alors un des éléments clés du projet d’Awa. Elle le veut "très acoustique" et revendique son attachement à une forme de traditions : "Ce sont nos valeurs. C’est ce qu’il y a de beau en nous et qu’on peut montrer au monde en l’exploitant comme il se doit."

Des propos qu’apprécieraient sans nul doute celui qu’elle appelle "feu tonton Ali Farka (Touré, ndlr)", figure de la culture songhaï, avec qui, peu de temps avant son décès en 2006, elle a fait "un mois de formation".

Sur ses chansons, cet ancrage se traduit par la présence d’instruments tels que le ngoni ou la kora, respectivement aux mains de Sidiki Diabaté et Bassekou Kouyaté, mais aussi le njarka dont Zoumana Tereta fait grincer les cordes.

Entendre ce violon local lui fait remonter des souvenirs d’enfance, lorsqu’elle vivait auprès de sa grand-mère qui l’a élevée de l’âge de 5 à 12 ans à Diré, une ville située sur le fleuve Niger, dans la région de Tombouctou. "J’adorais l’entendre chanter quand elle faisait l’éloge de tous ces hôtes et jouait de la musique pour eux. Ça nous berçait", se rappelle-t-elle.

Ce qui passait sur les ondes, à la radio, retenait aussi son attention. Elle cite Salif Keita ("mon beau-frère"), ou encore la diva Amy Koita et toutes "les mamans". La fillette de cinq ans reçoit des bonbons pour faire entendre sa voix. "Comme un perroquet, je reprenais tout ce que j’entendais pour chanter comme elles le faisaient, mais surtout pour ressortir les mêmes mélodies."

Ensemble Koteba

À Abidjan, où elle rejoint son père, journaliste, l’adolescente s’inscrit aux auditions de l’Ensemble Koteba, dont les Go seront une émanation. Le jour venu, elle "tremble comme une feuille" mais franchit le cap de la sélection. "Il fallait montrer tout ce que tu es capable de faire sur scène : chanter, danser, faire de la comédie", se souvient-elle.

Le Guinéen Souleymane Koly, emblématique patron de cette troupe pluridisciplinaire qu’il avait montée une quinzaine d’années plus tôt, devient dès lors son mentor : "Il avait le flair de détecter, de sentir le talent que chacun d’entre nous avait. C’était quelqu’un de très posé, qui faisait ressortir ce qu’on avait dans nos entrailles, pour ne pas qu’on se renferme, pour qu’on prenne confiance. Il était psychologue", dit-elle de celui dont elle a aussi partagé la vie, et qui est décédé en 2014.

Au-delà de son apprentissage artistique, elle s’imprègne de cette ouverture d’esprit, de ce goût pour ne pas cloisonner, de cette liberté de ton qui fit notamment le succès du Koteba avec sa création Funérailles tropicales, présentée à Avignon en 1993 – l’année où les trois Go sortent leur premier album.

Cet héritage, aujourd’hui, demeure toujours très présent en elle. Il se lit à travers ses prestations sur scène, que ce soit avec le jazz du Touré Raichel Collective ou encore la musique indienne du Brooklyn Raga Massive. Mais aussi dans ses ateliers avec les enfants et ses interventions pour défendre la cause des jeunes femmes en Afrique, pour lutter contre la pratique de l’excision. "Activiste", comme elle se présente en public, Awa formule son message en une phrase : "Sans l’éducation, rien n’est possible et on n’a pas de libertés."

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