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Irak : Le démantèlement a commencé…

dimanche 29 juin 2014, par Assane Koné

La fulgurante avancée des rebelles de l’Etat islamique en Irak et au Levant, désormais aux portes de la capitale irakienne, confirme ce que beaucoup d’analystes avaient prédit : le démantèlement planifié de l’Irak.

Les Etats-Unis, par la voix du Secrétaire d’Etat John Kerry ont exprimé leur vive inquiétude devant l’effondrement rapide de l’armée irakienne qu’ils ont pourtant formé et mise à niveau avec tant d’investissements humains, financiers et matériels. Devant la gravité de la situation, ils ont promis une aide importante au régime du Premier Ministre Noury Al Maliki mais à condition que celui-ci forme rapidement un gouvernement d’union nationale avec toutes les composantes ethniques du pays pour freiner l’avancée des islamistes armés qui prennent les villes une à une et sans coup férir.

Ainsi, pour les Etats-Unis, le responsable politique et moral de l’effondrement de l’Etat irakien est incontestablement le Premier-Ministre Nouri-Al Maliki. Il a mené une politique confessionnelle d’exclusion systématique contre les sunnites qui ont rallié les combattants de l’EIIL. Mais cette accusation semble peu crédible au regard du soutien sans limité que les Etats-Unis ont accordé à leur allié durant les longues années de plomb qu’a vécu ce pays martyr. Ensuite il est extrêmement difficile pour l’Administration OBAMA de convaincre l’opinion publique internationale d’avoir été surpris par cette offensive de l’Etat Islamique en Irak et au Levant. Non seulement ils disposent dans ce pays et dans tout le proche et Moyen-Orient d’un réseau de renseignement extrêmement dense, mais aussi ils ont activement financé cette rébellion dont les principaux chefs ont participé à la guerre en Lybie qui a abouti au renversement du régime de Mouammar El Kadhafi. Si l’Administration américaine se dit surprise par cette offensive, pourquoi OBAMA n’a –t-elle pas prit des sanctions contre la communauté du Renseignement ? Pourquoi l’armée américaine qui dispose d’importantes bases militaires dans les monarchies du Golfe hésite-t-elle à mener des raids aériens contre ces islamistes fanatisés malgré une pressante demande officielle de l’Etat irakien ? Est-il crédible que la CIA ignore cette offensive massive de l’Etat Islamique en Irak et au Levant, laquelle a été précédé d’une série d’attentats meurtriers contre les civils, les infrastructures économiques, les centres commerciaux et les symboles de l’Etat ?Pourquoi les Etats-Unis se sont-ils limités à ne fournir que des instructeurs pour appuyer l’armée irakienne au moment où elle fait face à une pression des jihadistes ?

Parce que les Etats-Unis poursuivent un objectif stratégique évident : celui d’arriver au démantèlement de l’IRAK et à une nouvelle configuration administrative pour ce pays avec trois entités autonomes, Kurde, Chiite et sunnite. Cela lui permettra de prolonger le chaos pour contrer l’influence chinoise et iranienne de plus en plus grandissante et étendre son contrôle dans cette région vitale qui commence à lui échapper. Pour y parvenir, les Etats-Unis disposent d’un vivier impressionnant de djihadistes rompus à la guerre. Ils proviennent essentiellement des formations islamiques libyennes qu’ils ont d’abord classées comme terroristes avant de les entraîner et les financer (à travers les services secrets) pour renverser Mouammar El Kadhafi. Parmi ces djihadistes on peut citer Abu Abdulah AlLibi abattu par un groupe rival en Syrie le 22 septembre 2013 ; Abou Dajana qui, après avoir combattu lui aussi en Lybie, a été tué le 8 février 2014 en Syrie dans un affrontement avec un groupe d’Al-Qaïda son ancien allié.

Lorsque la guerre d’agression contre le régime de Bachar El Assad a commencé, de nombreux groupes armés sont partis de la Lybie pour débarquer en Syrie via la Turquie et la Jordanie s’alliant à d’autres groupes provenant de l’Afghanistan, de la Tchétchénie et d’autres pays. C’est justement à partir du territoire syrien que l’Etat Islamique en Irak et au Levant s’est véritablement constitué en une puissante armée de mercenaires. Ses soutiens logistiques, financiers et humains lui sont parvenus à travers un réseau d’agents de la CIA venus de la Jordanie et de la Turquie. Le New-York Times dans une de ses récentes livraisons en fait une enquête détaillée, reconstituant à la perfection les itinéraires qu’ont empruntés les cargaisons d’armes et de munitions.

Après avoir dépensé lors de la seconde guerre en Irak plus de 800 milliards de dollars pour les opérations militaires (qui se chiffrent en réalité à 3000 milliards de dollars en y incluant les dépenses de santé), les Etats-Unis voient dans la présence chinoise en Irak une grave menace contre ses intérêts.

La politique de diversification des partenaires développée par Nouri-Al Malikin’est pas vue d’un bon œil par Washington. La Chine achète plus de la moitié de la production pétrolière du pays et réalise de gros investissements dans l’industrie pétrolière. Par ailleurs, Pékin prévoit d’apporter une importante aide militaire à l’Irak. Cette promesse a été faite par le Ministre chinois des Affaires Etrangères Wang Yi à l’occasion de sa visite officielle à Bagdad. Nouri Al Maliki lui-même s’était rendu en mai dernier à Shanghai à la conférence sur les mesures d’interaction et de renforcement de la confiance en Asie en compagnie de son allié iranien Hassan Rouhani. Il a conclu avec ce dernier en novembre 2013, un important contrat d’achat d’armes qui s’élève à un montant de 195 millions de dollars US, au mépris de l’embargo décrété par Washington contre Téhéran.

C’est dans ce contexte qu’il faut analyser l’offensive de l’Etat Islamique d’Iran et du Levant laquelle ravive dangereusement la rivalité chiite-sunnite mise en œuvre par Al-Maliki. Cette offensive permet aux Etats-Unis de relancer leur stratégie de contrôle du pays à travers le fameux plan Joe Biden l’actuel Vice-Président qui avait présenté devant le Senat en 2007, la nouvelle configuration administrative du pays.

Ce plan propose une division du pays en trois régions autonomes avec un pouvoir central extrêmement limité. En somme le démantèlement de l’Irak. L’image de sapeur-pompier que veut montrer John Kerry en se rendant à Mossoul cache difficilement cette triste réalité…

Nouhoum Keita

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