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Cour d’Assises : L’ancien chef de la police islamique de Gao se tape 10 ans de prison ferme

lundi 21 août 2017, par Assane Koné

L’arrêt n°42 du 28 mars 2017 renvoie devant la Cour d’Assises de Bamako Aliou Mahamar Touré pour plusieurs chefs d’accusations :crime de guerre, tortures, trahison, atteinte à la sureté intérieure de l’Etat, atteinte à l’intégrité du territoire, association de malfaiteurs, coups et blessures volontaires, terrorisme, détention d’armes de guerre et de munitions pendant l’occupation de la cité des Askias ( Gao) par les djihadistes du Mouvement pour l’Unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO). L’affaire a été jugée tard dans la soirée du 18 août 2017. L’accusé a été maintenu dans les liens de l’accusation et a écopé de 10 ans de prison après avoir bénéficié de circonstances atténuantes comme l’a souhaité ses avocats.

Le verdict a été prononcé dans la salle n°3 du nom de Tiémogo Diatigui Diarra qui a refusé du monde. Aliou Mahamane Touré est né vers 1970 à Gao, commerçant de peaux et cuirs et membre du MUJAO.

Remontons le temps et le fil des évènements. Pendant l’occupation des régions du nord du Mali par les « Djihadistes » courant 2012, le sieur Aliou Mahamane Touré se fait recruter dans les rangs du Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO). Après avoir appris à manier les armes, il fut doté, entre autres, d’un pistolet mitrailleur (PM) à crosse rabattable n° 9270, d’un pistolet automatique (PA) n° 6282 calibre 7,65 mm, de minutions et d’un « Talk-walk », avant d’être désigné commissaire islamique de la ville de Gao.

Ainsi, en sa qualité de commissaire islamique, il faisait subir, aux populations de la ville de Gao et environnants, de nombreuses atrocités et exactions, en pillant leurs biens. Le 23 décembre 2013, il fut interpellé par les éléments de la compagnie Méhariste de la garde nationale, puis conduit au détachement prévôtal de Gao.

Cette unité diligenta une enquête au cours de laquelle, Aliou Mahamar Touré reconnut s’être affilié au Mujao pour combattre le Mali. Ensuite, il déclara avoir adhéré à ce groupe qui a prôné l’application de la charia, dès son arrivée à Gao. Enfin, il expliqua, outre ses aveux, avoir été doté d’armes, de munitions, d’explosifs, de menottes et autres instruments pour commander et animer la police islamique afin d’arrêter et conduire devant le juge islamique, les personnes qui enfreignaient la « charia », et a exécuté les décisions de celui-ci, soit par la flagellation des personnes condamnées, soit par l’amputation de leurs membres. Aussi, précisa-t-il que sa rétribution provenait du « Ganina » (le butin de leurs membres). C’est ainsi qu’à la suite du procès-verbal établi à cet effet, que le parquet de la commune III en arriva à l’ouverture de la présente information judiciaire contre lui.

Tout au long de l’enquête préliminaire qu’au cours de l’instruction, Aliou Mahamar Touré a déclaré avoir volontairement adhéré au Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO). Cette adhésion volontaire est matérialisée par ses nombreux déplacements avec les membres dudit mouvement à travers tout le désert du Sahara malien (Tabankort dans la commune rurale de Tarkint, puis Araouane dans la région de Tombouctou, ensuite vers la frontière Algérienne pour se replier enfin vers Tamba). L’inculpé explique qu’après avoir acquis la confiance du MUJAO, il a été nommé « Commissaire islamique » à Gao, en raison de sa maîtrise du coran.

Qu’à ce titre, il commandait la police islamique de Gao qui avait pour mission de sécuriser la population, empêcher la délinquance, en conduisant les personnes arrêtées devant le juge islamique. Il a, en outre, ajouté avoir non seulement gardé à vue des personnes qui refusaient de se soumettre à ses instructions, mais aussi d’avoir imposé aux boulangers de la localité une réduction du prix du pain.

Il ressort de l’arrêt de renvoi, qu’à son arrestation, il a été trouvé en la possession de l’inculpé, un pistolet mitrailleur (PM) à crosse rabattable n°9270, un pistolet automatique (PA) n°6282 de calibre 7,65 mm, un chargeur pour PM, garni de 30 cartouches, une moto Sanili, un Talki walk, une cartouchière, deux menottes, deux téléphones portables et quatre allumeurs détenteurs électriques et ses explosifs.

Les avocats prenaient la parole. Ils ont tenté de minimiser le rôle de l’ancien commissaire de la police islamique de Gao lorsque les djihadistes régnaient en maitre absolu dans le nord du Mali en 2012. Peu avant la prise de parole des avocats, on a assisté à un réquisitoire celui du Procureur de la République. Pour lui les faits sont établis. Aliou Mahamane Touré est responsable des faits qu’on lui reproche. Selon le Procureur de la République, il a amputé ou faire amputer des membres. Il a illégalement détenu des armes de guerre et même porté atteinte à la sureté de l’Etat.

L’accusé se présentait à la barre vêtu d’un boubou blanc. Il a perdu carrément sa forme physique. « Je suis malade, très malade », a plaidé étant debout devant les juges. Finalement, il a été autorisé à rester assis. Devant lui, les victimes ont défilé à la barre. Une dame par exemple, a expliqué que quatre de ses enfants ont eu la main ou un pied amputé par Aliou Mahamane Touré. Elle a été suivie d’un jeune homme qui est arrivé sans son bras droit. Il est chauffeur. Il a affirmé que c’est Aliou Mahamane Touré, l’ancien commissaire de la police islamique de Gao qui lui amputé le bras parce qu’il a été accusé d’être voleur. Après la délibération, la cour a reconnu la culpabilité de l’accusé, tout en lui accordant des circonstances atténuantes. Aliou a été condamné à 10 ans de réclusion criminelle.

Après le procès, Issa Idrissa Maiga l’un des membres de la partie civile a réagi. Il est journaliste à Gao. Il est l’une des victimes de l’occupation de cette ville à l’époque ou Aliou Mahamne était tout puissant. Pour ce dernier la justice a été rendue. « En réalité nous avons été des victimes de cette occupation. On attendait le procès depuis belle lurette », a-t-il déclaré.

Au cours du procès Aliou a tout nié. Mais à la fin du procès, il a présenté ses excuses au Mali. Il a demandé à ce qu’on le libère pour qu’il puisse rejoindre sa famille à Gao.

Lamine Kané


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