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Cinéma malien : les cinéastes en ordre de bataille pour un financement

mardi 22 octobre 2024, par Assane Koné

Le Centre International de conférence de Bamako (CICB) a abrité une conférence-débat sur « la problématique du financement du cinéma malien : Rôle et Place du Fonds d’Appui à l’Industrie Cinématographique FAIC ». Cette conférence-débat a mobilisé les cinéastes, les opérateurs culturels, les producteurs, exploitants de salle, journalistes culturels et responsables du Département du Ministère de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie Hôtelière et du Tourisme.

A l’ouverture des débats, le Secrétaire Général par intérim du ministère du Tourisme, de la Culture et de l’Industrie Hôtelière, Mme Diarrah Sanogo a souligné l’importance du thème qui mobilise les acteurs des différents métiers du 7e art au Mali, les entrepreneurs culturels, les opérateurs économiques et les institutions d’appui et de soutien à la culture au Mali.

Pour le Secrétaire Général par intérim du département, le cinéma offre, par sa capacité, un enjeu sociétal et culturel pour être un puissant levier de développement. Elle soulignera qu’en « tant art et industrie à la fois, le cinéma exige de plus en plus en plus des infrastructures, des équipements et un financement conséquent, mais aussi des ressources humaines hautement qualifiées »

C’est la raison pour laquelle, elle a souligné que « conscient de l’importance du cinéma et souhaitant faire de celui-ci un outil en faveurs d’une éducation sociale, culturelle et politique, dès les premières années de son accession à la souveraineté nationale et internationale, le Mali a marqué sa volonté de promouvoir et de développer une culture malienne forte, ancrée dans les valeurs de notre société et ouverte au monde, en vue de réaliser une unité nationale fondée sur le sentiment d’identité commune »

Mme Diarrah Sanogo a également souligné le vif intérêt de l’Etat pour les industries de l’image qui s’est traduit par la mise en place d’un dispositif législatif et règlementaire visant à créer un environnement juridique propice au développement des industries cinématographiques et l’adoption en 2013, du document cadre de politique culturelle nationale dont un des objectifs stratégiques majeurs vise l’émergence d’une véritable industrie cinématographique dynamique et compétitive.

Cependant, malgré cette volonté de promouvoir et développer le secteur à travers la création de structures dédiées au cinéma, le Secrétaire Général par intérim a reconnu que le secteur demeure confronté à la sempiternelle difficulté de mobilisation des ressources. C’est pour trouver une solution durable à cette question que les autorités ont initié de nombreuses alternatives parmi lesquelles la création du Fond d’Appui à l’Industrie Cinématographique (FAIC) qui est non seulement la traduction concrète de la volonté clairement exprimée des plus hautes autorités de notre pays, de faire du cinéma et de l’audiovisuel une composante essentielle de notre économie, mais aussi une réponse à la forte attente des acteurs.

D’une dotation de six milliards de Francs CFA, ce fonds d’appui à l’industrie cinématographique n’est toujours pas une réalité concrète pour les cinéastes du Mali. Dans un contexte de défis majeurs pour le pays, le Ministère de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie Hôtelière et du Tourisme, à travers le FAIC, a entrepris plusieurs actions visant à identifier et à formaliser les mécanismes permettant de générer des ressources internes pour appuyer la création cinématographique et d’arriver à créer une véritable industrie du cinéma au Mali.

Trois panélistes se sont penchés sur les trois thèmes qui ont marqué les débats dont la modération était assurée par Assane Koné, journaliste culturel et Président du Réseau des Journalistes pour le Soutien aux Initiatives culturelles :
Le premier thème « cinéma, un outil d’affirmation de notre présence dans le monde » a été traité par le cinéaste Salif Traoré, ancien Président de l’Union Nationale des Cinéastes du Mali (UNCM) et Aliou Konaté dit André, Président de la FENACAM
Le second thème : « Le Fonds d’Appui à l’Industrie Cinématographique, un outil de développement de l’industrie cinématographique et de l’Audiovisuel au Mali » a été traité par Bréhima Moussa Koné Directeur Général du FAIC ;
Le troisième thème portait sur « les difficultés de mobilisation des ressources pour le financement du cinéma malien » qui a été abordé par les trois panelistes.

Sur le premier thème, le réalisateur Salif Traoré a rappelé le rôle fondamental du cinéma qui demeure le meilleur outil de transmission de nos valeurs sociétales. Il a déploré le manque de financement conséquent de notre cinéma. Ce qui entraine la prééminence des guichets extérieurs de financements avec son lot de conditionnalités qui déconstruisent nos identités.

Or, selon lui, il est impérieux aujourd’hui de produire nos propres images, seules capables de refléter notre identité propre. Si l’on ne fait rien, d’autres le feront à notre place, et occuperont notre espace cinématographique en nous imposant leur mode de vie, leur culture et leur vision, tout en nous réduisant en de simples consommateurs. Cette situation devient dramatique, car notre espace est massivement occupé par le déferlement d’images diffusées sur les chaînes publiques et privées de télévision. Les Tik-Toket et les vidéastes exercent un monopole total.

Les jeunes maliens sont quotidiennement soumis à la pression mentale, psychologique et culturelle des séries, feuilletons, téléfilms, sitcoms, dessins animés, clips de toutes sortes dans lesquels la violence, le crime, le sexe, le désir de puissance, et le pouvoir de l’argent constituent les contenus de base. A la suite de Salif Traoré, Alou Konaté dit André Président de la FENACAM a souligné l’importance du cinéma comme facteur de paix et de cohésion sociale.

S’agissant du second thème, le Directeur Général du FAIC Bréhima Moussa Koné a rappelé les missions et les objectifs de son institution. De sa création à nos jours, des actions ont été engagées pour remplir sa mission notamment : les démarches auprès du Ministère des Finances pour la mobilisation partielle de la dotation initiale de deux milliards de FCFA (sur un montant total de 6 milliards FCFA) pour le développement de la cinématographie ; l’élaboration d’un manuel de procédures administratives comptables et la sélection des projets cinématographiques ; l’élaboration du programme de développement de l’Industrie cinématographique et audiovisuelle (PDCA) ; la réalisation d’un colloque international sur la problématique du financement du cinéma et la création de ressources pérennes au compte du FAIC ; un atelier de rencontre de sensibilisation des acteurs du cinéma et de et audiovisuelle ; la réalisation de la première édition de l’appel à projets ; la réalisation d’une formation des acteurs du cinéma en partenariat avec la chaine Canal-Plus-Mali sur la production des séries Télévisées.

Le Fonds a également apporté un soutien financier au FESPACO et à la participation de réalisateurs maliens dans les grands rendez-vous du cinéma africain.

Le thème qui a suscité le plus de réactions est sans doute la question du financement de notre cinéma. De façon unanime, les panelistes et les intervenants partagent le constat que le financement du cinéma malien n’est pas une réalité. Le Directeur Général du FAIC Bréhima Moussa Koné a reconnu l’échec de la demande de décaissement partiel du fonds (deux milliards de FCFA) adressée au ministère de l’Economie et des Finances via la Direction Générale du Budget, conformément aux clauses contenues dans le rapport de présentation pour l’approbation de la loi de création du FAIC en Conseil des Ministres.

Il dira que cette demande n’a pas obtenu l’approbation du Ministre des Finances et n’a jamais fait l’objet de réponse officielle. Les démarches menées par la suite pour le suivi de la demande ont permis d’établir que le Département de l’Economie et des Finances n’approuve pas la création du FAIC et recommande le changement de son statut pour l’ériger en compte d’affectation. C’est à cette seule condition que le Ministère de l’Economie et des Finances est prêt à mobiliser tout de suite les six milliards de FCFA. Or, selon le Directeur Général du FAIC, ce compte d’affectation crée depuis 1996, n’a pas permis d’obtenir de ressource financière. C’est pour remédier à cette situation que les autorités ont érigé le FAIC en Etablissement Public à caractère administratif doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière.

Les deux autres panelistes Salif Traoré et Alou Konaté dit André ont fait l’amer constat du manque d’engagement et d’unité des cinéastes, leur faible implication dans la lutte pour obtenir l’opérationnalisation de ce Fonds d’Appui à l’Industrie Cinématographique. Sans cette unité et cet engagement, le cinéma malien ne sortira pas du creux de la vague.

Dans un contexte politique marqué par la volonté largement exprimée des dirigeants du pays de gagner la bataille de la souveraineté, les acteurs du 7e art doivent se mettre en ordre de bataille pour non seulement obtenir (enfin) le Fonds d’Appui à l’Industrie Cinématographique, mais aussi, mobiliser au plan interne, des ressources additionnelles à travers des propositions innovantes sur le plan fiscal. La volonté politique de l’Etat conjuguée à l’engagement collectif et à la mobilisation générale de l’ensemble des acteurs du secteur, permettra sans doute de trouver une solution définitive à la question lancinante du financement du cinéma.

Nouhoum Keita


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