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« La Confusion » : comment Amadou & Mariam ont perdu leur ancrage africain

mardi 26 septembre 2017, par Assane Koné

Le neuvième album studio du duo malien est intitulé La Confusion. On pouvait difficilement trouver mieux pour définir ce projet qui marie le meilleur et le pire, et mélange toutes les sonorités bankable du moment en Occident dans un grand saladier… Pour aboutir à un résultat roboratif, parfois touchant mais souvent schizophrène.

Le meilleur, ce sont des titres afro-funk et disco, comme « Bofou Safou » (terme bambara désignant de jeunes garçons préférant danser que travailler). Le single, mêlant vieux claviers et rythmiques synthétiques électrisantes, atteint parfaitement son objectif : donner des fourmis dans les jambes au bout de quelques secondes d’écoute. D’autres chansons, comme l’émouvante ballade « Mokou Mokou », partent d’une orchestration dépouillée pour se gonfler de chœurs, de percussions, d’orgue, de guitares, dans un élan de cordes sensible parfaitement maîtrisé.

Le pire, ce sont la plupart des pistes en français. « C’est chaud », sur le thème de l’exil, qui ressemble dans le texte et la musique à une chanson humanitaire des années 1980. « La Confusion », ritournelle pop-rock sans chair affublée d’un solo de guitar hero comme on n’en produit (heureusement) plus depuis longtemps.

Du meilleur au pire du duo malien

Difficile de comprendre ces orchestrations consciemment ringardes sans prendre en compte le regain d’intérêt pour les sons vintage en Europe et en Amérique du Nord, où Amadou & Mariam ont fait toutes leurs dates de tournée depuis mai. Le succès rencontré en France au début des années 2000 par l’album Dimanche à Bamako notamment, réalisé en collaboration avec le guitariste Manu Chao, a propulsé la carrière du duo, qui a joué en première partie de U2, de Coldplay et en ouverture des Coupes du monde de foot 2006 et 2010.

Revers de la médaille, ils ont perdu leur ancrage africain. Et les voilà contraints, à 62 et 59 ans, de coller à la mode, s’entourant d’un producteur et d’un mixeur occidentaux (le Français Adrien Durand et l’Américain Jimmy Douglas, à l’origine des tubes de The Weeknd et de Björk) qui ont punaisé un décor synthétique sur des talents authentiques.

Enfin, leur prose naïve, enfantine, laisse parfois perplexe. « Depuis le lever du soleil jusqu’à tard dans la nuit, vous bougez dans tous les sens, vous travaillez sans relâche. Si vous allez dans les sentiers, vous allez voir des femmes, si vous allez dans les usines, vous allez voir des femmes, si vous allez dans les bureaux, vous allez voir des femmes… » Face aux paroles du titre « Femmes du monde », on se demande si le duo d’aveugles ne s’est pas mis à chanter pour des sourds.

Par Léo Pajon
http://www.jeuneafrique.com


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