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En prélude aux négociations d’Alger : Les organisations de défense des droits humains invitent les parties à un Accord de paix respectueux des droits des victimes

mercredi 27 août 2014, par Assane Koné

« Exclure toute amnistie pour les crimes internationaux y compris les violences sexuelles et l’enrôlement d’enfants soldats, conformément au Traité de Rome auquel le Mali est partie ; S’engager à respecter et contribuer au bon déroulement de procédures judiciaires pour ces crimes y compris par la mise à disposition des individus aux justices nationale et internationale ; Impliquer pleinement les organisations de la société civile, porte-paroles des populations, au processus de négociations politiques en vue d’une paix durable ; Promouvoir une paix juste, équitable et durable pour toutes les populations du Mali en garantissant leur sécurité… », ce sont-là quelques recommandations que les organisations de défense des droits humains au Mali viennent de formuler à la faveur d’un manifeste publié le 27 août 2014. Lisez !

Manifeste des organisations de défense des droits humains pour un accord de paix respectueux des droits des victimes

Considérant la Constitution de la République du Mali du 25 février 1992 qui garantit les droits de la personne humaine à la vie, à la liberté, à la sécurité et à l’intégrité de sa personne, qui consacre le principe de non-discrimination et interdit les traitements inhumains, dégradants, cruels ou humiliants.

Considérant les Résolutions 2100 du 25 avril 2013 et 2164 du 25 juin 2014 du Conseil de sécurité des Nations unies qui soulignent que le mandat de la MINUSMA consiste à « renforcer les capacités de négociation et à favoriser la participation de la société civile, dont les associations féminines ». S/RES/2100 (2013) - §16, b), iii) & S/RES/2164 (2014) - §13, b), ii.

Considérant l’accord préliminaire à l’élection présidentielle et aux pourparlers inclusifs du 18 juin 2013 de Ouagadougou qui rappelle la détermination des parties à « édifier un Etat de droit démocratique et prospère garantissant les droits de tous les citoyens [...] » et souligne leur attachement « aux valeurs de la démocratie, de la bonne gouvernance, de la justice, de la protection et de la promotion des droits de l’Homme… » § 3&9 du préambule.

Considérant l’article 18 de l’accord de Ouagadougou cité ci-dessus qui prévoit la mise en place d’une commission d’enquête internationale sur les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, les crimes de génocide, les crimes de violences sexuelles et les violations graves du droit international des droits de l’Homme et du Droit International Humanitaire.

Saluant la reprise des pourparlers entre le gouvernement du Mali et les groupes armés ((MNLA, MAA et HCUA) tenus à Alger le 16 juillet 2014 afin de parvenir à un « règlement définitif du conflit » réclamé par nos organisations.

Saluant la création de quatre (4) Groupes de négociation thématiques dont celui relatif à « la réconciliation, justice et questions humanitaires » prévue par la Feuille de route des négociations dans le cadre du processus d’Alger signée par les parties le 24 juillet 2014.

Rappelant qu’il ne peut y avoir de réconciliation juste et durable au Mali sans que soit apportée une réponse effective au besoin de justice dans le strict respect des droits aux recours et à un procès équitable.

Rappelant que l’impunité est l’une des causes des différentes rébellions que le Mali a connues, ayant pour corollaire de nombreuses et graves violations des droits de l’Homme.

Rappelant que la lutte contre l’impunité est l’un des éléments essentiels d’une véritable réconciliation nationale et un gage de prévention de la vengeance.

Rappelant que les poursuites pénales visent à produire un effet dissuasif, à offrir une dénonciation publique des comportements criminels et à apporter une forme directe et individuelle de responsabilisation des coupables.

Regrettant que les principes de base de la feuille de route ne prennent pas en compte la question des droits de l’Homme et de la lutte contre l’impunité en général.

Regrettant que des organisations de défense des droits humains accompagnant les victimes de la crise n’aient pas été impliquées dans les pourparlers d’Alger.

Condamnant la levée de six mandats d’arrêt, la libération politique de 23 éléments du MNLA et HCUA par le gouvernement du Mali en octobre 2013 ainsi que celle de 42 éléments des groupes armés intervenue le 15 juillet 2014, dénoncées par nos organisations.

Condamnant notamment la libération de monsieur Houka Houka Ag Alfousseyni, ancien juge islamiste de Tombouctou, inculpé pour son rôle présumé dans la commission des violations graves de droits de l’Homme à travers des sentences extrajudiciaires (l’amputation, l’exécution sommaire, des arrestations arbitraires, des mauvais traitements…), à l’encontre de qui l’AMDH et la FIDH se sont constituées parties civiles auprès du Tribunal de première instance de la Commune III, le 20 juin 2014.

Soulignant que les mesures de confiance, telle que la libération « des personnes détenues du fait du conflit » prévue à l’article 18 alinéa 3 de l’Accord de Ouagadougou, ne sauraient justifier la libération politique d’auteurs présumés de violations graves des droits de l’Homme et l’atteinte au principe de séparation des pouvoirs consacré par l’article 81 de la Constitution malienne du 25 février 1992.

Rappelant enfin que les négociations politiques sont un impératif pour parvenir à un accord de paix définitif et inclusif respectant l’unité nationale et les droits des victimes à la justice, à la vérité et à la réparation consacrés par des instruments internationaux et nationaux.

Nous, organisations de défense des droits humains, recommandons :

AUX PARTIES A LAGOCIATION DE :

• Exclure toute amnistie pour les crimes internationaux y compris les violences sexuelles et l’enrôlement d’enfants soldats, conformément au Traité de Rome auquel le Mali est partie ;

• S’engager à respecter et contribuer au bon déroulement de procédures judiciaires pour ces crimes y compris par la mise à disposition des individus aux justices nationale et internationale ;

• Impliquer pleinement les organisations de la société civile, porte-paroles des populations, au processus de négociations politiques en vue d’une paix durable ;

• Promouvoir une paix juste, équitable et durable pour toutes les populations du Mali en garantissant leur sécurité ;

• Préserver l’unité nationale, l’intégrité territoriale, la laïcité et la forme républicaine comme prévu dans la feuille de route ;

• Rendre effectif le désarmement, la démobilisation et la réinsertion socio-économique des éléments des groupes armés comme prévu dans l’Accord de Ouagadougou.

• Collaborer pleinement et entièrement avec la Commission Vérité, Justice et Réconciliation, notamment pour l’accès aux archives, aux témoignages des responsables, des victimes et aux libres accès aux zones, etc.

AUX AUTORITÉS MALIENNES DE :

• Prendre des mesures appropriées en vue de s’assurer que les responsables des crimes soient poursuivis, jugés et condamnés le cas échéant ;

• Garantir les droits des victimes à la justice, à la vérité et à la réparation ;

• Promouvoir la participation effective de tous les acteurs de la société malienne dans les travaux de la Commission Vérité Justice et Réconciliation ;

• Adopter le décret d’application de la loi N°2012 – 025 du 12 juillet 2012 portant indemnisation des victimes de la rébellion du 17 janvier 2012 et du mouvement insurrectionnel du 22 mars 2012 ;

• Concrétiser la mise en place de la Commission Vérité, Justice et Réconciliation à travers notamment la nomination de commissaires répondant aux critères d’intégrité, de compétence, d’impartialité ;

• Adopter des lois en vue d’une gestion transparente et d’une répartition équitable des ressources allouées au développement des régions du nord ;

A LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE DE :

. Accompagner la mise en place de la commission d’enquête internationale sur les crimes commis en vue d’entreprendre des enquêtes indépendantes et impartiales sur les violations des droits humains et du droit international humanitaire ;

• Soutenir l’implication de la société civile dans le processus de négociation de paix.

Fait à Bamako, le 27 août 2014

Les organisations signataires :

1. Fédération Internationale des Ligues des droits de l’Homme – FIDH
2. Association Malienne des Droits de l’Homme – AMDH
3. Association des Juristes Maliennes-AJM
4. Avocats Sans Frontières-ASF Mali
5. Association DEMESO
6. Collectif CRI DE COEUR
7. Groupe Pivot Droit et Citoyenneté des Femmes-GP/DCF
8. Réseau Paix et Sécurité des Femmes de l’espace-CEDEAO-RESPECO/Mali
9. Women In Law and Development In Africa-WILDAF
10. Amnesty International-Mali - AI Mali
11. Fédération Nationale des Collectifs d’Organisations Féminines du Mali- FENACOF
12. Association Malienne de Droit International-MIDA
13. Coalition Malienne des Droits de l’Enfant-COMADE
14. Coalition Malienne des Défenseurs des Droits Humains-COMADDH
15. Coalition Malienne pour la Cour Pénale Internationale-CM-CPI
16. Tribune des Jeunes pour le Droit au Mali- TRIJEUD-MALI
17. Association pour la Consolidation de la Paix, le Développement, la Protection et la Promotion des Droits Humains-TEMEDT
18. Collectif des Acteurs pour la Paix- CAP
19. Réseau des Journalistes pour la Promotion des Droits de l’Homme-RJ-PRODH
20. Mouvement National des Femmes pour la Sauvegarde de la Paix et de l’Unité Nationale-MNFPUN
21. Commission Nationale des Droits de l’Homme-CNDH
22. Réseau des Femmes Africaines Ministres et Parlementaires-REFAMP

Drissa TRAORE

Chargé de Programme conjoint FIDH-AMDH

Tel : 78 16 51 07/68 61 61 11

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