Politique > Après sa décision de nommer Moussa Mara à la Primature : IBK tente d’éteindre le feu dans sa famille politique

Après sa décision de nommer Moussa Mara à la Primature : IBK tente d’éteindre le feu dans sa famille politique
samedi 12 avril 2014, par
Comme il fallait s’y attendre, la décision d’IBK de nommer Moussa Mara à la Primature, en remplacement de Oumar Tatam Ly, démissionnaire, n’est pas du goût de tous. S’il y a des gens qui sont remontés contre IBK, c’est bien les responsables du RPM qui n’arrivent pas à s’expliquer certaines décisions du Président de la République. Il nous est revenu que certains députés du parti du tisserand et non des moindres, l’ont clairement signifié à Toumani Djimé Diallo, ministre secrétaire général de la Présidence, venu en éclaireur à l’Assemblée nationale.
Sans que cela ne soit écrit dans aucun texte de la République, en démocratie, il ya des principes sacro-saints qui ne doivent pas être ignorés. C’est notamment le respect de la majorité parlementaire dans le choix du Premier ministre. Malheureusement au Mali, ce principe n’est pas le mieux respecté depuis l’avènement du multipartisme. Du coup, l’on pourrait y voir l’une des grosses tares de notre démocratie. Le refus sans le dire, de respecter le principe du fait majoritaire par les différents Présidents de la République qui se sont succédés à la tête du Mali, pourrait en grande partie expliquée, le développement du clientélisme et l’achat de conscience qui caractérisent la démocratie malienne. A la faveur de la démission de Oumar Tatam Ly, IBK mis devant le fait accompli, n’avait pas à chercher loin. Bien qu’il le dise à qui veut l’entendre qu’il n’a pas été élu par le RPM et ses militants, mais par le peuple malien, il devait chercher le Premier ministre dans le camp de la majorité parlementaire ou du moins convenir avec cette majorité du choix de quelqu’un d’autre. Mais quand le Président de la République, fort de son pouvoir constitutionnel, n’a pas jugé utile de s’entendre avec le RPM et ces barons pour le choix du Premier ministre, se voit aujourd’hui dans l’obligation de les rallier à sa cause. Un effort exceptionnel sera ici fourni par le Président IBK à cet effet. Et, avant de rencontrer les leaders du RPM, le parti dont il est issu, même s’il est convaincu qu’il ne lui doit pas son élection à la tête du Mali, IBK a envoyé son ministre secrétaire général de la Présidence à l’Assemblée nationale pour tâter le pouls du parlement sur son choix de faire de Moussa Mara, le Premier ministre du gouvernement à la surprise générale de tous. Sans ambages et sans langue de bois, les députés RPM ne sont pas passés par quatre chemins pour dire à l’émissaire qu’ils n’arrivent pas à s’expliquer certaines décisions du Président de la République, notamment la désignation de Moussa Mara à la Primature. Déjà à la mise en place du gouvernement dirigé par l’ancien Premier ministre Oumar Tatam Ly, des barons du RPM n’avaient pas approuvé cette décision et ne l’avaient pas caché à IBK. Ils s’étaient aussi opposés au fait qu’un certain nombre de départements de souveraineté qu’ils considèrent comme stratégique, aient été confiés à des acteurs politiques qui ne portent pas les couleurs du RPM.
Pour avoir perdu la Primature, RPM qui voulait s’accrocher à des départements stratégiques, sort par la petite porte}
Et, si les barons du RPM, soutenus par les députés RPM, devaient rester dans cette logique, il n’y a aucun doute, un bras de fer salutaire pour l’avenir du Mali risque de les opposer à IBK. Plus que jamais, les barons du RPM et les députés du parti du tisserand ont la plus belle occasion pour ouvrir un débat franc et courageux avec le Président de la République, afin de l’aider à situer le centre d’exercice du pouvoir au Mali. En effet, depuis l’arrivée d’IBK à la tête du Mali, nombreux sont ses électeurs qui se posent la question de savoir le véritable siège du pouvoir. Est-ce à Sébénikoro ? Est-ce à Koulouba ? Est-ce à Bagadadji ? Est-ce à l’hippodrome au siège du RPM ? Est-ce à la Primature au bord du fleuve Djoliba ? Est au ministère de la justice ou au ministère de la défense ou encore à l’hôtel des finances ? En sept mois d’exercice du pouvoir, il est temps et grand temps que les maliens sachent avec qui IBK prend ses décisions qui engagent l’avenir du Mali. Il est certes celui qui a bénéficié du suffrage des maliens de façon exceptionnelle depuis l’avènement de la démocratie malienne, mais nous ne croyons pas que les maliens aient décidé de lui donner un chèque en blanc pour décider tout seul de leur présent et de leur avenir. Et, le groupe de maliens qui ont la légitimité de le lui rappeler, sans tambours ni trompettes, mais dans l’intérêt supérieur du Mali et de son peuple, s’est bien le RPM. Il est temps que IBK écoute le RPM ou que le RPM se fasse écouter par IBK. Il a eu tellement de soutiens, même de dernières minutes pour son élection à la tête du Mali qu’il a tendance à oublier que les barons du RPM étaient-là ce jour fatidique où il a claqué la porte du congrès de l’ADEMA pour se retrancher à Sébénikoro. Rendons à César ce qui appartient à César. IBK, rendez au RPM ce qui appartient au RPM et la démocratie malienne se porterait mieux. Aujourd’hui, de nombreux maliens ont l’impression que IBK veut fragiliser le RPM. Peut-être qu’il s’est déjà dit qu’il ne va pas prétendre à un second mandat. Mais, étant attendu qu’en cinq ans de gestion d’un pays comme le Mali on ne fait pas toujours du bien à tous, il n’y a aucun doute IBK aura besoin d’un parti politique fort pour défendre ses idéaux et ses actions après Koulouba. Et, aucun autre parti mieux que le RPM ne pourra faire ce travail pour lui. Pendant longtemps présenté comme l’acteur politique malien qui a été victime de beaucoup d’injustice, IBK doit aujourd’hui veiller à ne pas poser des actes qui fassent des « martyrs politiques » au Mali. Et, sa décision unilatérale de faire de Moussa Mara Premier ministre, même autorisée par la constitution, mais refuser par la pratique et les usages démocratiques, est de nature à faire des « martyrs politiques ». Parce que le seul élément de compétence ne suffit pas dans le contexte malien comme critère de choix d’un Premier ministre. Aujourd’hui, en plus de la compétence et l’expérience, le Premier ministre malien, à défaut d’être technocrate, doit être quelqu’un qui ne souffre d’aucune légitimité politique. En un mot, doit être quelqu’un qui a un soutient fort à l’Assemblée nationale. Et, pour ne pas essuyer une fronde de son camp, IBK va déployer une diplomatie exceptionnelle pour convaincre les plus sceptiques sur son choix afin d’avoir leur soutien. L’on croyait que le RPM allait avoir la capacité de monnayer certains postes ministériels que l’on considère comme stratégique contre la perte de la Primature pour quelques mois. Mais, hélas, dans la mise en place du premier gouvernement de Moussa Mara, IBK a remporté la partie sur ses camarades.
Assane Koné