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Achille Mbembé et Alain Mabanckou à la « Nuit de la pensée » : La jeunesse africaine invitée à se prendre en main

dimanche 6 novembre 2016, par Assane Koné

Dakar est depuis quelques jours le centre d’un intense bouillonnement intellectuel. Les débats du Monde Afrique se sont prolongés, vendredi dernier, au Théâtre de verdure de l’Institut français où s’est tenue la « Nuit de la pensée ». Lors de ces débats, l’historien politiste camerounais Achille Mbembé et l’écrivain congolais Alain Mabanckou ont été plus que préoccupés par la situation actuelle de leurs deux pays respectifs mais également des autres pays africains où les régimes ont tendance à s’éterniser au pouvoir. Pour eux, il est temps de mettre un terme à ces « dictatures rampantes ». Ils invitent donc la jeunesse africaine à prendre son destin en main.

Lors de leurs interventions dans les débats de la « Nuit de la pensée », Achille Mbembé et Alain Mabanckou n’ont pas mis de gants. Ils se sont directement attaqués à ces chefs d’Etat africains qui, à leur avis, se comportent de manière indigne. Au Cameroun, Achille Mbembé estime que mourir aujourd’hui, c’est mourir dans la boue. « Lorsque vous regardez les images de ce déraillement dans la ville d’Eseka où à peu près 400 personnes ont perdu la vie, effectivement ils sont retournés dans la boue. Au Cameroun depuis 34 ans, est au pouvoir quelqu’un qui a bien lu Machiavel dans le sens où il réduit la théorie de Machiavel à une théorie de la perpétuation du pouvoir. Il a été capable d’articuler une conception du pouvoir comme pouvoir de ne rien faire, le gouvernement par l’inertie, par l’immobilité, la négligence, l’incurie, et l’indifférence », s’écœure Achille Mbembé. Pour l’historien, c’est d’ailleurs commun de voir des Présidents des pays de l’Afrique centrale s’éterniser au pouvoir. « Si vous ajoutez les années au pouvoir de Nguema, de Biya, des Bongo, de Sassou Ngesso, d’Idriss Deby, ça vous fait un peu au-delà d’un siècle pour être généreux », ironise-t-il. Il y a donc pour le politiste camerounais des choses à détruire.

Si en Afrique du Sud les jeunes ont la rage et détruisent tout sur leur passage, il pense que c’est parce que justement les gens en ont marre. « Partout où vous allez dominent la colère et la rage. Je pense qu’un gouvernement par l’inertie dans un pays comme le Cameroun doit être détruit ». Comment ? Par qui ? Pour que naisse quoi ? Les questions restent ouvertes pour l’historien. Seulement, il estime nécessaire de passer par une mûre réflexion et d’éviter les erreurs du passé afin que renaisse une Afrique nouvelle. « Le Rwanda est un pays qui a été proche de l’abime, mais qui aujourd’hui tente de renaître non pas des cendres mais d’un tas d’ossements. Là-bas, on cherche à réanimer un amas d’os pour redonner vie... La question qui se pose dans la dynamique de reconstruction du bien social est : Sommes-nous obligés de passer par le prix colossal que les Rwandais ont payé pour ouvrir des voies d’avenir ? »

Alain Mabanckou partage les mêmes préoccupations que son ami camerounais. Dans son pays le Congo Brazzaville, l’écrivain s’offusque qu’un Président reste 32 ans au pouvoir. « Pendant que nous sommes ici ce n’est pas normal qu’un Président reste 32 ans au pouvoir comme au Con¬go Brazzaville », s’exprime-t-il.

« On me dit que je prépare des coups d’Etat avec des verbes, des sujets et des compléments… »

Venant d’un pays où la plupart des jeunes n’ont pas l’avantage d’avoir des discussions sur le monde, sur la question de la littérature, de la démocratie, le Congolais se dit envieux de la jeunesse sénégalaise : « J’envie cette sorte de liberté et de démocratie que vous avez au Sénégal pendant que, dans le bassin du Congo, on ne voit plus l’avenir… Au jour où je vous parle, Waberi ne peut pas rentrer à Djibouti parce que le Président est furieux contre lui. Je ne peux pas rentrer au Congo Braz¬zaville, parce qu’on me dit que je prépare des coups d’Etat avec des verbes, des sujets et des compléments… » « Les régimes comme ceux du Congo Braz¬zaville, du Gabon et de la Rdc sont champions en matière de coupures non pas d’électricité, mais d’internet et de facebook au moment des élections. Et plus, moins le pays a la population, comme le Congo Brazza à 4 ou 5 millions d’habitants, pour avoir les résultats des élections, on met 10 jours. Alors que dans un pays comme le Bénin plus de 10 millions, les résultats ne durent que 24h et même celui qui a perdu court vite pour le dire à la radio. Le problème de la jeunesse africaine, c’est qu’elle est prise en otage par ses dictateurs », constate-t-il. « Comment la jeunesse, l’avenir du continent peut s’en sortir ? », s’interroge-t’il alors. Tentant une réponse à sa propre question, Alain Mabanckou exhorte la jeunesse à refuser cette « dictature bananière » imposée et qui décapite tout rêve. Tout en gardant foi qu’un jour « la révolution du bassin du Congo va venir », l’écrivain recommande aux jeunes de s’appuyer sur leur culture pour s’en sortir. « La première denrée pour la réussite des jeunes c’est l’accès à la culture ».

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