Culture > Weekend culturel à Ségou : Le Centre Culturel Kôrè toujours fidèle à sa tradition

Weekend culturel à Ségou : Le Centre Culturel Kôrè toujours fidèle à sa tradition

lundi 9 septembre 2024, par Assane Koné

Ségou la capitale des 4444 balazans et capitale du Royaume historique Bambara, ne rate aucune occasion pour se positionner comme capitale culturelle du Mali. Et, la Fondation Festival sur le Niger est pour quelque chose. Très inspirée, et dans une programmation quasi-annuelle, elle assure une animation culturelle de haut niveau à Ségou, qui par la force des choses se positionne comme la ville où il fait bon de passer le weekend. Du 30 au 31 août 2024, il nous a été donné l’opportunité d’apprécier toute la maîtrise du Centre Culturel Kôrè de Ségou, dans le cadre de son weekend culturel devenu traditionnel, à assurer une animation culturelle de la ville que le public Ségouvien apprécie.

Le vendredi 30 août 2024, à partir de 21 h, le public a eu droit à une animation théâtrale et d’humour avec la troupe djonkola et Ségou yéléko. La troupe djonkola, dans une pièce intitulée « dobabela », dénonce la cupidité et la frivolité, à travers une mise en scène qui met aux prises deux familles : une femme et sa fille et un vieux commerçant et son fils alcoolique. Moralité : il ne faut pas être avide d’argent et il ne faut jamais adopter des comportements amoraux parce que l’on est riche.

Malheureusement, cette morale n’est pas la chose la mieux partagée par de nombreux nouveaux riches. Et, par de nombreuses mères de familles cupides. Elles n’hésitent pas à vouloir monnayer les charmes de leurs progénitures féminines. Et, parfois à vouloir pousser l’outrecuidance à vouloir ravir les amants de leurs filles, au nom du Dieu « Argent ». Et, « dobabela », la leçon a été de taille pour le chef de famille qui croit tout avoir avec son enfant. Sa frivolité l’a conduit à vouloir prétendre épouser la copine de son fils alcoolique invétéré.

Quant à la troupe Ségou yeleko, dans une pièce qui dénonce les délits de faciès et l’amalgame, a abordé le fléau du terrorisme qui embrase le Mali de jour en jour. Comme des vases communicants, terroristes et séparatistes, se coalisent au quotidien pour mettre en péril la sécurité humaine en posant des mines dans un désordre indescriptible, où sévit le viol au quotidien. Fort heureusement, cette nouvelle Alliance entre les Mali, le Burkina et le Niger, AES, n’échouera pas et mettra hors d’état de nuire la horde terroriste.

Ces deux pièces de théâtres ont cédé les planches à une soirée slam animée par trois groupes de slam : Balanzan slam, Fanta Mariko et Karma slam.

Ségou est en passe de devenir terre du slam au Mali

Bamako doit se réveiller. Ségou est en passe de devenir une terre de slam au Mali. En tout cas, la sélection d’artistes slameurs proposés à la faveur du weekend culturel des 30 et 34 août 2024, a fini par convaincre les sceptiques que nous étions, lorsque nous avons vu l’affiche qui annonçait une soirée slam, sans les grands noms de Bamako. Nous étions en erreur d’imaginer que la capitale des Balazans n’avait pas la capacité de proposer des artistes de haut niveau dans ce genre artiste très select. Mais, ils sont bons, ces jeunes artistes de Ségou. Et, l’espoir est que les groupes rivalisent d’ardeur pour occuper le haut du podium, malgré leur talent qui ferait d’eux les meilleurs sous d’autres cieux.

Le Premier à émerveiller la salle ce soir-là est Karamoko Youssouf Traoré. Membre influent de la crème du slam à Ségou, Karamoko Youssouf Traoré ou Karma slam a été le premier à monter sur scène, avec son spectacle dédié à « Kuma », la parole. Mais, dans une stratégie de faire la promotion, sûrement de l’un de ses poulains, le temps de changer de costume, il a fait monter sur scène FK slam qui a émerveillé la salle par son talent, avec des slams conçus et bien conçus dans la langue Bamanakan. Pour le moment méconnu au-delà des limites de Ségou, nous sommes convaincus que cela ne saurait durer, tant il a du talent à revendre aux maliens. Mais, wait and see. Sur son talent, nous n’avons rien à dire. Il est émerveillant dans sa maîtrise du bamanakan qu’il utilise à souhait. Et, vous aurez l’occasion de le découvrir bientôt.

Dans un texte qui s’inspire d’un match de football ou du mercanto, karma slam, revenu sur scène après la prouesse de son Poulin, qu’il présente volontiers comme le meilleur d’entre-deux, a retracé sa vie dans ses hauts et ses bas. Mais, pour convaincre de son talent, il a collecté des mots du public pour séance tenante monté un texte de slam qui a émerveillé la salle. Mais, les spectateurs étaient loin de finir avec les surprises ce soir-là, quand Fanta Mariko est arrivée sur scène.

Fanta Mariko, la slameuse de Ségou

Fanta Mariko est fait sûrement parti du groupe de ces artistes du slam malien qui placent la barre très haut. Déjà, par son choix de faire accompagner ses paroles par une musique bien rythmique d’un pianiste, elle nous rappelle une pionnière que nous nommons Fatoumata Keita. Ecrivaine de son état, et aujourd’hui connue et appréciée par les amoureux des belles lettres, cette artistes, il de cela quelques années, nous a surpris avec un concept où elle invitait un musicien à l’accompagne lorsqu’elle déclamait ses poèmes. Elle l’avait dénommé « Plusique ». Et, je crois que cette approche commence à faire des émules à Ségou.

Dans tous les cas, nous avons vu une Fanta Mariko, qui en plus de se faire accompagner d’un piano, a franchi un cap, en nous proposant du slam dansant. En tout, il va falloir qu’elle explore davantage ce filon pour faire la différence avec de nombreux slameurs. En plus de la beauté de ses textes et de la musique, si elle parvenait à faire danser ses fans, ce sera un coup de poker gagnant.

Bon, mais, déjà, en utilisant un pianiste pour l’accompagner sur scène, elle a volontairement choisi de nous faire un slam qui nous emporte dans ses envolés lyriques qui se marient si bien au son du piano qui l’accompagnent. Elle a aussi pris la peine de travailler sa présence scénique qui se marie si bien au jeu de mot qu’elle utilise avec des intonations qui colorent son discours.

He oui, cette jeune artiste, semble savoir où aller. Elle ne fait rien par hasard sur la scène. Avec son slam dansant, elle impose son tempo à la salle, dans un hommage qu’elle rend au slam qui vit dans son esprit. Mais, elle a eu la merveilleuse manière de faire sortir son slam de son esprit pour contaminer une salle en joie. Effectivement, son style particulier de slam, captivant, et surtout dansant, ne peut vivre que dans un esprit, celui de Fanta Mariko, pour être un donneur universel, qui ne manque pas d’inviter de s’approcher, d’écouter et d’apprendre. Nous pensons que le public de Ségou s’est invité à s’approcher, à écouter et à apprendre.

Mais, elle a aussi la maîtrise d’une technique qui donne de la valeur ajoutée à son jeu devant un public malien. Sa technique de traduction simultanée du bambara au français et vice versa, donne de la valeur ajoutée à son style qui reste des plus impressionnante pour celui ou celle qui la découvre pour la première fois. Et, cela est important pour aider le slam à conquérir des espaces et des cœurs.

Mais, aussi très à cheval sur son époque, et surtout très taquine, elle ne s’est pas fait prier pour aborder des sujets qui pourraient fâcher : la question de la frivolité de certains hommes et de certaines femmes. Et, oui, artistiquement parlant, elle a eu le baume nécessaire pour faire passer sa pilule sans écorcher les susceptibilités des uns et des autres. Dans une magie artistique qu’elle a transformée en un jeu, l’artiste a invité le public à participer au spectacle.

Aussi, très provocatrice, mais très courtoise, elle n’a pas eu besoin de chercher une manière ostentatoire pour dénoncer la banalité dont est victime le sexe. Pédagogue dans sa démarche, elle va inviter des chants du terroir qui donnent des conseils aux jeunes filles pour se mettre à l’abri de la perversité.

Et, pour boucler la boucle, ce soir-là, Balanzan slam, le dernier groupe à monter sur scène, a proposé un texte qui dénonce le commerce du sexe, au Mali et à l’international. Décidément, il y a quelque chose qui se passe autour du sexe qui commence à révolter la jeunesse malienne. Pratiquement, tous les groupes de slam ont abordé la question, chacun à sa manière.

Balanzan slam a fait prendre une balle perdue au phénomène de l’homosexualité, dans son spectacle qui n’est pas passé par quatre chemins pour dire que cela ne rime pas avec nos cultures et nos conceptions des relations amoureuses. A limite convaincu de la perversité du monde et de nos sociétés, Balanzan slam invite Dieu à produire l’enfer sur terre pour sonner le glas, parce que l’humain est menacé par l’inhumain.

Mais, heureusement, les artistes de Balanzan slam tiennent à la vie et à sa beauté. Dans un texte plus conciliant, ils ont rendu hommage aux militaires, aux soldats toujours au front, dans un mental forgé dans l’âme du combattant, pour sauver une population à la merci de violences inimaginables.

Ce fut une belle soirée de slams qui a prouvé tout le talent exceptionnel des jeunes de Ségou. Slam.

Assane Koné


Voir en ligne : Weekend culturel à Ségou : Le Centre Culturel Kôrè toujours fidèle à sa tradition

Portfolio

Qui êtes-vous ?
Ajoutez votre commentaire ici

Ce champ accepte les raccourcis SPIP {{gras}} {italique} -*liste [texte->url] <quote> <code> et le code HTML <q> <del> <ins>. Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.