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Rentrée diplomatique 2023 : Mettre la puissance culturelle du Mali au service de l’action extérieure

mardi 24 janvier 2023, par Assane Koné

S’il y a un secteur dans lequel le Mali peut s’enorgueillir d’avoir un excellent avantage comparatif, c’est bien celui de la Culture. Et, décider de servir la promotion de cette culture et de s’en servir pour l’action diplomatique du pays, est une prise de conscience capitale qui va repositionner notre pays dans le concert des nations. L’histoire retiendra que le 21 janvier 2023, sous la houlette de Abdoulaye Diop, Ministre des Affaires Étrangères et de la Coopération Internationale et sous le haut parrainage du Colonel Assimi Goïta, Président de la Transition et Chef de l’Etat, le Centre Culturel Kôrè de Ségou a abrité la Première édition de la Rentrée Diplomatique du Mali sous le thème : « Faire de la culture un outil d’influence au service de l’action extérieure du Mali ».

Dans sa volonté de redynamiser le dialogue entre le Mali et ses partenaires internationaux et à renforcer l’image et la crédibilité de notre pays, ouvert à tous les partenariats qui alignent leurs activités sur les priorités nationales, le Ministère des Affaires Étrangères et de la Coopération Internationale, a organisé, en collaboration avec le Ministère de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie Hôtelière et du Tourisme, sa première Rentrée diplomatique à Ségou, sous le thème « Faire de la culture un outil d’influence au service de l’action extérieure du Mali ».

Pour cette initiative, Abdoulaye Diop, Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale, avait à ses côtés Andogoly Guindo, Ministre de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie Hôtelière et du Tourisme et Alhamdou AG ILYENE, Ministre des maliens de l’extérieur et de l’Intégration africaine.

« C’est un immense plaisir pour la ville de Ségou d’accueillir cet événement inédit, de haute portée diplomatique et culturelle pour notre pays, le Mali à l’heure de la refondation et de l’affirmation de sa souveraineté retrouvée”, a indiqué a déclaré Nouhoun Diarra, Maire de la Commune urbaine de Ségou. Il a estimé que “plus qu’une innovation, il s’agit là d’une vision éclairée de nos plus hautes autorités, sous l’impulsion du Président de la transition, Chef de l’Etat, S.E, Colonel Assimi GOITA, résolument engagé à promouvoir l’ influence et l’image de marque du Mali à travers une diplomatie performante qui s’inspire de la richesse et de la diversité de son patrimoine culturel”.

Pour sa part, Birame Mbagnick Diagne, Ambassadeur du Sénégal au Mali et vice Doyen du corps diplomatique en poste au Mali, a indiqué qu’en cinq années d’exercice comme ambassadeur du Sénégal au Mali, c’est la première fois qu’il assiste à un tel évènement. « C’est une grande première qui mérite d’être magnifiée », a-t-il déclaré. Il a rappelé que l’année 2023 est une année charnière pour la transition. Selon lui, ce sera une année remplie de bonnes promesses et d’espoirs pour le peuple malien.

Il a salué l’originalité d’organiser une rentrée diplomatique axée sur un thème invitant à réfléchir sur « comment faire de la culture un outil d’influence au service de l’action extérieur du Mali ». Selon lui, jusqu’à récemment ils étaient plutôt habitués à la diplomatie classique marquée essentiellement par les négociations et la représentation, et la diplomatie économique. « Et pourtant qu’on en soit conscient ou pas, la culture est au cœur de la diplomatie », a-t-il déclaré. Avant d’ajouter que la diplomatie présentée comme un jeu d’intérêt, porte en réalité sur les aspirations des états et de leurs peuples, leurs croyances, leur identité, bref sur la préservation de leur essence. Il a rappelé que lorsque les stratèges militaires de la grande Bretagne avait suggéré a Churchill de couper le budget de la culture pour faire face à l’effort de guerre, sa réponse a été cinglante : « donc arrêtons de faire la guerre car nous nous battons pour notre essence ».

Pour cela, il dira que « la culture est au cœur de l’action donc et par conséquent elle ne saurait être détachée de notre action vis-à-vis de l’extérieur. Au contraire ceux qui l’ont compris en ont fait un véritable levier de développement ». Et, de rappeler qu’un pays comme le Mali, terre de trois grands empires, très riche d’une culture multiséculaire aura certainement énormément de choses à vendre à travers son patrimoine historique, son art, sa littérature florissante, son artisanat assez original, sa musique, sa diversité sociologique, entre autres facettes culturelles qui font déjà la fierté de ce pays. Il a salué les autorités maliennes pour cette vision qui ne manquera certainement pas d’impacter positivement la destination du Mali, son développement et sa cohésion sociale.

« Terre de rencontres, le Mali a toujours été un foyer dynamique de créativité »

« Le thème hautement évocateur de cette Rentrée 2023 invoque aussi la capacité de la culture à transformer les relations entre Etats et à bâtir des ponts entre les peuples », a déclaré Andogoly Guindo, Ministre de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie Hôtelière et du Tourisme. Avant de s’interroger : « la diplomatie culturelle ne vise-t-elle pas, dans le cadre de la politique étrangère, l’exportation de données représentatives de la culture nationale, et à la création des interactions avec d’autres pays ? ». Il a indiqué que dans un monde en proie à la globalisation, marqué par des crises multiformes et multidimensionnelles (sécuritaire, sanitaire, identitaire, politique, économique, sociale, culturelle, diplomatique …), la revitalisation et la revalorisation de l’atout stratégique que représentent notre riche patrimoine culturel, nos emblématiques savoir-faire ancestraux, sont devenues plus que jamais une nécessité pour l’affirmation de notre souveraineté totale et entière.

Il a rappelé que le patrimoine culturel riche et diversifié du Mali, comprend d’innombrables ressources archéologiques couvrant une vaste séquence chronologique allant du paléolithique aux périodes historiques, des éléments d’architecture de terre composés de prestigieuses mosquées, de maisons monumentales et de célèbres églises, des lieux de mémoire, des paysages culturels et naturels, des routes et itinéraires culturels. Selon le Ministre en charge de la culture, cet éventail est complété par d’impressionnants éléments immatériels, fruits du génie créateur malien (cultes, rites, fêtes et festivals) qui rythment la vie des différentes communautés et traduisent leurs croyances et visions du monde. « Notre pays dispose de quatorze biens classés au patrimoine de l’UNESCO dont quatre grands sites de valeur exceptionnelle et dix éléments immatériels, trente-neuf (39) classés dans le patrimoine culturel national et plus de 300 biens inscrits à l’inventaire », a-t-il déclaré. Il a aussi mis l’accent sur le fait que le Mali compte des dizaines de musées renfermant des milliers d’objets archéologiques et ethnographique de grande valeur historique, architectural, socioculturel et spirituel.

Selon le Ministre de la culture, « terre de rencontres, le Mali a toujours été un foyer dynamique de créativité. La culture malienne irrigue le monde grâce à sa musique, son cinéma, ses beaux-arts ». Il a levé le voile sur le nom de certains artistes maliens de dimension mondiale, qu’il a présenté comme les Ambassadeurs de la culture malienne. Ce sont : Salif KÉÏTA, Ali Farka TOURÉ, Oumou SANGARÉ, Rokia TRAORÉ, Habib KOÏTE, Ami KOÏTA, Fatoumata DIAWARA, Amadou et Mariam, Toumani DIABATE, Sidiki DIABATE, Bassékou KOUYATE, Iba ONE, Master SOUMY et, Souleymane CISSE, Cheick Oumar SISSOKO, Abdoulaye KONATE

Il a ajouté que la culture malienne dense, d’une vitalité rare fonde harmonieusement notre identité commune et que d’aucuns appellent si opportunément « l’exception malienne ». Mais, il a regretté le fait que nombre d’entre nous, y compris souvent les décideurs, n’ont qu’une perception folklorique de la dimension de notre culture, de notre histoire et de notre patrimoine culturel qu’ils n’hésitent pas à la confiner dans les loisirs et les divertissements. A ce sujet, il a rappelé qu’en 2006 devant l’Assemblée nationale du Mali Michaelle Jean, ancienne Gouverneure générale du Canada, a indiqué : « le Mali jouit d’une réputation dans le monde, dont seuls les maliens n’ont pas conscience ».

« La culture est un puissant marqueur d’identité et un levier de développement sur lequel une société exprime son originalité et son rapport au monde »

Le Ministre en charge de la culture a mis l’accent sur le fait que « La culture est un puissant marqueur d’identité et un levier de développement sur lequel une société exprime son originalité et son rapport au monde ». Selon lui, c’est le socle sur lequel elle fonde son organisation, et c’est elle qui détermine le style du développement. Donc, avec la richesse culturelle dont dispose le Mali, le Ministre a estimé qu’il ne peut être qu’attractif. « C’est un atout stratégique majeur que nous nous devons de défendre, de valoriser, de faire croitre », a-t-il déclaré. Avant d’indiquer que « l’influence est aujourd’hui au cœur de la compétition internationale ». Et, dans un tel contexte, il dira qu’ « il nous revient de faire de la diplomatie culturelle une diplomatie d’influence, c’est-à-dire la continuation de la diplomatie, aussi par la culture ». Selon lui, une diplomatie efficace comme le disait un Ambassadeur, ne s’adresse pas seulement aux États mais aux peuples. « Elle favorise la compréhension mutuelle, elle permet d’humaniser davantage les relations internationales, de laver les clichés », a-t-il estimé.

Le Ministre en charge de la culture est convaincu que « notre culture est si riche et diversifiée qu’elle peut mieux que d’autres aspects, servir au rayonnement de notre pays pourvu qu’elle ne soit pas négligée ». Selon lui, elle est aussi une arme séculaire de prévention et de résolution des conflits dans notre pays.

Malheureusement, le constat est aujourd’hui amer. « Cette richesse culturelle ne se déploie pas d’une manière efficace, par manque de visibilité », a estimé le ministre de la culture. Avant d’ajouter qu’une diplomatie culturelle pertinente et ambitieuse pourrait être élaborée par le truchement d’une convergence intelligente de la culture et de la diplomatie, pour contribuer au rayonnement international de la culture malienne.

Pour cela il a fait une série de propositions. Ce sont : la diffusion de notre culture et de nos valeurs humanistes par une diplomatie d’influence, une diplomatie de résultats à travers des réseaux intégrés ; la création de vitrines culturelles dans nos représentations diplomatiques à l’étranger ; la désignation des Ambassadeurs de la culture malienne ; l’organisation de journées culturelles dans les pays où vive une forte communauté malienne ; la dotation des Ambassades et Consulats généraux de matériels promotionnels pour une meilleure visibilité de la culture malienne ; la nomination des cadres du Ministère de l’Artisanat, de la Culture, de l’industrie hôtelière et du Tourisme aux postes de Conseillers culturels dans les Ambassades ; l’organisation des expositions dans les Ambassades et Consulats généraux ; l’organisation des échanges culturels avec certains pays amis ; la dotation des Ambassades et Consulats généraux d’œuvres d’art représentatives de la culture malienne ; la participation des créateurs maliens aux rencontres culturelles etc.

« Œuvrer à valoriser le formidable potentiel offert par la diversité culturelle et la richesse du patrimoine malien »

« Les rentrées diplomatiques constituent traditionnellement l’occasion pour les Ministères des Affaires étrangères de rappeler les grandes lignes de leur action extérieure et d’envisager les perspectives », a indiqué Abdoulaye Diop, Ministre des Affaires Etrangères et de la Coopération Internationale. Il a ajouté qu’il s’agit pour l’outil diplomatique du Mali de mettre en œuvre la vision du Chef de l’Etat, particulièrement dans sa dimension relative à l’encadrement des partenariats noués par notre pays, et désormais axés sur les priorités nationales et le respect des trois principes clés qui guident l’action publique au Mali et notre relation avec le monde extérieur à savoir, le respect de la souveraineté du Mali ; le respect des choix stratégiques et des choix de partenaires du Mali ; la prise en compte des intérêts vitaux du Peuple malien dans les décisions prises.

Selon le Ministre en charge des Affaires étrangères, cette démarche impulsée par les plus hautes autorités s’inscrit dans le cadre d’échanges francs et permanents, d’écoute mutuelle, de sincérité et de respect réciproque afin que la satisfaction des intérêts respectifs et des besoins vitaux de nos populations soit au cœur de notre action. « Comme vous le savez, la mise en œuvre de l’ambition du Gouvernement de parvenir à la prise en charge des attentes légitimes des Maliennes et des Maliens est entravée par la persistance de la crise multiforme à laquelle la région du Sahel et particulièrement le Mali sont confrontés depuis 2012 », a-t-il déclaré. Il a ajouté que le Mali a très tôt compris que la seule réponse militaire, certes nécessaire, voire indispensable, ne suffirait pas à régler les défis auxquels nous faisons face. Selon lui, en complément aux aspects sécuritaires, le Gouvernement renforce progressivement la dimension « soft power » de son approche et, à cet égard, met un accent croissant sur la culture comme facteur de paix, de cohésion sociale et de renforcement de l’unité nationale. « Cette dynamique nous a ainsi fondé à placer la première édition de la Rentrée diplomatique sous le sceau de la complémentarité entre la diplomatie et la culture, en retenant le thème ‘’Faire de la culture un outil d’influence au service de l’action extérieure du Mali’’ », a-t-il déclaré.

Il a précisé qu’à travers cette thématique, le Ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, en étroite collaboration avec le Ministère de l’Artisanat, de la Culture, de l’Industrie hôtelière et du Tourisme œuvre à valoriser le formidable potentiel offert par la diversité culturelle et la richesse du patrimoine malien. Le Ministre de la Culture a éloquemment évoqué les atouts de l’offre culturelle de notre pays, héritier de grands royaumes et empires, pétri de traditions et civilisations millénaires qui se sont consolidées au contact de l’autre.

Il a estimé que le Mali est ce pays qui a toujours été et reste ouvert au monde, un pays qui s’enrichit du brassage culturel et de la diversité. Selon lui, cette constance dans l’hospitalité et dans la volonté de se rapprocher davantage les uns des autres a été réaffirmée par les Maliens à la faveur des Assises nationales de la refondation, à l’issue desquelles ce sont plus d’une douzaine de recommandations fortes qui ont été proposées pour le seul secteur de la culture. « C’est vous dire combien les Maliens ont à cœur de sauvegarder, de valoriser et de partager leur culture », a-t-il déclaré. Avant d’ajouter que pour sa part, l’outil diplomatique jouera toute sa partition, et à cet effet la présente Rentrée diplomatique est une étape du processus visant la codification de la diplomatie culturelle et sa mise en œuvre en tant que priorité de notre politique extérieure. « La réalisation des activités relatives à la valorisation de la culture, à la promotion de la destination Mali et à l’amélioration de l’image du pays, entre autres missions phares, fait déjà partie du corpus de missions que les structures centrales et extérieures du Ministère des Affaires étrangères exécutent au quotidien », a-t-il déclaré.

Il a rappelé que l’apport de la culture à l’économie est considérable. Selon lui, elle représente un levier essentiel du développement d’un pays en contribuant à sa stabilité, y compris à travers des emplois offerts à de nombreuses personnes qui échappent ainsi aux recrutements des groupes obscurantistes. Et, à cet égard, il a rappelé et partagé la conviction de Mamou DAFFÉ, Fondateur du Festival sur le Niger : « La culture est le plus grand trésor et la plus grande richesse qui demeurera après l’exploitation de toutes les autres richesses naturelles et minières ».

Le Ministre en charge des Affaires étrangères n’a pas hésité à se demander si l’explication de l’extraordinaire résilience de notre pays et de notre peuple n’est-elle pas à rechercher dans la vitalité de notre culture et la richesse de son histoire ? Et, d’ajouter si « notre quête permanente de souveraineté, de respect, de dignité et de grandeur ne trouve-t-elle pas ses origines dans notre héritage historique et culturel ? ». Il a indiqué qu’il est persuadé que le problème de l’Afrique n’est pas économique sinon comment comprendre le paradoxe d’une population pauvre ou même appauvrie, assise sur d’immenses richesses naturelles et minières ?

Face à un tel paradoxe, le Ministre Abdoulaye Diop est convaincu que ce dont l’Afrique a besoin n’est pas un ajustement structurel mais un ajustement culturel. « Le premier pas vers l’ajustement culturel est le changement de paradigme, du regard que nous portons sur nous-mêmes. C’est également la prise de conscience de qui nous sommes, d’où nous venons et où nous voulons aller », a-t-il déclaré. Avant d’ajouter que « rien de tout cela n’est possible si nous ne reprenons pas confiance en nous-mêmes pour sortir définitivement et sans complexe des schémas de domination et de prédation faisant de nous un réservoir dont tout le monde peut se servir au détriment des intérêts vitaux de nos populations ». Et, de déclarer que « le partenariat d’égal à égal et gagnant-gagnant auquel nous aspirons est à ce prix ».

Pour ce qui concerne le Mali, il a indiqué que leur rôle, en qualité de diplomates, sera entre autres de promouvoir les atouts du Mali, de communiquer davantage et de manière plus homogène sur les opportunités et le cadre incitatif d’investissement dans le domaine de la culture, de faciliter la mise en relation entre les acteurs nationaux et les partenaires extérieurs. « Ce faisant, nous avons à cœur de nous appuyer sur les acteurs privés opérant dans le domaine et qui sont, dans leur domaine d’expertises, de véritables trésors humains vivants et incontestablement des « Ambassadeurs de la culture malienne » parfois plus connus que les diplomates officiels », a-t-il déclaré.

Assane Koné


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