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Cinéma malien : Les derniers vœux de Souleymane Cissé

vendredi 21 février 2025, par Assane Koné

<< Nous invitons les autorités maliennes à investir dans la promotion et le développement du cinéma malien. En plus de la promotion de la production cinématographique que les autorités prennent toutes les dispositions pour doter le pays de salles de projection dignes de nom >>. Ces propos de Souleymane Cissé, le 19 février 2025, lors d’une conférence de presse, ont désormais l’allure de derniers vœux. Souleymane Cissé, icône mondiale du cinéma n’est plus de ce monde. Quelques heures, après avoir tenu ces propos, Souleymane Cissé, à la surprise générale, a décidé de nous quitter le 19 février 2025, aux environs de 16 heures, sans signes apparent de maladie. Et, du coup, sa conférence de presse du 19 février 2025, apparaît comme un choix délibéré de nous dire à toutes et tous au-revoir, à sa façon.

Réalisateur, il l’a été jusqu’à la fin de sa vie. Pour preuve, le film de cette journée fatidique que l’on pourrait titrer : L’aurevoir de Solo !

Oui, ce n’est qu’un aurevoir Boua, car << maachi ta Bali teh Ségou>>. Et, oui, Souleymane Cissé de Niamina. Souleymane Cissé de Bozola. Souleymane Cissé de Bamako. Souleymane Cissé du Mali. Souleymane Cissé d’Afrique. Souleymane Cissé du monde. Oui, nous partirons toutes et tous, un jour à Ségou. Et, Boua notre grand père, notre père, notre oncle , notre frère, notre époux, notre mari, mais à jamais notre artiste réalisateur hors pair, tu n’as fait que nous devancer. << Inshallah>>, par la volonté de nos ancêtres/mânes d’Afrique, nous te suivrons à tour de rôle.

Comme le grand baobab du Sahel, Niamina Solo s’est couché à jamais. Mais, en sa qualité d’éminent artiste, Boua Souleymane Cissé n’est pas mort. Il vit et il continuera de vivre à travers ses œuvres qui font de notre Maliba, une fierté du cinéma africain.

<< Je travaillerai, jusqu’à la dernière minute de ma vie>>. Il aimait le dire à certains de ses confidents. Boua a tenu parole. Pratiquement 3 à 4 heures, avant de nous quitter à jamais, il était devant les journalistes maliens, ses compagnons de tous les jours, ses complices dans certains de ses combats qui lui tiennent à cœur, pour animer une conférence de presse, à l’allure d’un testament. Mais, avec un prétexte tout trouver.

Même, pour nous dire aurevoir, Solo a fait une réalisation : son dernier film. Et, le plus pathétique. Une conférence de presse dont l’objectif était d’informer ses compatriotes maliennes et maliens, des récents hommages qui lui ont été rendus à travers le monde, avant de s’envoler pour Ouagadougou, où il devait présider le jury de la compétition long métrage de fiction, dans le cadre de la 29 ème édition du FESPACO. Or, en réalité, il était venu pour nous dire aurevoir, avec son aimable rire, dont-il était le seul à en détenir le secret.

Comme s’il savait ses heures comptées, il a fait une adresse aux jeunes réalisateurs maliens et formulé des voeux à l’intention des autorités maliennes pour le devenir du cinéma malien auquel il a consacré toute sa vie.

Qui pour réaliser les derniers vœux de Souleymane Cissé ?

<< Je vous salue et vous remercie pour votre mobilisation permanente quand l’UCECAO vous invite. Je prie Dieu que des dispositions soient prises au Mali pour le développement du cinéma>>, a-t-il indiqué dès l’entame de ses propos.

En effet, après avoir été honoré à Montréal en avril 2023 par un prix spécial remis par le festival Vue d’Afrique, puis au Festival de Cannes à la Quinzaine des Réalisateurs en mai 2023 pour l’ensemble de ses œuvres avec le prix Carrosse d’Or.

Au-delà du Canada, la France, le Silicon Valley African Film Festival à San José, lui a rendu hommage en octobre 2024, avec le prix de l’Icône Culturelle remis par le réalisateur nigérien Chike nwoffiah (fondateur du festival SVAFF).

Il faut dire que ce Festival est un événement annuel qui célèbre la riche diversité des cultures africaines par le biais du cinéma. Il présente une sélection de films d’Afrique et de la diaspora qui mettent en valeur la profondeur et la complexité des histoires africaines, offrant aux participants une occasion unique de découvrir de nouvelles perspectives et de s’immerger dans le monde vibrant du cinéma africain.

En marge de ce festival aux Etats-Unis plus précisément à San Francisco en Californie, Souleymane et trois autres de ses confrères ont reçu le prix de l’Icône culturelle dont l’acteur Sud-Africain, Jon kani du film Black Panther sous le non de king tchaka, Julie Dash productrice et réalisatrice africaine-américaine, et l’acteur nigérien Richard Mofe-Damijo

Le 15 février 2025 à Banjul, la mission médicale Sunu Reew qui signifie <> en wollof, lui a octroyé un prix honorifique. Sunu Reew a mis en marche les soins de santé et la narration culturelle en Gambie, pour célébrer l’art et la culture soulignant comment le pouvoir de la narration et de l’échange culturel peut transformer les résultats en matière de soins de santé.

Lors de la conférence de presse, Souleymane Cissé s’est félicité d’avoir eu la chance de faire partie des africains qui ont été sélectionnés pour bénéficier d’une distinction honorifique au << Silicon Valley African Film Festival>> aux Etats-unis d’Amérique et de cet autre trophée qui lui a été remis par des médecins gambiens. << A travers ma modeste personne, ces honneurs sont pour le Mali. Si j’ai été respecté, c’est le Mali qui a été honoré. Et, ces honneurs, nous les partageons toutes et tous>>, a-t-il indiqué. Avant d’ajouter qu’il a décidé d’ informer ses compatriotes pour ces honneurs rendus au Mali, avant d’aller à Ouagadougou, où il sera le président du jury des films longs métrages de fictions. << Si Ouagadougou a décidé de me faire président de Jury, c’est un honneur pour moi et pour le Mali. Je salue tous ceux qui m’ont honoré. Que Dieu les honore >>, a-t-il déclaré.

Hélas, Dieu en décidé autrement. Solo n’ira pas à Ouagadougou, cette ville qui l’a vu monter à deux reprises sur les hautes marches du podium du Fespaco, pour brandir l’étalon, le prestigieux prix du cinéma africain : Baara, en 1978 et Finyè en 1982.

En sa qualité de président de jury, ce refusant de tous commentaires de nature à mettre en cause son impartialité, Souleymane Cissé dira aux journalistes : << Je n’ai vu aucun des films en compétition d’abord. Mais, je prie Dieu que ce soit un très bon festival au regard de la qualité des films qui seront proposés au public>>.

Et, immédiatement, il a ajouté : << Nous invitons les autorités maliennes à s’investir dans la promotion et le développement du cinéma malien. En plus des dispositions pour la promotion de la production de films de qualité, il va falloir que les autorités prennent toutes les dispositions pour doter le pays de salles de projection dignes de nom>>.

Et, comme en signe d’au revoir, Badara Alou Diakité, Directeur General Adjoint du Centre national du cinéma malien (CNCM), au nom de l’administration en charge de gérer le cinéma malien, ne croyait pas si bien dire à cette conférence de presse, << Notre père Souleymane Cissé est une icône du cinéma et cela est connu de tous. Mais que des américains et des gambiens l’invitent pour l’honorer, cela est un honneur pour le Mali. Nous le saluons et le félicitons pour tout l’honneur qu’il a fait au Mali>>.

Dans la même veine, Alou Konaté dit André, président de la FENACAM, de renchérir : << Souleymane Cissé est a félicité pour son engagement pour le Mali. La preuve, il n’a pas présenté ces trophées comme des victoires personnelles. Mais, comme des succès pour le Mali>>. Et, d’ajouter : << J’invite la jeunesse malienne à venir à l’école de cette valeur sûre du cinéma mondial>>. Et, oui, Dieu, notre père a certes entendu André, mais a décidé de ne pas donner la chance aux jeunes maliens de continuer à bénéficier de l’immense talent de Souleymane Cissé.

Mais, qu’à cela ne tienne, Badara Alou Diakité, DGA du CNCM, fera remarquer que Solo, à son âge, en sollicitant des espaces de diffusion, notamment des salles pour le cinéma malien, cela est pour l’épanouissement de la jeunesse malienne. << Je profite de cet espace pour dire que le Mali a 7 salles de cinéma à travers le pays et qui appartiennent au CNCM. Nous invitons les autorités à moderniser ces salles à l’image des terrains de football>>, a-t-il ajouté, sous un regard approbateur de Souleymane Cissé.

Pour tous ceux qui n’ont pas eu la chance de connaître Souleymane Cissé et son œuvre cinématographique, lisez cette traduction intégral de l’anglais au français de la résolution qui lui a été décerné lors de la 15 ème édition du festival annuel du film africain de la Silicone Valley

Résolution

Considérant que, lors du 15 ème Festival annuel du film africain de la Silicon Valley, Souleymane Cissé sera honoré pour ses contributions légendaires à l’industrie du divertissement, et en reconnaissance de cela, il mérite des félicitations publiques spéciales ;

Le festival annuel du film africain de la Silicone Valley qui a pour thème l’Afrique à travers les bons africains, s’efforce de promouvoir la compréhension et l’appréciation de l’Afrique et des Africains à travers des images en mouvement.

Du 10 au 13 octobre 2024, il présentera 85 films de 38 pays lors de la célébration de son quinzième anniversaire, et

Considérant que Souleymane Cissé, cinéaste malien visionnaire dont le travail révolutionnaire lui a valu une renommée internationale et un héritage durable dans le cinéma africain, a réalisé neuf films au cours de sa carrière de cinq décennies, son œuvre la plus remarquable, Yeelen, devenant une référence dans le cinéma mondial et remportant le Prix du Jury 1987 au Festival de Cannes, premier film africain à recevoir une reconnaissance aussi prestigieuse ;

Considérant que, né à Bamako, au Mali, en 1940, Souleymane Cissé a passé ses premières années à Dakar, au Sénégal, avant de revenir au Mali après l’indépendance du pays en 1960, et que si son amour pour le cinéma s’est épanoui pendant son séjour à Dakar, il a ensuite poursuivi des études de cinéma formelles à Moscou, en Union soviétique, sous le mentorat du célèbre réalisateur Mark Donskoy, adoptant une combinaison unique d’influences cinématographiques africaines et soviétiques qui ont contribué à façonner sa voix distincte en tant que cinéaste ;

Considérant que les premiers films de Souleymane Cissé, tels que Den Muso en 1975 - pour lequel il a été censuré et emprisonné - et Baara en 1978, illustrent le réalisme social couramment observé dans le cinéma francophone d’Afrique de l’Ouest au cours des années 1970, une œuvre qui explore souvent les thèmes de la justice sociale, de la corruption et de la dynamique du pouvoir, avec des éléments symboliques complexes tissés tout au long, et dans des œuvres telles que Finyé en 1982, sa narration a créé des récits qui remettent en question la simple catégorisation des philosophies politiques et spirituelles ;

Considérant qu’en 2023, Souleymane Cissé a reçu le prestigieux Carrosse d’Or au Festival de Cannes, rejoignant ainsi les rangs d’autres cinéastes estimés avec cet honneur qui célèbre les réalisateurs visionnaires qui ont apporté des contributions audacieuses au cinéma, témoignant de son influence sur le cinéma mondial ;

Considérant que, grâce à ses réalisations remarquables en tant que cinéaste brillant et en tant qu’individu aux fortes valeurs morales, Souleymane Cissé est devenu un modèle positif pour les jeunes qui s’efforcent d’atteindre leur plus haut potentiel ; maintenant, par conséquent, qu’il soit résolu par les membres de l’Assemblée Ash Kalra et Mare Berman, que Souleymane Cissé soit félicité pour ses réalisations exceptionnelles au sein de l’industrie cinématographique et applaudi pour ses talents remarquables, son style impeccable et son engagement envers la narration africaine qui ont fourni un divertissement mémorable à son public et à de nombreux fans dévoués>>.

Et, c’est ça Souleymane. Paix éternelle à ton âme Boua.

Assane Koné


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