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COVID-19 : La détresse du secteur des transports au Mali

mardi 27 octobre 2020, par Assane Koné

En mars 2020, la Présidence de la République du Mali, par le biais du ministère des Transports et de la mobilité urbaine, a pris un arrêté visant les transports en commun. Il imposait la réduction du nombre de passagers dans les différents cars, taxis, sotramas, durunis, etc. Cette restriction constituait un réel manque à gagner pour les transporteurs. À cela s’est ajouté pendant quelque temps un couvre-feu de 21h à 5h du matin. Pour savoir comment étaient appliquées ces mesures, nous nous sommes rendus dans différentes « places » de Bamako.

L’apparition de la maladie à coronavirus, communément appelée Covid-19, au Mali a suscité des changements autant comportementaux que dans les différents secteurs de la sphère professionnelle. La pandémie a touché notamment le transport en commun à différents niveaux, avec l’instauration du couvre-feu, le manque de passagers et l’arrêté ministériel visant la restriction de leur nombre dans les moyens de transport. Les professionnels du secteur décrivent des conditions de travail plus dures et moins rentables. « Nous devons être en mesure de réinventer notre outil de défense économique contre les conséquences financières. Car le coronavirus peut impacter l’économie du transport », a déclaré l’économiste-chercheur Etienne Fakaba Sissoko au Centre de recherches et d’analyses politiques, économiques et sociales (CRAPES), chez notre confrère du Studio Tamani.

Afin de limiter la propagation du virus, le gouvernement malien avait décidé d’instaurer un couvre-feu de 21h à 5h du matin. Ce qui n’a pas été du goût des transporteurs de nuit, notamment les taxis. Issa Diarra, un taximan, estime que la levée du couvre-feu a été un soulagement. « Durant cette période, nous avons moins gagné que d’habitude », a-t-il déclaré. Pour sa part, Bourama Sanogo a estimé : « On avait besoin que le couvre-feu soit levé ». Selon lui, la majeure partie des taximen arrivent à payer le loyer et la nourriture grâce à ce qu’ils gagnent en travaillant la nuit. Il affirme qu’ils souffrent aussi du manque de passagers à cause de la maladie. « Certains clients refusent de monter dans le taxi dès qu’il y a deux personnes », a-t-il révélé.

Le Conseil malien des transports routiers (CMTR) regroupe plusieurs catégories de transporteurs. Son Vice-président, Aly Bocoum affirme que « la Covid-19 a impacté négativement le secteur du transport routier au Mali ». Il va même plus loin en affirmant que ce secteur est le plus durement touché par la pandémie.

« Avez-vous augmenté les prix des transports pour pallier un peu les pertes ? ». À cette question, il répond : « nous n’avons ajouté aucun franc au prix initial des billets. Ce qui fait que nous voyageons à perte. Nous faisons avec toutes les difficultés qu’il y a pour permettre aux Maliens de voyager où ils le veulent à l’intérieur du pays. C’est pourquoi il nous a été difficile d’imposer cette limitation du nombre de passagers à nos différentes sociétés membres ». Avant de conclure « c’est notre devoir de permettre aux gens de voyager partout ».

« Nous avons demandé à l’État de surseoir pour cette année à la vignette, mais il a tout bonnement refusé nos doléances. Et nous payons des vignettes pour des cars à l’arrêt », dit le vice-président Bocoum, qui estime que les transporteurs du Mali sont des « orphelins ». « Il n’y a pas un État de la sous-région qui n’a pas apporté une assistance au secteur du transport. Récemment, le Burkina Faso a octroyé une assistance de 5,5 milliards de francs CFA aux transporteurs terrestres ».

Les chauffeurs face à la restriction du nombre de passagers

Comme dans tout autre pays de la sous-région, les taxis au Mali comptent cinq places. Le ministère a décidé que les taximen ne devaient plus prendre que deux passagers en plus du chauffeur. Cette mesure reçoit son lot de critiques. « Je respecte les consignes données, même si cela a un impact sur le gain », souligne le chauffeur Bafing Doumbia. De son côté, Issa Diallo, un autre taximan, estime que respecter les mesures prises par le ministère est un acte de civisme. Mais, il ajoute que le Mali est un pays pauvre, c’est pourquoi il est très difficile de respecter certaines mesures. « Certains propriétaires ont choisi de baisser la recette journalière, tandis que d’autres ne l’ont pas accepté », affirme Monsieur Diallo. Avant de préciser que s’il trouve des passagers pouvant remplir son taxi, il les prend sans hésiter. Il conclut en affirmant que le Mali est dans les mains de Dieu face à cette maladie. Pour Amadou Doumbia, s’ils ne peuvent pas respecter ces consignes, c’est parce que les prix des pièces automobiles et de l’assurance sont très élevés.

« Je peux transporter 20 personnes. Si on demande de n’en prendre que la moitié, ça ne peut pas marcher », affirme Drissa Keita, chauffeur de sotrama. Il continue en disant qu’il ne gagnerait rien à la fin de la journée. Madou Diarra dit ne pas être au courant de l’arrêté ministériel, ce qui explique qu’il transporte le nombre de passagers qu’il prenait d’habitude.

Pour les transporteurs de duruni, dans lesquels les places valent de l’or, il est difficile de mettre en pratique ces mesures, car pour eux cela signifierait arrêter leurs véhicules.

Les billetteries des différentes compagnies de transport interrégionales, voire internationales souffrent particulièrement de ces mesures. C’est le cas de la compagnie Express Touba, située au marché de Médina-coura, communément appelé « Sougounicoura ». Monsieur Camara, l’agent de la billetterie, montre, à travers son ordinateur, l’historique de ses voyages depuis le début de la crise sanitaire. Il ajoute que pour respecter les mesures, il faut avoir des clients, ce qui n’est pas le cas. « Nous avons des cars cloués au sol depuis un bon moment maintenant », a-t-il déclaré. Il conclut en affirmant qu’il est difficile pour eux d’assurer les fins de mois et de joindre les deux bouts.

Dramane Coulibaly alias Dra, de la compagnie Mandé Transports, dit respecter les mesures sanitaires instaurées par le gouvernement. Pour lui, la vie humaine surpasse toute autre préoccupation. « L’entrée de cette maladie sur le territoire malien est particulièrement néfaste pour nous, les transporteurs », a-t-il déclaré. Il a ajouté : « Nous avons équipé notre agence d’un kit de lavage des mains, mais aussi de gel hydro-alcoolique, sans pour autant augmenter le prix du transport ».

« Avant de rédiger l’arrêté et de le diffuser, nous avons d’abord eu une concertation avec les syndicats de transporteurs », dit une source au ministère. Elle ajoute que le ministère et les syndicats ont convenu d’une somme qui devait être allouée aux transporteurs afin de combler les pertes liées à l’application des mesures édictées par le gouvernement. « Nous avons envoyés les résultats de notre rencontre à la Présidence pour application, mais celle-ci tarde à se manifester ». Ce qui veut dire qu’il n’y a toujours pas de nouvelles concernant le fonds prévisionnel destiné aux transporteurs.

Bakary SAMATE


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