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Justice populaire : Désaffection de la population pour l’Etat

lundi 18 août 2014, par Assane Koné

La justice populaire est en recrudescence au Mali, en particulier dans la ville de Bamako. Devenue une alternative acceptable ou inacceptable (c’est selon), elle montre que les gens ne font plus confiance aux forces de l’ordre, ni au système judiciaire minés par la corruption.

Les cas de vindicte collective se succèdent et défraient la chronique au Mali. Pas plus tard que le vendredi passé, la justice populaire a encore fait parler d’elle. Le malfrat Soumaila Dembélé dit Soumi, complice du terroriste Wadoussène dans l’évasion de la grande prison de Bamako, a, en effet, été lynché par une foule déchainée à Golonina (Bamako), au moment même où la sécurité d’Etat l’appréhendait. Un fait divers qui est loin d’être un cas isolé et on aurait tort de négliger ce phénomène qui prend de l’ampleur. Les causes de ce déchaînement collectif sont connues. Tout d’abord, la population est excédée par les manifestations incessantes d’insécurité. Ensuite, elle a fini par intérioriser le fait qu’elle ne peut plus compter sur un Etat en pleine déliquescence. Par ailleurs, la population constate que les forces de l’ordre n’assurent plus la protection quotidienne des biens et des personnes dans les villes et dans les campagnes. Enfin, elle se rend à l’évidence que la justice n’est pas à la hauteur des attentes. Voilà pourquoi au seul cri de « au voleur », les « malfrats » sont lynchés par la foule, le plus souvent en présence des forces de l’ordre. « Les voleurs appréhendés et remis aux autorités compétentes sont relâchés quelques jours plus tard quand ils ne sont pas ensuite libérés par la justice », entend-on souvent dire, pour justifier des actes de lynchage collectif. Et dont les instigateurs et auteurs bénéficient quasi-systématiquement d’une impunité en raison de l’absence d’enquêtes ou qui restent sans suite lorsque des poursuites sont engagées. Les autorités préfèrent être « complices » de ces actes par leur silence ou leur inaction au lieu d’être accusées de prendre faits et cause pour les victimes de la vindicte populaire. Loin de légitimer cet état de fait, il faut bien comprendre que ceux qui participent à des lynchages collectifs sont des victimes avant d’être des bourreaux. Leur réaction répond d’un instinct de survie. Ils en ont plus qu’assez de subir ces agressions physiques chez eux ou à l’extérieur. Ils n’en peuvent plus qu’on leur prenne le peu d’économies et de biens matériels qu’ils ont amassés à la sueur de leur front. Ils sont dégoutés de constater que les malfaiteurs ne sont pas condamnés ou alors avec désinvolture par la justice. Ils se savent incapables d’affronter seuls un malfaiteur. C’est pourquoi, lorsqu’à plusieurs, ils en tiennent un, ils déversent sur lui toutes leurs frustrations, avec le sentiment de rendre une justice immédiate.

Madiassa Kaba Diakité
(LE REPUBLICAIN)

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