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Le Français Alain Gaspari :Un Suisse lui a sciemment transmis le VIH

jeudi 24 avril 2014, par Assane Koné

Le Français Alain Gaspari a eu le malheur de croiser la route d’un pervers qui l’a contaminé en toute conscience.

Son « empoisonneur » suisse a ruiné sa vie comme sa santé. Il vient d’écoper de sept ans de prison. Mais reste libre. Alain Gaspari, pourtant, dit n’avoir aucune colère envers celui qui lui a volontairement transmis le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). « Je suis soulagé et heureux d’être enfin reconnu comme une victime. Mais je n’ai pas de haine contre lui. J’espère juste qu’il sera arrêté car il est dangereux », explique calmement ce Français de 43 ans. Il y a dix jours le tribunal de Montbéliard a condamné le Suisse qui l’a contaminé à sept ans de prison.
Alain, pourtant, aurait de quoi en vouloir à celui qu’il définit comme « un criminel ». L’histoire débute fin 2004. Alain rencontre le Suisse alémanique d’aujourd’hui 53 ans à Bâle. Ils ont une liaison. Leurs rapports sont d’abord protégés. « Mais après deux-trois semaines il a voulu qu’on se passe de préservatifs », raconte Alain. « J’avais une trouille bleue du VIH. Mais c’est un manipulateur qui sait inspirer confiance. » Son amant, précise-t-il, semble avoir « la tête sur les épaules » : il a une bonne situation dans une caisse maladie, il est père de deux enfants, divorcé. « Et il m’a juré être clean. Je l’ai cru. J’étais amoureux, j’étais bête. »
« Il t’a fait un beau cadeau »
Quelques semaines plus tard le couple est aux Seychelles. Le Suisse propose à son compagnon une liaison avec un troisième homme, Marcel. Il insiste. Alain cède. Mais le couple commence à battre de l’aile. Alain est largué peu après. Puis il reçoit un SMS d’une incroyable violence de son ancien amoureux : « Tu te souviens de Marcel ? Il est très malade, il t’a fait un beau cadeau. »
Malade ? Cadeau ? Alain panique. Mais le Suisse ne lui répond plus. « C’était un message pervers et sadique d’un homme qui tente de se défausser. J’ai couru faire un test le lendemain. Cinq jours plus tard, j’apprenais ma séropositivité. »
Expertise sanguine déterminante
La suite ? Presque par hasard, Alain retrouve la trace de Marcel. Qui n’est pas du tout séropositif. Alain comprend que son ex-amant lui a menti. Et que c’est lui qui lui a transmis la maladie. Il dépose une plainte en février 2005.
S’ensuit un interminable combat juridique. Le Suisse est entendu en France. Ment. Puis ne répond plus aux sollicitations de la justice française. « Mais nous avons des documents prouvant qu’il se savait porteur du sida avant sa relation avec Alain », note Jean-Pierre Guichard, l’avocat de la victime. Qui finira par obtenir un prélèvement sanguin du Suisse via une commission rogatoire. « Les expertises prouveront la similarité des souches du virus. »
Durant ces années, Alain passe par tous les états. Le Français souffre de terribles angoisses. Et, en 2012, vit cinq gros épisodes dépressifs. L’un va défrayer la chronique. « J’ai craqué. L’anxiété a pris le dessus sur la réalité. J’ai sauté par la fenêtre. »
Alain habite au 2e étage, à Courcelles-lès-Montbéliard. Il a heureusement un réflexe de survie et s’accroche au rebord de la fenêtre. « J’ai tenu, tenu, tenu. J’étais à 5-6 mètres du sol. » Sa voisine apparaît sur le trottoir. Il lâche. Et lui tombe dessus ! Mais tous deux sont indemnes : elle est parvenue comme elle pouvait à amortir la chute. L’histoire du miraculé et de sa sauveuse est alors racontée par l’Est Républicain. Puis sur le plateau de Sophie Davant, sur France 2.
Aujourd’hui, Alain assure avoir un bon moral. Le verdict prononcé le 11 avril dernier par le Tribunal correctionnel de Montbéliard n’y est pas étranger. Le vice-procureur Lionel Pascal a requis et obtenu 7 ans de prison dont deux avec sursis pour « administration de substances nuisibles ayant provoqué une incapacité permanente ». Le magistrat a rappelé que le sida ne se soigne pas. Et souligné l’aspect handicapant de la maladie pour la victime « sous trithérapie, fragilisée, et qui vit désormais avec l’idée permanente de la mort ». « Oui, ma santé est fragile. Je suis suivi, vite fatigué. La trithérapie, c’est très lourd… On ne parle pas d’un cachet qu’on prend lorsqu’on a mal à la tête », résume Alain.
La justice française a également délivré un mandat d’arrêt international à l’encontre du Suisse, qui ne s’est pas rendu au procès. Et n’a même pas été défendu par un avocat. « Cet homme a été condamné pour avoir sciemment contaminé une autre personne. J’ai dit devant la Cour que l’on peut craindre qu’il existe d’autres victimes et j’assume », commente Me Guichard. « A mon sens on parle ici d’un danger public, d’un homme qui fait courir un danger à la société. »
Son client est du même avis. « Une personne m’a indiqué qu’il aurait eu un faux certificat pour prouver qu’il n’est pas séropositif », explique Alain. « En tout cas, je suis convaincu qu’il a fait d’autres victimes. Veut-il se venger de celui qui lui a transmis le sida ? Ce n’est qu’une hypothèse, je ne sais pas ce qui le motive. »
Pas d’extradition possible
Le Suisse avait dix jours pour déposer un recours à compter du moment où il a reçu le document judiciaire français. Mais la Suisse n’extrade pas ses ressortissants : il ne risque pour l’instant rien s’il ne traverse pas nos frontières.
« Lorsque j’ai déposé ma plainte, en 2005, j’avais peur qu’il vienne me faire la peau », raconte Alain. « C’est un pervers. En 2007, sur un site de rencontre, il m’a envoyé un « prompt rétablissement » accompagné d’un smiley ! Je n’ai plus jamais eu de contacts mais c’était lourd d’être constamment englué dans l’affaire, d’y penser en boucle. » Alain Gaspari estime que sa victoire judiciaire va maintenant l’aider à aller de l’avant. Et veut tourner la page sur une brève relation toxique de quatre mois qui a fait basculer sa vie.

Par Renaud Michiels.
(Le Matin)

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