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Mahmoud Dicko, président du Haut conseil Islamique : « Nous n’avons aucun intérêt à bloquer le processus de dialogue et de négociation entre nous et nos frères »

samedi 28 décembre 2013, par Assane Koné

La crise malien, notamment Kidal, est abordée par Mahmoud Dicko dans cette interview. Lisez

Républicain : Au seuil du nouvel an, comment voyez-vous la situation sociopolitique au Mali ?

Mahmoud Dicko  : Avec beaucoup d’espérance. Le Mali vient de très loin. Rien ne permet aujourd’hui d’avoir une désespérance. Nous sommes dans une situation qui nous permet d’espérer pour des lendemains meilleurs. Donc jusqu’à preuve du contraire, je suis vraiment optimiste. Ça ira inchallah.

La crise du nord préoccupe les Maliens qui sont divisés entre le dialogue et l’option militaire. Quelle option vous semble être la bonne ?

Cette préoccupation est légitime. Mais nous devons la prendre avec beaucoup de raison. Cette crise ne date pas d’aujourd’hui. Il y a 53 ans le Mali vit cette crise. Aujourd’hui je pense qu’il ne sert à rien de se précipiter, mais de jeter un regard sur tous ce qui s’est passé et de voir l’avenir avec beaucoup de sérénité pour que nous puissions résoudre cette crise une fois pour toute. Il n’y a pas lieu de se diviser et je crois surtout que le Mali doit s’unir pour qu’ensemble nous puissions résoudre ce problème. Si nous prenons les armes aujourd’hui demain, on va parler. On avait pris les armes à l’époque mais le problème n’est pas fini.

Que préconisez-vous ?

Il faut trouver un moyen pour qu’on se parle. Aujourd’hui cette crise a pris une dimension universelle où le monde entier est partie prenante. On doit prendre l’opinion nationale et internationale à témoin, parce que d’habitude on gère les choses à huis clos, on fait des accords en catimini et le peuple n’était pas suffisamment informé de ce qui se passe. Je pense qu’aujourd’hui, il faut prendre une démarche inclusive, afin que le peuple sache de quoi il s’agit réellement. Le peuple n’est ni bien impliqué ni bien informé. Il y a un problème de communication. Il faut dire au peuple ce qui se passe réellement et je pense que c’est ainsi seulement que nous puissions trouver une solution durable.

Peux-t-on encore compter sur le dialogue pour garder l’intégrité territoriale du Mali ?

J’ai dit lors de la présentation des vœux, nous avons juré que le Mali restera un et indivisible, le Mali ne va pas être divisé. C’est la conviction de tous les Maliens et nous sommes prêts à défendre cette position jusqu’au sacrifice ultime. Mais si nous sommes convaincus de cela, ça veut dire que ceux qui sont là-bas sont nos compatriotes, ce sont nos frères qui ne peuvent pas aller ailleurs. Maintenant trouvons un moyens de parler avec eux pour qu’il y ait l’entente entre nous. Nous sommes condamnés à vivre ensemble et cela nous oblige à trouver une solution. Il faut engager un dialogue réel, savoir ce qu’ils veulent au juste ? Nous entendons des choses, il faut qu’on nous dise réellement qu’est ce qu’ils veulent, qui veut quoi ? Ce que nous pouvons accepter ou pas. Mais il faut le dire à l’intention du peuple pour que tout le monde soit au même niveau d’informations. Il faut que les gens se parlent et qu’on tienne le langage de la vérité pour nous-mêmes. Tous les touaregs ne sont pas des séparatistes, indépendantistes, nous le savions.

Quelle est cette minorité qui est en train de brandir cela ?

Il faut oser parler pour creuser la chose et aller en profondeur. Il ne sert à rien que chacun de son côté reste sur ses gardes : on se regarde en chiens de faïence et on ne va pas se parler. Je crois qu’il faut dépasser cela. Il faut prendre l’opinion nationale et internationale à témoin comme quoi nous n’avons aucun intérêt à bloquer le processus de dialogue et de négociation entre nous et nos frères, tel n’est pas notre volonté. Mais nous voulons aller sur des bases saines et des choses qui sont acceptables. Mais dire aujourd’hui que le peuple est divisé parce que nous voulons aller en guerre. Est-ce que la guerre a résolu le problème ? En 1962 et 1963, on est allé en guerre mais cela n’a pas résolu le problème. En 1990, 2006 et 2012, il y a eu la rébellion, nous sommes allés en guerre. Aujourd’hui le Mali est dans une situation où il ne faut pas souhaiter aller en guerre maintenant. Il y a eu beaucoup de choses, on a failli ne plus être, mais par la grâce de Dieu nous sommes là. Il faut se mettre ensemble et mettre le pays debout. Tant qu’on peut éviter une guerre, il faut l’éviter, aujourd’hui on a suffisamment de problèmes. On ne doit pas se deviser, mais se met ensemble d’abord pour travailler, chercher autant que peut à récupérer nos frères, à les faire ramener dans le giron de l’Etat. Entre temps nous travaillons aussi à refaire notre pays, car nous vivons dans un pays complètement délabré. On doit regarder tous vers la même direction pour le bien du pays. Telle est ma vision de cette affaire. Mais il y a des voix plus autorisées que la mienne et la dernière décision leur revient.

Quel appel avez-vous à l’endroit des autorités maliennes, le peuple malien et la communauté internationale ?

Je l’ai dit lors de la présentation des vœux à l’endroit de son excellence le président de la République à son gouvernement et à l’opinion malienne qu’il ne faut pas qu’on se laisse distraire. Aujourd’hui, la situation nous commande d’être ensemble et à regarder vers la même direction, a voir le même objectif qui est le Mali, c’est ça le plus important. J’ai cité un proverbe Bambara : Si vous avez un adversaire, n’acceptez pas qu’il vous mette en colère, parce que quand vous êtes sous l’emprise de la colère, vous perdez raison. Si vous êtes plus fort que lui, vous risquerez de l’écraser à tel point qu’on vous condamnera après. Et si vous ne faites pas attention aussi, s’il est fort il risque de vous amener sur des terrains encore plus glissants. C’est un message fort pour dire qu’on doit faire beaucoup attention. Ne pas seulement parler avec notre cœur, mais plutôt avec notre esprit. Maitrisez nos passions pour poser des actes concrets. C’est une façon de parler et je sais que les responsables sont suffisamment avertis ils savent ceux qu’ils doivent faire. Mais en tant que leader d’opinion j’ai le droit de véhiculer le message de la paix. Quant à la Communauté Internationale, je pense qu’ils nous ont aidé à recouvrer l’intégrité territoriale, mais ils doivent nous aider aussi à retrouver la paix. Parce que nous avons le Mali, mais tant que le problème de Kidal n’est pas résolu nous n’aurons pas la paix. Je crois bien qu’ils sont là pour nous aider à retrouver la paix aussi. La paix ne peut pas être une réalité tant que le problème de Kidal perdure. Ils doivent nous accompagner dans ce sens. Les termes des accords qui ont été signés sont clairs. Ils n’ont qu’à nous aider à appliquer ces termes.

A l’orée de cette nouvelle année, quels sont vos vœux pour 2014 ?

Ce que je souhaite pour les Maliens, c’est qu’ils se mettent ensemble et regardent tous vers la même direction, à mettre le Mali au cœur des préoccupations. Tant que nous avons les mêmes objectifs et nous nous rappelions de la devise du Mali « un peuple, un but une foi ». Le Mali est pluriel et divers, mais nous constituons un seul peuple, chaque malien doit l’avoir à l’esprit.

Moussa Samba Diallo
Aguibou Sogodogo
(LE REPUBLICAIN)

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