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AEEM : Ces enfants qui font honte au Mali

vendredi 29 janvier 2016, par Assane Koné

Une dizaine de blessés dont trois graves et des motos endommagés : voilà le bilan, qui n’est en rien dédaignable, d’un affrontement ayant opposé les élèves de l’Institut National des Arts (INA) et des membres du bureau de coordination de l’Association des élèves et étudiants du Mali (AEEM). Un évènement fâcheux dont la presse locale s’est fait l’écho le lundi dernier.

Il est vrai que nous n’avons toujours pas toutes les pièces du puzzle pour reconstituer ce qui s’est passé à l’INA et situer les responsabilités. Ce que l’on sait, et qui vaut son pesant d’or, c’est que des membres de l’AEEM et des élèves se sont mesurés dans l’arène de la violence. Des élèves qui décident de boycotter un examen pour réclamer leurs bourses, cela est un fait banal au Mali. Surtout quand on sait que ces bourses représentent presque la raison, la seule, d’étudier pour beaucoup. Etudier, faire des efforts pour passer et continuer d’en bénéficier. Sans les bourses, ce n’est en rien exagéré de le dire, l’enseignement supérieur au Mali serait comme un marigot sans poissons. De là à en venir à la violence, il y a un pas qu’on n’aurait pas dû franchir.

Au Mali, on sait le système éducatif malade. On sait que l’enseignement supérieur, par exemple, est corrompu par les tricheries, le clientélisme. On sait que, permettez-moi l’expression, l’imbécilité y est programmée. Mais, il est ahurissant, mais vraiment ahurissant, de constater que les réflexions pour le redressement du système n’alertent pas sur le pouvoir de nuisance de ce mouvement dont il faut nettoyer les écuries d’Augias. Ce n’est pas la première fois que des membres de l’AEEM et des élèves ou étudiants en viennent aux mains.

L’année dernière, l’auteur de ces lignes a été témoin d’un affrontement violent entre ces deux camps, comme si l’AEEM avait attrapé le pli de pourvoir en violences les étudiants pour les faire rentrer dans le rang. Il n’a même pas compté combien de fois des étudiants se sont fait bastonner par des membres d’un comité AEEM pour un oui pour un non, combien de fois ils ont fait usage des machettes, pistolets dans leur bagarre, combien de fois ils ont soutiré de l’argent aux étudiants avant de leur rendre service.

Le fait est que la violence est devenue le joint de ces jeunes qui n’ont rien à envier à des cancres, règnent d’une main de fer envers et contre tout, se permettent les folies les plus repoussantes, se font la poche sur le dos des étudiants et élèves.

Qu’on se le dise, l’AEEM méprise les étudiants, et la réciproque aussi est vraie. C’est ce qui explique le fait qu’elle soit en butte à un véritable désaveu de ceux dont elle est censée défendre les droits. Comment en est-on arrivé là ? Simplement, parce que, pour citer Emile Cioran « quelqu’un que nous plaçons très haut nous devient plus proche quand il accomplit un acte indigne de lui. Par-là, il nous dispense du calvaire de la vénération. » Voilà un mouvement dont certains militants, d’une voracité incomparable, servent encore de pont aux étudiants ayant fait échec à l’examen et souhaitant acheter le passage à la classe supérieure. Voilà un mouvement dont le gros des militants (cela vaut également pour les militants qui sont dans les lycées, surtout publics) passe encore par la grâce du piston à l’examen de fin d’année. Voilà un mouvement où il faut briller par son goût farouche pour la violence… Oui, l’AEEM en est toujours là. Le dire, l’écrire c’est amener les responsables du mouvement à s’éveiller aux réalités terrifiantes et tristes qu’ils ont contribuées à créer inconsciemment ou non. Des réalités que l’AEEM se doit de mettre à plat pour prouver qu’elle entend rompre avec cette ligne de comportement dont les conséquences pèsent aujourd’hui d’un poids écrasant sur son image. Si elle veut gagner l’estime des étudiants et élèves qui disent en avoir assez d’une AEEM incompétente et incapable, dont certains membres scélérats continuent de danser au son du tam-tam de l’égarement.

Il est regrettable qu’on ait laissé faire ces enfants. Il est fâcheux que durant des années, personne n’ait jugé la peine de leur dire combien leur comportement fait honte d’abord aux élèves et étudiants, et accessoirement au pays tout entier. Or, ce pays « ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les laissent faire. » Tout se passe comme si l’AEEM est devenue le reflet d’un pays où les voyous sont devenus des archétypes pour une jeunesse désorientée, sacrifiée sur l’autel des intérêts personnels. Un pays où les valeurs éthiques les plus simples sont les moins observées.

Boubacar Sangaré


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