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Orpaillage : L’utilisation des dragues au centre des préoccupations

jeudi 17 juin 2021, par Assane Koné

La 22e édition de la quinzaine de l’environnement est aussi un cadre d’échange et de partage d’expériences sur les questions qui touchent à nos sources de vie. Cela a été l’occasion d’expliquer aux uns et aux autres, la problématique de l’orpaillage par dragues sur le fleuve Niger et ses conséquences. La thématique a été animée par Moussa Diamoye, Ingénieur des Eaux et Forêts, Directeur Général Adjoint de l’Agence du Bassin du Fleuve Niger (l’ABFN). C’était dans la salle de conférence de l’Agence l’Environnement et du développement durable.

Pour rappel, l’exploration et l’exploitation aurifère est une activité qui existe au Mali depuis des siècles. Plusieurs régions et zones du pays sont considérées comme regorgeant d’importants gisements d’or, qui, de plus en plus font l’objet d’exploitation industrielle, à travers les grandes firmes et sociétés internationales et nationales spécialisées dans l’exploitation de mines. Selon le conférencier, les fleuves et autres cours d’eau sont de nos jours les zones les plus concernées par cette activité. Les fleuves Niger et Sénégal, leurs affluents ainsi que leurs bassins versants font l’objet d’invasion.

Parlant des statistiques, il a indiqué que le Mali a produit en 2020, au moins 65 tonnes d’or. Il dira que le pays compte plus de 1 000 000 de mineurs artisanaux, répartis sur plus de 350 sites aurifères. Pour lui, la production d’or du secteur informel est par nature difficile à quantifier. Toutefois, les évaluations font état de 5 à 6 tonnes par an (Source : Chambre des mines). Mais, ce qui est sûr, c’est au cours des années 2010, que le Mali a connu la prolifération des dragues artisanaux.
Selon lui, l’exploitation aurifère par drague a connu une évolution spectaculaire avec le développement de l’expertise locale. « Avant, les dragues étaient importées au prix variant entre 8 et 12 millions CFA. Aujourd’hui, l’artisan de Kangaba ou de Bamako livre une drague neuve autour de 3 000 000 FCFA », a-t-déclaré.

De ce constat, il mettra l’accent sur la nouvelle dimension de l’orpaillage dans les cours d’eau, grâce aux engins fabriqués, appelés dragues, à partir de moteurs de Mercedes.

Cadre juridique et règlementaire

Dans l’esprit du code minier de 2012 avant sa relecture, selon Moussa Diamoye l’exploitation par drague est assimilée, dans ses modalités d’exercice, à l’exploitation artisanale mécanisée (47). Son exercice est soumis aux mêmes conditions que les petites mines (54 et +), à savoir : l’obtention d’une « autorisation d’exploitation de petite mine », attribuée par arrêté du Ministre chargé des Mines.

Conséquences environnementales et sanitaires

Lors de la présentation, l’on a pu noter les conséquences environnementales et sanitaires liées à cette pratique. Elles sont entre autres : Pollution de l’environnement par l’accumulation des déchets (piles, sachets, bouteilles plastiques, bidons, etc.) ; création des turbidités et contamination des eaux, en relation avec une augmentation de la turbidité ; la perturbation de la fonction chlorophyllienne ; la diminution du taux d’oxygène dans l’eau entraînant progressivement l’asphyxie du milieu ; et l’altération voire la disparition de la flore et de la faune aquatiques.

« La sédimentation des particules en suspension peut boucher les branchies des poissons et recouvrir les zones de frayères de nombreuses espèces de poissons et de batraciens qui auront donc plus de mal à se reproduire », a-t-il fait savoir.

Ensuite, la présence de trous « orphelins » de 4 à 6 mètres et formation de seuils sableux, la concentration de la population et son mode de vie entraînent des risques sanitaires considérables ; la perturbation et/ou destruction des zones de frayères ; perturbation des équilibres locaux et modification de la topographie au niveau des cours d’eau où l’activité s’est installée.

« Le système même de dragage qui consiste à forer et à déposer les sédiments modifie considérablement la topographie du lit du cours d’eau. Le paysage offert est une succession de bancs de sable et/ou de gravier entrainant la faiblesse des débits, l’étiage précoce et pouvant même, à moyen et long termes occasionner l’arrêt des écoulements », a-t-il conclu.

Conformément à sa mission de sauvegarde du fleuve Niger, l’Agence a réalisé 10 missions de surveillance du fleuve Niger, suivies de déguerpissement, sur la période de mai 2019 à décembre 2020.

Par ailleurs, d’après lui, au terme de ces missions de surveillance du fleuve Niger, l’Agence a recensé la présence de : 998 dragues artisanales, 26 dragues industrielles, dont 14 étaient à l’arrêt et une machine d’exploitation de sable. Pour lui, ces chiffres peuvent paraître élevés, mais comparés à l’indicateur générique du plan de travail issu du séminaire gouvernemental des 15 et 16 juillet 2017, qui demande de faire passer de 3000 dragues à un nombre maximum de 100 dragues sur le fleuve Niger, on peut affirmer que l’activité de recherche et d’exploitation aurifère par les dragues sur le fleuve Niger connait un net recul.

Comme mesures initiées, ils ont entre autres : Réalisation et diffusion sur l’ORTM pendant 1 mois d’un sketch (en bambara) sur les impacts négatifs de l’exploitation aurifère par dragues sur nos cours d’eau. Les versions bozo et sonrhaï du même sketch ont été réalisés. Il a aussi annoncé l’organisation de plusieurs ateliers de renforcement des capacités des acteurs locaux des services techniques et des collectivités sur les aspects de sauvegarde du fleuve Niger, et l’animation de conférences sur le sujet (JMP 2017, Forum national sur la gestion durable des ressources en eau au Mali 2018, HCC en 2019, CCDP et ESCJ en 2021). Mieux, il a rappelé l’élaboration et l’introduction d’une communication verbale en Conseil des ministres le 14 février 2018 qui a recommandé l’élaboration d’un plan d’actions détaillé permettant de rendre exécutoire la décision de suspension pour une année de l’exploitation de l’or par dragage au Mali.

Comme perspectives, il a cité : l’intensification des activités de sensibilisation, et de communication ; la poursuite des missions de surveillance du fleuve Niger, le renforcement des capacités des acteurs et usagers et la mise en place des outils de suivi environnemental, avec la réalisation de 6 cartes de pollution et d’un modèle de suivi dynamique.

Bintou COULIBALY


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